: Portrait Nantenin Keïta, porte-drapeau et guide dévouée du collectif paralympique français à Paris
Etre là pour les autres, en toutes circonstances, c'est peut-être ce qui la définit le mieux. Avec les années, cette dévotion s'est transformée en ligne de conduite pour Nantenin Keïta, quadruple médaillée paralympique, médaillée d'or sur 400 m à Rio en 2016, dans la catégorie T13 (épreuve réservée aux athlètes ayant un handicap visuel).
A l'occasion de ses cinquièmes Jeux paralympiques, l'athlète atteinte d'albinisme et de déficience visuelle guidera la délégation française aux côtés d'Alexis Hanquinquant, également choisi pour être porte-drapeau tricolore. "L'idée est d'être un maillon supplémentaire aux performances des athlètes, sur le terrain, mais aussi en dehors", résume la native de Bamako (Mali) et fille du chanteur et musicien Salif Keïta.
Entre "maman" et "grande sœur" de la délégation
Cette responsabilité s'ajoute à son rôle de co-capitaine de l'équipe de France de para-athlétisme avec le sprinteur Trésor Makunda et de capitaine de l'équipe de France paralympique. "C'est une juste récompense pour elle", se réjouit Emeric Chattey, référent national à la Fédération française handisport (FFH) sur le demi-fond, qui connaît Nantenin Keïta depuis plus de vingt ans.
Autant de missions qui impliquent à la fois un devoir de transmission et de soutien à l'ensemble des athlètes de la délégation française lors de ce rendez-vous planétaire. Et autant de rôles qui lui vont "comme un gant", à en croire Olivier Deniaud, manager adjoint de la commission para-athlète, qui l'a toujours suivie depuis son arrivée en équipe de France en 2000. "Nanto [surnom de Nantenin Keïta] est une personne à l'écoute des autres, qui fait attention à chaque personne et qui nous alerte si elle sent un athlète en difficulté", poursuit-il.
"Elle a toujours été très investie pour les autres. Elle valorisera toujours le collectif et ses coéquipiers plutôt qu'elle."
Emeric Chattey, référent national à la FFHà franceinfo: sport
A deux jours de la cérémonie d'ouverture, Nantenin Keïta a pu étrenner son nouveau costume lors de la dernière réunion d'équipe pour les para-athlètes. Un "discours marquant", salué par Guy Ontanon, manager de la performance pour l'athlétisme à la FFH, et une chanson de Sia, Unstoppable ("Inarrêtable" en français), lancée dans les enceintes et censée porter le groupe France vers le sommet de l'Olympe.
Au sein de la délégation française, Nantenin Keïta c'est un peu la "maman" du groupe, à l'image de la lanceuse de disque Mélina Robert-Michon, elle aussi porte-drapeau lors des Jeux olympiques. De son côté, Nantenin Keïta préfère parler du "rôle de grande sœur, qui me correspond plus", insiste-t-elle, avant d'ajouter : "Et Mélina, c'est un cran au-dessus."
Un besoin d'être proche des autres
Un rôle que les athlètes qui la côtoient confirment. "Elle m'a beaucoup aidée et conseillée tant sur ma vie privée que sportive, raconte Dimitri Jozwicki, para-athlète spécialiste des 100 et 200 m (catégorie T38, pour les athlètes porteurs handicap moteur cérébral) et parrainé par Nantenin Keïta en 2017 aux Etoiles du sport. Elle a toujours cru en moi. Elle a toujours été à l’écoute et de bon conseil. Elle sait dire les choses quand ça va, quand ça ne va pas, c'est pourquoi elle incarne à la perfection le rôle de capitaine et de porte-drapeau."
"Elle est moteur dans la vie du groupe. Tout le monde a envie de la suivre, appuie à son tour Clavel Kayitare, ancien membre de l'équipe de France de para-athlétisme, qui a évolué à l'Institut national du sport, de l'expertise et de la performance (Insep) avec elle. Elle donne des conseils à tout le monde sur le sportif mais aussi l'humain. Elle est toujours la première à encourager les camarades." Un besoin essentiel pour celle qui a subi des moqueries sur son handicap lors de son enfance.
"C'est vraiment quelque chose qui m'anime parce qu'à un moment, étant plus jeune, j'ai eu l'impression que je n'étais pas à ma place. J'aimerais que personne ne se sente exclu de la société."
Nantenin Keïta, sprinteuse, spécialiste du 400 m et porte-drapeauà franceinfo: sport
En plus de ses multiples casquettes dans le monde sportif, elle est aussi défenseure des droits des personnes atteintes d’albinisme au sein de l'association Salif et Nantenin Keïta en France, dont elle est la présidente, et de la Fondation Salif Keïta au Mali. Elle est également employée dans une compagnie d'assurances, où elle veille à l’application de la politique d’intégration du groupe en matière de handicap et de diversité. Des missions nombreuses dans lesquelles elle œuvre souvent dans l'ombre, "sans s'attirer l'exclusivité de l'attention", souligne Emeric Chattey.
Le collectif avant elle-même
Si Nantenin Keïta est autant engagée, c'est aussi parce qu'elle souhaite redonner de ce qu'elle a reçu. "Quand j'étais plus jeune, j'ai eu la chance d'être très bien entourée, Cela m'a aidé à accepter mon albinisme et ma déficience visuelle. Et mon père m'a toujours dit que dans la vie, quand on avait de la chance, il fallait la rendre à un moment", livre-t-elle. Quitte parfois à en faire trop. "Quand elle s'engage dans un projet, elle est très investie, et parfois elle a tendance à s'oublier elle-même, à s'épuiser alors qu'à un certain moment, elle ferait mieux de se recentrer sur elle-même", admet Emeric Chattey.
A travers ses performances et ses différentes casquettes, Nantenin Keïta espère aussi inspirer au-delà du mouvement paralympique. "Si mon parcours permet ne serait-ce qu'à un enfant ou un adulte de se dire 'j'ai vu Nantenin Keïta et j'ai vu que c'était possible, je l'ai vue gagner, tomber et se relever', alors j'aurai gagné quelque chose", estime-t-elle.
Elle vise la plus belle des médailles à Paris, mais souhaite avant tout une réussite plus large pour les Jeux. "J'aimerais que ces Jeux permettent de faire évoluer la France sur le handicap dans le sport", affirme la porte-drapeau. A Paris, Nantenin Keïta participera à ses derniers Jeux. Pour le reste, l'avenir est encore flou. Mais elle continuera de s'engager auprès des autres, que ce soit dans le sport ou en dehors, mais toujours "sur le terrain".
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