: Portrait Paralympiques 2024 : Alexis Hanquinquant, l'empereur du paratriathlon devenu ambassadeur du handisport et porte-drapeau tricolore
Après avoir porté la flamme olympique sur le tapis rouge de Cannes, dans sa Normandie natale et aux Tuileries quelques minutes avant l'allumage de la vasque des JO 2024, Alexis Hanquinquant sera de nouveau mis à l'honneur mercredi 28 août, lors de la cérémonie d'ouverture des Jeux paralympiques 2024.
Le sextuple champion du monde de paratriathlon (catégorie PTS4) sera en effet le porte-drapeau de l'équipe de France paralympique sur les Champs-Elysées, aux côtés de Nantenin Keïta. Quoi de plus logique pour celui qui est devenu le porte-étendard du handisport en France depuis son titre à Tokyo en 2021, cinq ans seulement après s'être mis au paratriathlon, suite à son amputation.
Vingt-cinq anesthésies générales en trois mois
"Un jour, j’ai rêvé sur un lit d’hôpital que je serais champion olympique. Pas une seule seconde on a cru en moi", raconte le Normand, dans le documentaire A Corps Perdu, disponible sur france.tv. Opéré plus de vingt fois sous anesthésie générale en trois mois en 2010, après un grave accident du travail (il était alors maçon), Alexis Hanquinquant a eu le temps de réfléchir, sur son lit d'hôpital.
"En 2010, je suis un jeune de 24 ans, en couple, je retape ma maison : tout va bien. En sport, je suis à fond. Je suis champion de France de full-contact [un sport de combat de percussion]. Le 5 août, j’ai cet accident du travail assez grave, je me fais broyer la jambe par un engin de chantier et tout bascule", raconte, quatorze ans plus tard, celui qui finira par demander l'amputation en septembre 2013, après trois ans de combat : "J’ai souffert le martyre. J’ai tellement souffert que la mort ne pouvait être que douce."
"Il m’a fallu trois ans pour me projeter psychologiquement sur l’amputation. C’était inconcevable pour moi. Trois ans de cauchemars et de douleurs, j’en avais marre de cette jambe qui était là mais était un fardeau."
Alexis Hanquinquant, paratriathlète
Sportif depuis toujours avant son accident, le Normand réfléchit à comment retrouver la pratique, après trois ans "enfermé dans son corps", explique sa compagne, Eva. "Alexis a besoin de bouger, de courir. Ne rien faire, ce n’est pas Alexis. Je lui dis alors de tout recommencer à zéro." Amputé de son tibia droit, Alexis Hanquinquant répond : "Je lui dis que je veux faire les Jeux paralympiques. Au fond de moi, je savais que j’en étais capable."
De novice à champion du monde en trois ans
"Je me suis dit 'quel sport peut être assez dingue ?'… Le triathlon est venu assez naturellement avec ses trois disciplines. C’est un sport très exigeant. A ce moment-là, j’avais besoin de cette exigence, de me prouver à moi et aux gens que je n’étais pas encore bon pour la poubelle", retrace celui qui, onze ans après ce choix, compte six titres mondiaux, européens, et une médaille d'or paralympique. Le fruit d'un long travail pour celui qui, chaque jour, nage, court et pédale pendant plusieurs heures.
Déterminé, perfectionniste voire jusqu'au-boutiste, Alexis Hanquinquant explose les temps de passage et emmène dans son sillage l'ensemble du paratriathlon français. "Alexis est arrivé comme un boulet de canon en finissant vice-champion de France dès sa première année, retrace Nicolas Becker, entraîneur des Bleus. Il a permis de monter d'un cran l'exigence générale et de décomplexer tout le monde." Travailleur acharné, le paratriathlète va même jusqu'à s'entraîner avec les stars du triathlon tricolore, quitte à faire souffrir Vincent Luis, double champion du monde chez les valides.
"En 2018, lors d'un stage, Vincent Luis est allé rouler avec lui. Il pensait faire une sortie tranquille, mais il a été surpris par la vitesse d'Alexis, qui est une machine. Ses capacités physiques brisent les préjugés sur les para-athlètes. C'est une locomotive pour tout le handisport."
Nicolas Becker, entraîneur des Bleusà franceinfo: sport
Que ce soit en compétition ou micro en mains, Alexis Hanquinquant se transforme rapidement en porte-étendard du handisport tricolore, avec un message clair : "Je déteste le mot handicapé. Je suis capable de nager, rouler et courir plus vite que n’importe qui, mais avec une prothèse, martèle-t-il. Ma prothèse fait partie de ma vie, je n’ai pas d’habillage dessus. Elle fait partie de mon identité. Mais ce n’est pas la cour des miracles. La pitié, on n’en veut pas." Une banalisation qui pousse même son jeune fils de 4 ans à lui demander à quel âge lui aussi aura une prothèse.
Egerie Dior et précurseur
Celle d'Alexis Hanquinquant, d'ailleurs, a depuis plusieurs années été copiée dans le monde entier. Et pour cause : le Français a été l'un des premiers à concevoir une prothèse unique pour la natation, le cyclisme et la course à pied. "Il s'entraîne plus que quiconque, et pousse tous les curseurs au maximum, y compris sur les moindres détails, que ce soit la prothèse, les séances d'entraînements en soufflerie... Il ne laisse rien au hasard", abonde Nicolas Becker qui, de son propre aveu, "n'arrive jamais à le fatiguer."
Depuis plusieurs mois, le quotidien du porte-drapeau tricolore est pourtant encore plus rempli, avec ce rôle qui lui confère une responsabilité supplémentaire, ainsi qu'une médiatisation accrue. Celui qui se rêve acteur de cinéma ou commentateur TV le gère, là aussi, à la perfection, même lorsqu'il s'agit de poser habillé par Dior. "Il sait être revendicatif quand il le faut, mais il sait aussi avoir de l'humour. C'est un bon moyen de faire passer des messages. Par exemple, il dit que son plus gros handicap, c'est son niveau d'anglais...", sourit Nicolas Becker.
Mais la langue de Skakespeare ne fera pas pédaler Alexis Hanquinquant plus vite, lui qui, non content de remporter la plupart des courses avec plusieurs minutes d'avance, a beaucoup travaillé son point faible avant Paris : la natation. "La pression lui glisse dessus, il est prêt. Sa force, c'est sa capacité à s'entraîner très, très dur et vite récupérer. Il a beaucoup travaillé dans l'eau, il a fait le tour du monde pour affronter tous ses adversaires et il vient pour la médaille d'or et l'assume", apprécie Nicolas Becker. Sûr de sa force, Alexis Hanquinquant n'a toutefois rien de la star dégoûlinante d'ego. Loin de là.
"Il participe à tous les stages avec l'équipe de France, n'a jamais snobé personne, c'est toujours le premier à arriver, sans traitement particulier, et il respecte ses adversaires. Mais il n'a pas peur de dire qu'il veut gagner", détaille Nicolas Becker, qui reconnait bien quelques défauts à son poulain. "Il est obstiné, donc têtu. Il veut parfois trop en faire, donc on doit le calmer. Et puis il est assez sanguin et peut vite s'énerver sur un changement de parcours ou d'horaire. Il peut sortir de ses gonds, mais il se reprend vite." Un visage crispé que l'on ne devrait pas voir lors de la cérémonie d'ouverture, lorsque le cador du paratriathlon ouvrira la voie à la délégation tricolore, avant de faire le grand saut.
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