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Paris 2024 : la billetterie, un défi majeur pour amener le public au parasport

Le Comité d'organisation de Paris 2024 espère vendre près de trois millions de billets pour les Jeux paralympiques, pour lesquels la vente s'ouvre lundi. Entre méconnaissance des athlètes, des disciplines ou de la classification, les obstacles ne manquent pas.
France Télévisions - Rédaction Sport
Publié Mis à jour
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Le quadruple champion paralympique du saut en longueur, l'Allemand Markus Rehm, lors de la première journée paralympique à Paris, place de la Bastille, le 8 octobre 2022. (PHILIPPE MILLEREAU / KMSP)

Quelques mois après celle des Jeux olympiques, la billetterie paralympique ouvre grand ses portes, lundi 9 octobre. Au total, 2,8 millions de places sont mises en vente pour les 550 épreuves de la quinzaine (28 août-8 septembre). Un moment crucial pour les organisateurs, qui aspirent à convaincre le public d'acheter ce précieux sésame. Un défi.

Depuis plusieurs mois, les initiatives se multiplient pour promouvoir les athlètes en situation de handicap amenés à briller dans la capitale dans moins d'un an. Après les Mondiaux de para athlétisme à Charléty ou encore les test event de para triathlon et de para canöe-kayak cet été, c’est la Coupe internationale de rugby fauteuil qui est attendue d’ici quelques jours (du 18 au 22 octobre) à la Halle Carpentier et à l’Accor Arena, où huit des meilleures nations mondiales s'affronteront. Une billetterie payante a été lancée, avec des places allant de 5 à 25 euros pour la dernière journée et la finale à Bercy. Reste à savoir si les spectateurs mettront la main à la poche pour remplir les enceintes.

La méconnaissance, premier frein à lever

Entre la méconnaissance des athlètes handisports et celle de leurs disciplines, le défi de voir le grand public payer pour assister à une compétition de parasport est de taille. "On a interrogé les spectateurs après les championnats du monde de para cyclisme au Vélodrome national de Saint-Quentin-en-Yvelines, en octobre 2022, où l'événement était accessible gratuitement, explique Adrien Balduzzi, directeur marketing et événementiel à la Fédération française handisport (FFH). On a reçu 8 000 personnes sur les quatre jours, donc 2 000 par jour en moyenne. On avait fait un questionnaire : 'Après cette expérience, seriez-vous prêt(e)s à payer pour assister à ce genre de compétition ?' Et les gens ont répondu oui. Cela montre qu'il y a un prisme de connaissance et, qu'après avoir essayé, il y a une possibilité d'achat." À condition que les tarifs restent abordables.

"Si l'on remplit tout au cours des cinq jours de compétition, ce ne sont pas moins de 30 000 spectateurs qui sont attendus".

Nathalie Mercier, directrice de la Coupe internationale de rugby fauteuil

à franceinfo: sport

Directrice de la Coupe internationale de rugby fauteuil, Nathalie Mercier explique avoir volontairement voulu mettre en place une billetterie "peu chère". "Les sessions du matin à la Halle Carpentier débutent à cinq euros, l'après-midi c'est 10 euros et il faut compter 12 euros pour le pass complet, explique-t-elle. Il y a une envie d'inciter les écoles à venir, car cet événement porte avant tout des enjeux d'acculturation du public au handicap. Et on parle d'une discipline émergente : il y a 15 clubs en France, c'est donc aussi un paramètre à prendre en compte au niveau de la billetterie."

Ancienne conseillère spéciale de Sophie Cluzel, secrétaire d'État chargée des personnes handicapées de 2017 à 2022, Nathalie Mercier est au fait des problématiques d'inclusion. Selon elle, l'idée de ce tournoi n'est pas de comparer l'engouement avec le rugby "classique" mais de faire "progresser la connaissance autour du rugby fauteuil, pour ce qui est aussi la dernière grande étape avant Paris 2024". En parallèle, le 20 octobre, un forum emploi sera organisé dans cette même Halle Carpentier par l'Agefiph (Association de gestion du fonds pour l'insertion professionnelle des personnes handicapées).

La moitié des billets à moins de 25 euros pour les Jeux paralympiques

L'enjeu est tout aussi crucial pour les Jeux paralympiques de Paris, la première édition estivale de l'histoire en France. 2,8 millions de billets sont mis en vente, dans des prix inférieurs à 100 euros (hors cérémonies) avec notamment une offre "famille" et des pass découvertes pour trois épreuves. Cela traduit une volonté de rester accessible, réaffirmée par le Comité international paralympique (IPC), pour permettre à des familles de participer à l'événement, dans un souci de "transmission entre les générations".

