Comment les Jeux paralympiques servent à mobiliser en faveur de la lutte contre la méningite

Maladies méconnues du grand public, mais dévastatrices par leurs conséquences, les méningites ont été mises sur le devant de la scène durant la compétition.
Article rédigé par Benoît Jourdain
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 7 min
Les para-athlètes Théo Curin, Davide Morana et Ellie Challis sur un visuel de la campagne de lutte contre la méningite affiché dans la station du métro parisien Franklin-Roosevelt, le 13 août 2024. (TEMA TEMA)

Sur le quai de la ligne 1 à la station Franklin-Roosevelt à Paris, impossible de les rater. La nageuse britannique Ellie Challis, le sprinteur italien Davide Morana et le nageur français Théo Curin, qui a ouvert la cérémonie d'ouverture des Jeux paralympiques, s'affichent sur papier glacé. Avec leurs prothèses ou sur leur fauteuil roulant, ces sportifs amputés de plusieurs membres posent côte à côte, le regard déterminé. A leur côté, un slogan conquérant : "Athlètes : 1 ; méningite : 0".

Les yeux rivés sur leur téléphone ou dans leurs pensées, certains usagers ne les remarquent pas forcément. Mais lorsqu'ils s'arrêtent sur l'affiche, ils concèdent qu'elle fait son effet. "La méningite, c'est important d'en parler, il faut vacciner", lance une passagère pressée avant que les portes de la rame se referment. C'est justement l'objectif de cette campagne de sensibilisation, visible depuis le 13 août et jusqu'au 10 septembre dans le métro parisien, initiée en collaboration par la Meningitis Research Foundation, la Confederation of Meningitis Organisations et le laboratoire français Sanofi.

Une campagne de sensibilisation d'ampleur

Ellie Challis, Davide Morana et Théo Curin ont tous contracté la méningite à différents moments de leur vie. Sur le cliché, les trois para-athlètes portent chacun un drapeau de la lutte contre cette infection qui touche les méninges, les membranes qui protègent le cerveau et la moelle épinière, comme le rappelle le Vidal.

Créé pour l'occasion, cet étendard se compose de trois éléments : un cercle jaune pour le patient symbolisant l'espoir ; le triangle violet, pointé vers le haut pour évoquer la vitesse des progrès contre la maladie et faisant référence au soutien apporté aux familles ; le bleu pour la détermination à vaincre ce fléau. "On veut arriver à ce qu'il devienne un symbole pour la méningite comme le ruban rose pour le cancer du sein", explique à franceinfo Charles Wolf, le directeur France de Sanofi. Le drapeau s'accompagne de la devise "protéger, soutenir, vaincre".

Pour le mettre en avant, les Jeux paralympiques tombent à pic. "C'est une occasion extraordinaire pour accélérer la prise de conscience", estime Charles Wolf. Cette campagne s'ajoute à la feuille de route dévoilée fin avril par l'Organisation mondiale de la Santé en collaboration avec l'Institut Pasteur, à Paris. Baptisée "Vaincre la méningite à l'horizon 2030", cette initiative vise non seulement à éliminer les épidémies de méningite bactérienne, mais aussi à faciliter la vie des personnes atteintes de handicap à la suite de ces infections. Plus de 2,5 millions de personnes en souffrent dans le monde, dont 500 000 de méningites dues à une bactérie, le méningocoque, selon les chiffres de l'Institut Pasteur.

"Une injustice totale à laquelle on n'est pas forcément préparé"

"L'incidence [le nombre de cas pour 100 000 habitants] des infections invasives à méningocoque est de 0,8 en France, soit environ 500 cas par an. Mais c'est une maladie mortelle à 100% si elle n'est pas traitée et même si elle est traitée de manière optimale, elle est encore mortelle dans 10% des cas", détaille Muhamed-Kheir Taha, responsable de l'unité infections bactériennes invasives du centre national de référence des méningocoques à l'Institut Pasteur.

Dans 25% des cas, la maladie laisse des séquelles à vie. "C'est une injustice totale à laquelle on n'est pas forcément préparé, estime le professeur. On peut perdre la vie ou ses membres ou une partie de ses facultés en quelques heures." Mais une certaine méconnaissance perdure auprès du grand public.

En première ligne pour la prévention, plusieurs associations du collectif Ensemble contre les méningites alertent depuis de nombreuses années. Annie Hamel, secrétaire de l'association Petit Ange ensemble contre la méningite, déplore un manque de "sensibilisation" sur le sujet. "Des exemples, j'en ai plein : les familles victimes découvrent la maladie, les symptômes sont difficiles à repérer et ça se termine en drame." "Il arrive que des médecins généralistes – une minorité, certes – ne soient pas au courant des risques", ajoute Jimmy Voisine, président de Méningites France – association Audrey.

