SÉRIE. Paris 2024 : le carnet de bord des Jeux paralympiques - épisode 4 : la gestion des partenariats
Quel est le quotidien d'un athlète paralympique ? Comment se prépare-t-il à une échéance comme les Jeux de Paris 2024 ? Est-il possible de faire changer le regard sur le handicap à travers un tel événement ? Ces questions - et bien d'autres - ont conduit la rédaction de franceinfo: sport à proposer un format où la parole reviendrait directement aux sportives et sportifs tricolores qui visent les Jeux paralympiques.
Pour le quatrième épisode de ce carnet de bord mensuel, Guillaume Toucoullet (paratir à l'arc) et Ugo Didier (paranatation) évoquent la recherche et la gestion des partenaires et sponsors qui viennent les épauler dans leur carrière de sportif de haut niveau.
Guillaume Toucoullet • 39 ans • tir à l'arc classique (accident de moto en 2010 et perte d’usage du bras gauche)
"Si je peux trouver un ou deux sponsors supplémentaires, ce serait top"
"Je suis officiellement qualifié pour les Jeux paralympiques ! La sélection a eu lieu fin janvier à Niort [Deux-Sèvres], après deux jours de compétition où je m'en suis très bien sorti : j'ai fini premier. Je suis également qualifié pour le tournoi de classement mondial à Dubaï [semaine du 4 mars]. Ce sera la dernière chance pour certaines nations d'aller chercher des quotas, mais aussi l'occasion de se mesurer aux meilleurs, une bonne préparation avant cet été. Ensuite, il y aura les championnats de France en salle à Richelieu [Indre-et-Loire], les 16 et 17 mars, mais j'irai davantage pour souffler et décompresser.
C'est bien d'avoir mon billet pour les Jeux, mais ça ne change pas grand-chose. Ce que je vois surtout, c'est que j'avais à cœur de bien faire, j'étais très motivé, j'ai envie de progresser chaque jour. Cette grinta, je veux vraiment la garder tout au long de cette saison. Juste avant la sélection, j'ai battu le record de France en salle à Tarnos [Landes, 586 points, tir à 18 mètres en open arc classique] en n'ayant fait aucun entraînement spécifique en intérieur.
Les partenaires qui m'accompagnent sont essentiellement liés au tir à l'arc. Les deux premiers, Uukha et Arc Système, sponsorisent une partie de mon matériel, tandis que Star Archerie me propose des remises sur du matériel consommable : flèches, plumes, encoches, cordes... Sur tout ce qui est déplacement et frais annexes, il y a une partie de ma poche. Mon club m'aide aussi un petit peu et la mutuelle MGEN me soutient pour mes déplacements. En contrepartie, je fais des interventions dans les écoles et au sein de leur groupe. Je n'ai pas de contrat d'image, mais c'est sûr que si je pouvais en avoir un, ce serait bien. Si je peux trouver un ou deux sponsors supplémentaires, ce serait top.
Quelqu'un m'a dit un jour : "Est-ce que tu ne veux pas intégrer l'armée des champions et faire du tir ton métier ?" Il y en a pas mal qui en font partie dans ma discipline, mais j'ai refusé. Le sport, je le vois comme une passion et je ne veux pas perdre cela. Alors, concrètement, c'est mon métier depuis le début de l'année et jusqu'aux Jeux, mais après, je reprendrai mon activité professionnelle de chargé d'étude chez Enedis.
Avoir une marque qui te fait confiance, que tu représentes... Ça fait vraiment plaisir. En plus, mes trois partenaires sont français, mon arc est 100 % français. C'est important, je souhaite porter haut les couleurs des manufactures de chez nous."
Ugo Didier • 22 ans • natation S9 (malformation à la naissance, pieds-bots et membres inférieurs atrophiés)
"J'ai des partenariats qui sont sur une stratégie de long terme et je suis conscient de la chance que j'ai"
"Je reviens tout juste de stage à Lanzarote [Espagne] avec l'équipe de France. C'était génial, on a nagé dans de super conditions et dans une bonne ambiance. Mon prochain gros objectif, ce sont les championnats d'Europe à Madère [Portugal], du 21 au 28 avril.
Avant cela, il y aura deux compétitions avec les valides : le meeting national de Toulouse début mars et les championnats de la ligue Occitanie à Nîmes, début avril. L'objectif est de caler ma nage. Si tout va bien, j'aimerais m'engager sur presque tout le programme aux Europe, donc il y a du boulot. Je n'ai pas eu de compétition depuis assez longtemps. J'ai hâte de voir ce que ça peut donner.
Ces dernières semaines, la piscine de la Ramée, où je m'entraîne avec mon club de Cugnaux [Haute-Garonne], a connu pas mal de soucis. Elle a été fermée plusieurs semaines, laissant mes collègues sans solution pour s'entraîner. Moi, j'avais la chance de pouvoir quand même m'entraîner avec les Dauphins du Toec [Toulouse olympique employés club]. Il semblerait que le problème va rentrer dans l'ordre, mais il y aura encore deux semaines de fermeture en février. Pour faire face à cela, on a anticipé le coup : je vais partir une semaine à Brest dans le groupe d'Emeline Pierre, une autre nageuse de l'équipe de France, et une semaine à Canet [Pyrénées-Orientales] avec le groupe de Cugnaux.
Le premier partenariat que j'ai eu, c'était avec la MGEFI, qui était la mutuelle de mon père et est ensuite devenue la mienne. C'est moi qui les ai sollicités. Ça m'a fait réaliser que je pouvais peut-être continuer dans le haut niveau. C'était une étape de franchie : le premier partenaire, c'est forcément marquant. C'était juste avant ma première compétition internationale de jeunes, donc la combinaison de ces deux événements m'a fait comprendre que je pouvais continuer dans le sport. Après, il y a eu EDF, la Société générale, Weleda, et puis j'ai récemment signé un mécénat avec Knauf Insulation [isolation thermique] et un contrat d'image avec Samsung dans le cadre des Jeux paralympiques.
On a beaucoup plus de sollicitations avec les Jeux qui approchent. J'essaie de donner la priorité à mes partenaires, car ils me soutiennent. Je fais le maximum pour que ça se goupille bien avec mes entraînements. Parfois, on doit refuser des sollicitations, il faut faire des choix. Cette année, je ne vais pas pouvoir faire autant d'interventions dans des écoles ou dans des établissements scolaires que j'aurais aimé le faire.
J'ai la chance de ne plus être à la recherche de partenaires, je m'estime déjà très entouré. C'est moi qui m'en occupe. Ça prend quand même un peu de temps et d'énergie, mais j'avais cette envie de pouvoir contrôler tout cela, que ce soit davantage des partenariats humains que financiers, d'avoir un contact direct avec les personnes amenées à me soutenir... Même dans la médiatisation, ils m'aident. Certains partenariats le sont sur une stratégie de long terme, d'autant plus avec les Jeux d'hiver en France en 2030. Pour d'autres, c'est du one shot avec Paris 2024. Quoi qu'il en soit, je suis conscient de la chance que j'ai."
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