Jeux paralympiques : adaptation au handicap du cavalier, nouvelles formes de sollicitation du cheval... Comment se crée un couple en paradressage ?

Article rédigé par Sasha Beckermann
France Télévisions - Rédaction Sport
Publié
Temps de lecture : 4 min
Chiara Zenati, le 30 août 2021, aux Jeux paralympiques de Tokyo. (MAXPPP)
Les paradresseurs et leurs chevaux foulent les pistes du château de Versailles depuis mardi.

Versailles reprend du service. Après les épreuves de saut d'obstacles, de dressage et de concours complet des Jeux olympiques, ce sont les paradresseurs qui danseront avec leurs équidés à l'Etoile royale, tout en s'offrant une vue sur le château. Seule discipline équestre des Jeux paralympiques, le paradressage, qui consiste à enchaîner des mouvements à différentes allures, est l'occasion d'admirer des chevaux qui ont intégré des nouveaux codes et se sont adaptés au handicap de leur cavalier. Les paradresseurs sont classés dans cinq grades en fonction de leur handicap, plus le chiffre est petit plus le handicap est lourd (du grade I au grade V). Le para-dressage intègre différents handicaps physiques et la cécité. 

Dans l'équitation classique, les chevaux sont dressés pour répondre à des sollicitations bien précises. Une pression des mollets et le cheval avance, l'appui des mains à droite comme à gauche de la monture permet de donner la direction... Alors, comment faire quand un dresseur ne peut utiliser le bas ou un côté de son corps ? Qu'il lui manque une jambe ou un bras ? 

Des aides supplémentaires pour compenser

"C'est vrai que les chevaux doivent s'habituer à avoir des demandes différentes", souligne Fanny Delaval, directrice technique nationale (DTN) en charge du paradressage et cheffe de l'équipe de France. Pour les aider à faire des demandes autrement, les cavaliers de paradressage disposent d'aides compensatoires, interdites en compétition pour les cavaliers valides, comme la voix ou le stick, une longue cravache très fine utilisée sans donner de coup, en exerçant une pression ou un tapotement.

Ces artifices permettent de donner des indications supplémentaires, afin de compenser une paralysie ou un membre en moins. Amputé de la jambe droite à la suite d'un accident de voiture, Vladimir Vinchon, qui représentera la France sur le rectangle de dressage, remplace l'intégralité des actions de cette jambe-là par des actions avec l'objet : "Pégase Mayenne [son cheval] a accepté très rapidement et très naturellement le stick. Evidemment, je fais attention à l'endroit où je l'utilise et à la pression que j'effectue pour ne pas le gêner.

Des codes propres à chacun

La paradresseuse Chiara Zenati, engagée avec Swing Royal*IFCE aux Jeux paralympiques de Paris, est hémiplégique du côté droit depuis sa naissance et utilise uniquement sa main gauche. Pour savoir si le hongre noir lui conviendrait – et pour des raisons de sécurité – son entraîneur, Sébastien Goyheneix, l'a monté et dressé avant qu'elle ne fasse ses essais avec lui.

"Il s'agit de rendre le cheval le plus coopératif et le plus réceptif possible dans le travail, parce que le cavalier handisport peut être un peu plus vulnérable. C'est ce qui va permettre au cavalier d'instaurer ses codes", analyse le cavalier du Cadre noir de Saumur (Maine-et-Loire). Ce processus est beaucoup plus rare, voire inexistant, pour les cavaliers de dressage valides. Ce sont en général eux qui montent directement sur leurs chevaux et affinent le travail.

"Je suis toujours étonnée par la capacité d’adaptation des chevaux. Tout se fait de manière assez naturelle. Ce n’est pas tant de l’éducation du cheval que de l’adaptation."

Fanny Delaval, DTN en charge du paradressage

à franceinfo: sport

Les codes sont propres à chaque cavalier porteur de handicap et le rendu final est le fruit d'une adaptation mutuelle. "Chiara est capable d'adapter la manière dont elle utilise sa seule main pour une équitation de qualité. Le cavalier trouve toujours des solutions pour compenser son handicap", détaille Fanny Delaval.

"Il faut laisser du temps au couple. Chiara, je ne lui explique pas comment faire, elle trouve toute seule. C'est elle qui sent si elle arrive à faire faire un mouvement à son cheval ou pas", abonde Sébastien Goyheneix. "Chacun met en place une codification qui est propre à son handicap", ajoute Vladimir Vinchon.

Le Français Vladimir Vinchon aux Jeux paralympiques de Tokyo, le 26 août 2021. (BEHROUZ MEHRI / AFP)

Si les codes sont différents, les qualités recherchées chez un cheval de paradressage, sont globalement les mêmes que chez un cheval de dressage. "Le bon cheval de paradressage, c'est le cheval qui gagne et permet d'être le meilleur. On cherche des chevaux compétitifs", insiste Fanny Delaval. "Ce sont des chevaux normaux de dressage avec des qualités intrinsèques", renchérit Vladimir Vinchon. Le cheval de Chiara Zenati avait ainsi été acheté dans un premier temps pour les cavaliers du Cadre noir de Saumur. 

C'est là que l'éducation qui lui a été donnée, ainsi que le mental du cheval, entrent en jeu. Celui-ci doit être assez patient et malléable pour accepter que son cavalier cherche ses marques, se trompe, change sa façon de demander. C'est notamment l'absence de réaction violente au stick et son adaptation rapide qui ont "fait basculer" le choix de Vladimir Vinchon pour Pégase Mayenne. Le couple avait terminé 6e de sa catégorie aux Jeux de Tokyo et vise cette fois-ci une médaille à domicile. 

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