"Le regard des gens à apprivoiser"

Avec les Jeux de Paris, plusieurs athlètes touchés par la méningite ont joué les porte-parole de la cause. Parmi eux, l'exemple de la nageuse britannique Ellie Challis et ses deux titres paralympiques sur le 50 m dos et 100 mètres nage libre (catégorie S3) est symbolique. Victime d'une méningite à l'âge de 16 mois, elle a voulu "montrer aux gens que non, la vie n'est pas finie quand vous avez eu la méningite, aussi grave soit-elle. Vous pouvez toujours faire de grandes et belles choses, ce que j'essaie de prouver quand je nage", a-t-elle assuré dans Libération après sa médaille d'or sur 50 mètres.

L'histoire de la fleurettiste italienne Bebe Vio, double médaillée d'or à Rio et à Tokyo et lauréate du bronze à Paris, est aussi emblématique. Amputée des quatre membres à 11 ans après avoir contracté une méningite foudroyante, elle jouit d'une grande notoriété dans son pays et sur les réseaux sociaux. Elle a cofondé en 2009 l'association Art4Sport pour aider les enfants amputés à accéder au sport.

Théo Curin, lui, n'a pas participé à ces Jeux, mais en a été un des ambassadeurs. Amputé des quatre membres à six ans à la suite d'une méningite, le nageur de 24 ans a été l'un des principaux visages de la cérémonie d'ouverture. S'il a laissé de côté la compétition, il poursuit une carrière sur France Télévisions comme présentateur de l'émission "Slam", sur France 2, à partir de lundi.

La sprinteuse suisse Abassia Rahmani, elle, était bien présente en tant qu'athlète à Paris. "Il est important pour moi d'être là et de montrer qu'on peut se reconstruire", a-t-elle clamé à franceinfo, juste après sa qualification sur le 100 mètres (catégorie T64), jeudi au Stade de France.

"Les Jeux paralympiques, c'est avant tout le sport. Je ne pense pas vraiment à ma maladie, car ça a été un moment très délicat, mais pour ceux qui les regardent, c’est utile de connaître les parcours des athlètes."

Abassia Rahmani, sprinteuse

à franceinfo

Amputée à l'âge de 16 ans, elle a dû réapprendre à marcher, faire beaucoup de musculation pour pouvoir reproduire les activités du quotidien. Cette reconstruction longue et difficile, Flavio Da Pozzo, 22 ans, l'a aussi vécue. Il a contracté une septicémie à méningocoque en 2021 qui lui "laissait 1% de chance de survie". Amputé de la jambe droite, celui qui se rêvait footballeur s'est tourné vers le saut en longueur. "Il est difficile de se reconstruire, avoue-t-il. Après une amputation, il y a le regard des gens à apprivoiser, il faut apprendre à se regarder avec un nouveau corps et parfois trouver quelque chose à faire de sa vie."

Le rôle essentiel de la vaccination

La réussite des athlètes atteints est une manière d'illustrer leur résilience. "Ils en font parler, on avait besoin d'ambassadeurs", savoure Muhamed-Kheir Taha. Mais plus que les performances ou les médailles, l'Institut Pasteur et Sanofi veulent mettre en avant la prévention. "Le message, ce n'est pas seulement : 'Regardez ce qu'on peut faire malgré la maladie', mais plutôt : 'Regardez-en les effets'", insiste le professeur Muhamed-Kheir Taha, qui pointe aussi le coût sociétal et financier de l'infection. "Ces para-athlètes sont fiers d'avoir pu se relever, mais personne ne souhaite que ce type de drame se répète, même quand on les a surmontés", ajoute Charles Wolf.

Tous les malades n'ont pas accès aux types d'aide ou à la prise en charge des séquelles de la maladie dont ont pu bénéficier ces para-athlètes, même dans les pays occidentaux. C'est pour ces raisons que les institutions insistent sur l'importance de la vaccination. Mais "la France est à la traîne", juge Annie Hamel, dont le fils est mort à cause de la maladie. La vaccination contre le méningocoque de sérogroupe C est obligatoire chez les nourrissons nés depuis le 1er janvier 2018. Celle contre les infections invasives dues au méningocoque de sérogroupe B est recommandée chez l'ensemble des nourrissons, rappelle l'assurance-maladie.

Enfin, la vaccination va être élargie, dès le 1er janvier 2025, aux méningocoques A, B, W et Y, toujours pour les bébés de moins d'un an. "Les vaccins existent, utilisons-les", martèle Flavio Da Pozzo. "La prévention sera toujours notre meilleure arme", prévient Muhamed-Kheir Taha. L'automne arrivant, les associations se tiennent prêtes à prendre le relais : "Les personnes étaient dans un esprit de fête et passionnés par la compétition, la santé n'était pas forcément leur préoccupation première, conclut Jimmy Voisine. Les Jeux terminés, les esprits seront plus ouverts et ce sera à nous de continuer à sensibiliser."

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