Mondiaux de para athlétisme : à un an des Jeux, Arnaud Assoumani et Nantenin Keïta promettent "du spectacle et de la performance" au public de Charléty
Plus de 1 300 athlètes venant de 107 pays du monde se retrouvent dans la capitale, au stade Charléty, à partir de samedi 8 juillet et jusqu'au 17, pour en découdre sur la piste ainsi que sur les différentes aires de lancer et de saut. L'enjeu est de taille pour le Comité d'organisation de ces Mondiaux de para athlétisme qui, à en croire l'affluence de médias vendredi, à la veille de la cérémonie d'ouverture, sera surveillé de près.
Car cette compétition - deuxième plus gros événement dans l'univers du parasport - a tout du galop d'essai à un peu plus d'un an des Jeux paralympiques de Paris. D'autant plus que, pour la première fois en France, une billetterie payante a été mise en place. Un moyen d'affirmer aux quelques 100 000 personnes attendues tout au long de ces 10 jours que oui, les performances de ces champion(ne)s en situation de handicap ont autant de valeur que celles de leurs homologues valides.
Arnaud Assoumani, 37 ans, et Nantenin Keïta, 38 ans, font partie des cadres d'une équipe de France qui entend bien briller à domicile. Pour franceinfo: sport, ils détaillent leurs ambitions et reviennent sur l'évolution de leur discipline et de leur reconnaissance au fil des années.
franceinfo: sport : Comment vous sentez-vous au moment de débuter ces Mondiaux à Paris ? Il y a du stress, de l’excitation, de l’appréhension ?
Nantenin Keïta : Oui il y a un peu tout cela à la fois ! J'ai repris les entraînements mi-mars, après avoir été pas mal blessée. Donc quand on prépare le 400 mètres (catégorie T13, déficience visuelle), c'est assez tendu. Mais l'ambiance et le niveau de l'équipe de France nous tirent vers le haut. On se motive les uns les autres. Sur le plan personnel, j'ai déjà été en meilleure forme, mais le collectif est fort, et c'est très important.
Arnaud Assoumani : Il y a de l'excitation et de la vigilance pour mettre tous les feux au vert. Quand on vieillit en tant qu'athlète, il faut être hyper attentif à tout. Le moindre changement dans l'alimentation, la routine, le sommeil peut avoir de grandes conséquences. À titre personnel, je serai prêt dans six jours, date de début de ma compétition (saut en longueur catégorie T46, amputé d'un membre supérieur), et je serai dans le pic de forme de ma saison.
Arrivez-vous à faire abstraction de la pression qui peut peser sur vos épaules, avec le public qui sera là pour vous et qui attendra une performance à la maison ?
Nantenin Keïta : Ce n'est pas forcément évident, il faut vraiment essayer de se concentrer sur nous, ce que l'on sait faire et surtout sur ce que l'on peut maîtriser. L'engouement par exemple, c'est difficile d'avoir une emprise dessus. Même si l'enjeu est important, il ne faut pas qu'il prenne le dessus.
Arnaud Assoumani : Pour moi, rester détaché des attentes des spectateurs, ce n'est pas le plus difficile. C'est surtout par rapport à des soucis physiques que je peux avoir. Je me suis blessé ici à Charléty en 2020, la plus grosse blessure de ma carrière. Depuis, je n'ai pas sauté de nouveau dans ce stade. C'est mon challenge personnel. Il va falloir enlever les verrous psychologiques car je suis à un meilleur niveau qu'aux Jeux de Tokyo en 2021, qu'aux Mondiaux à Dubaï en 2019, et même à un meilleur niveau que lors de mes neuf dernières années. Le challenge, il est plus autour de la confiance, de pouvoir se lâcher.
"Grâce au sport, je vis des choses et je crée des histoires avec des gens que je n'aurais sûrement jamais rencontrés si je n'avais pas pratiqué l'athlétisme."
Nantenin Keïtaà franceinfo: sport
Vous êtes des tauliers de cette équipe de France, avec le statut de co-capitaine pour vous Nantenin. Est-ce que, après toutes ces années, il y a toujours cette notion de plaisir qui vous guide ?