Le public londonien avait investi les rues de la capitale britannique lors du marathon des Jeux paralympiques, le 9 septembre 2012. (DIDIER ECHELARD / FFH)

"Nous sommes certains qu'il y a de la demande", avance Ludivine Munos, ancienne nageuse paralympique, 12 fois médaillée et désormais responsable des spécificités paralympiques au sein du Comité d'organisation (Cojop) de Paris 2024. Elle s'appuie notamment sur l'enquête Ifop réalisée en septembre 2021, montrant que 90 % des Français soutenaient l'organisation des Jeux Paralympiques dans la capitale. À une petite nuance près : "Il faut continuer à faire connaître nos disciplines".

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Séminaires de sensibilisation des médias, athlètes mis en avant lors de compétitions valides, semaine olympique et paralympique dans les écoles, journée paralympique, organisation d'événements, projets de gaming et quiz pour comprendre les classifications... Les initiatives du Cojop vont se multiplier jusqu'à l'année prochaine pour promouvoir des sports méconnus du grand public. En parallèle, le film documentaire "Rising Phoenix" va revenir sur Netflix sous forme d'une mini-série consacrée aux Jeux paralympiques de Tokyo. Autant de signaux – tout comme l'accroissement des heures de diffusion en direct pour les Jeux de Paris 2024 sur France Télévisions – qui conduisent à penser que oui, le record de vente de billets, réalisé à Londres en 2012, pourrait être battu en 2024. 

Paris 2024 veut dépasser Londres 2012

Il y a douze ans, 2,7 millions de places s'étaient écoulées dans la capitale britannique pour venir voir les "super-héros" en situation de handicap. Un nouveau record depuis la mise en place de la billetterie payante sur des Jeux paralympiques à Atlanta en 1996 (à Barcelone, en 1992, seules les cérémonies d'ouverture et de clôture étaient payantes). "Depuis, chaque édition vient casser les codes et améliorer la visibilité", précise Ludivine Munos. Une impression partagée au regard des chiffres de vente et alors que Tokyo, avant le Covid et l'absence du public en 2021, revendiquait plus de trois millions d'intentions d'achat de billets.

Nombre de billets vendus aux Jeux paralympiques depuis 1996

Aujourd'hui, les Jeux paralympiques sont, après les Jeux olympiques et la Coupe du monde masculine de football, le troisième plus gros événement international en termes de vente de places. Pour 2024, l'objectif est d'entériner encore un peu plus cette statistique. Avant d'opérer, en France, une évolution du financement du parasport ?

Sortir de la dépendance aux fonds publics, une nécessité pour le parasport

"Le modèle économique des Jeux paralympiques n'a pas encore la même maturité que celui des Jeux olympiques, n'a de cesse de rappeler Tony Estanguet, le président du Cojop. C'est un événement plus récent, créé en 1960, c'est pour cela qu'il y a une contribution du financement public pour que ces athlètes soient dans les mêmes conditions que les athlètes olympiques."

Alors que 97 % du budget du Comité d'organisation est assuré par des financements privés (versements du CIO du montant des droits télévisés, sponsors et partenaires, recettes de billetterie), un complément d'argent public de 100 millions d'euros est destiné aux besoins de fonctionnement des Jeux paralympiques, selon une annexe au projet de loi de finances 2023. Une dépendance économique que l'on retrouve à l'échelle nationale.

Une vue de ce que sera la parade des athlètes lors de la cérémonie d'ouverture des Jeux paralympiques de Paris en 2024, sur la place de la Concorde. (FLORIAN HULLEU / PARIS2024)

D'après une publication de la Cour des comptes datant de l'été 2022, la Fédération française handisport (FFH) et la Fédération française de sport adapté (FFSA) "figurent parmi les plus aidées par la puissance publique" : "Même si les pratiques handisports nécessitent davantage de moyens (taux d’encadrement, matériel...) que celles des clubs valides, les deux fédérations spécifiques disposent d’un appui relativement important de l’État. Celui-ci s'établit, tous financements consolidés, à 17,4 millions d'euros en 2021 (+ 25,2 % par rapport à 2020)."

La mise en place de billetteries payantes peut être un élément. "Le but est de faire des Jeux paralympiques un point de bascule", précise Adrien Balduzzi. "À terme, nos événements ont vocation à devenir payants. Ce ne sera peut-être pas toujours 10 ou 15 euros, mais plutôt deux ou cinq euros. Il faut qu'il y ait un acte d'achat car il y a des performances, un spectacle. Le parasport aspire à cette reconnaissance, à ce premier pas."

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