Arnaud Assoumani : Mon objectif après Tokyo a justement été de remettre le plaisir au centre. Je suis davantage dans une approche holistique de la performance. J'ai appris des notions en biomécanique, en physiologie, sur l'aspect cognitif, tout cela m'aide à comprendre comment je vais fonctionner, comment cela va influer sur mon système nerveux en compétition... Je prends du plaisir à être dans cette recherche d'amélioration. Je m'entraîne avec des jeunes à Montpellier, je retrouve cette banane que j'avais il y a quelques années, j'en avais besoin. Car les notions de plaisir et de haute performance sont très étroitement liées, oui.
Nantenin Keïta : Il y a toujours du plaisir sinon je ne serai plus là ! On fait un sport de haut niveau, c'est dur, il y a des exigences et des contraintes mais si on est encore là, c'est qu'on en prend. Il y a le plan sportif mais il y a aussi et surtout l'aventure humaine. Je prends plaisir à échanger avec les athlètes, et s'il n'y avait pas cela, je ne serais plus là.
À quoi peut s'attendre le grand public pendant ces 10 jours à Charléty ?
Nantenin Keïta : Il doit s'attendre à voir du spectacle, de la performance, une dose d'émotion de dingue et à vibrer avec l'équipe de France. On compte sur les spectateurs pour prendre part à cette compétition, car ils vont faire vivre cet événement. L'athlétisme, c'est un spectacle vivant, il se passe toujours quelque chose. Je pense que les gens vont se prendre une claque positive.
C'est la troisième édition des Mondiaux qui se déroule en France après Villeneuve-d'Ascq en 2002 et Lyon en 2013. Comment percevez-vous l'évolution des choses depuis plus de 20 ans ?
Nantenin Keïta : Déjà, il y a de plus en plus d'athlètes. Aujourd'hui, on est 35 au sein de l'équipe de France, c'est une grosse délégation avec des personnes qui ont prouvé qu'elles avaient le niveau requis pour être là. Il y a aussi l'évolution médiatique forcément. La couverture qu'on a pour ces Mondiaux, on ne l'avait jamais vue. On monte d'un cran à tous les niveaux. En 2002, je faisais une médaille d'argent sur le 400 mètres avec un temps qui ne m'aurait pas permis d'être là aujourd'hui. J'arrivais aux Mondiaux avec 15 jours d'entraînement. Ce n'est pas possible en 2023, on s'est professionnalisés.
Arnaud Assoumani : Complètement, et sur le côté économique, les financements et les partenariats ont également bien évolué. Mais pour moi, on est encore en retard sur la professionnalisation réelle des athlètes, et pas que pour les athlètes paralympiques. Quand on regarde les autres nations, comment ils s'entraînent, quels moyens sont mis à leur service par des partenaires privés comme publics, il y a des organisations très différentes. Des athlètes vont pouvoir s'entraîner et ne faire que cela. J'ai gagné deux fois les championnats du monde, je pense qu'à même niveau d'organisation, j'aurais pu gagner plus souvent. Aujourd'hui, j'ai toute une équipe avec moi, je suis salarié, je fais du conseil en entreprise... Tout cela ça prend du temps et je ne le consacre pas à la récupération ou à d'autres choses. Donc oui, il y a une évolution, mais on est encore loin du compte pour rivaliser avec les meilleures nations mondiales.
L'autre challenge avec ces Mondiaux est de sensibiliser le public à la question du handicap à un an des Jeux paralympiques, avec plusieurs associations et partenaires présents aux abords du stade...
Nantenin Keïta : C'est fondamental. Avoir des activités de découverte du parasport auprès des jeunes, sensibiliser sur la partie handicap, se demander ce qu'est le sport quand on est en situation de handicap, et quelles disciplines on va pouvoir pratiquer quand on est à mobilité réduite... C'est extrêmement important, cela permet de sonder le champ des possibles.
Arnaud Assoumani : Pour être engagé dans le milieu associatif depuis 20 ans, que des structures se battent pour promouvoir l'égalité des chances ou la reconversion professionnelle quel que soit le handicap, qu'elles soient présentes pour un tel événement, c'est essentiel. Nous, athlètes, ne sommes finalement que le prétexte pour les rendre visibles grâce à ce faisceau médiatique des Mondiaux.
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