Pourquoi les Jeux paralympiques de Paris 2024 ont-ils lieu plus de deux semaines après les JO ?

Article rédigé par Clément Parrot, Benoît Jourdain
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 5 min
Les anneaux olympiques à côté des Agitos, le symbole des Jeux paralympiques, sur la place de la Bastille, à Paris, le 21 juillet 2024. (CHINA NEWS SERVICE / GETTY IMAGES)
La cérémonie d'ouverture a lieu 17 jours après la clôture des Jeux olympiques. Un délai habituel, qui s'explique essentiellement par des raisons logistiques et économiques.

Après deux semaines de fête durant les Jeux olympiques, Paris remet sa tenue de sport pour les Jeux paralympiques, qui s'ouvrent mercredi 28 août. La capitale et le comité d'organisation (Cojop) ont eu 17 jours pour se préparer à accueillir les 4 400 athlètes en situation de handicap. "On est prêts, tout va bien", assure à franceinfo Ludivine Munos, responsable de l'intégration paralympique au sein du Cojop. Mais entre temps, la ferveur qui a animé Paris ne risque-t-elle pas d'être retombée, alors que la rentrée scolaire se profile et que l'actualité politique a largement réinvesti l'agenda médiatique ? Ce risque interroge sur le calendrier : pourquoi ce décalage entre les deux volets des Jeux ? 

Des sites et un village à repenser

Après 15 jours de fête, tout le monde avait besoin d'un break, estime Ludivine Munos : "Accueillir les Jeux paralympiques dans un Paris vidé de ses habitants", à l'approche du 15 août, "n'aurait pas eu grand intérêt". Mais cette pause s'explique avant tout par des raisons logistiques. Plus de 14 000 personnes vivaient au village olympique durant les JO. Il a fallu faire place nette pour permettre l'accueil des 9 000 athlètes et membres du staff des Jeux paralympiques. Nettoyer, assurer la maintenance, mais aussi installer des solutions de mobilité et le centre de réparation des prothèses... Comme Rome, tout cela ne se fait pas un jour. "Il faut redimensionner le village, c'est un travail de transition énorme. Que l'organisation y arrive en trois, quatre jours, est un exploit sur le plan logistique", admire Jean Minier, directeur des sports au sein du Comité paralympique et sportif français.

Toute la signalétique olympique a également été modifiée pour faire place à celle des paralympiques, avec les Agitos, ces trois grandes virgules rouge, bleue et verte qui remplacent les anneaux olympiques. Le délai entre les deux compétitions laisse le loisir aux équipes venues du monde entier d'arriver quelques jours avant le début des épreuves et de digérer le décalage horaire.

Il a aussi fallu du temps pour intervenir sur certains sites des compétitions, repensés pour s'adapter aux disciplines paralympiques. Ainsi, l'enceinte de beach-volley aux pieds de la tour Eiffel a changé de peau et de sol pour devenir le stade de cécifoot. "On a pris le parti de ne pas enlever les 400 tonnes de sable", mais plutôt de les "recouvrir avec un plancher qui va venir accueillir un gazon artificiel", explique à franceinfo sport Gautier Jourdet, responsable des infrastructures du site. 

La place de la Concorde, qui accueillait le parc urbain et les épreuves de BMX, de skateboard, de breaking et de basket 3x3, s'est encore transformée. Elle sera le théâtre du spectacle de mercredi soir. "C'est le plus gros chantier : on passe de trois sites sportifs à un lieu de cérémonie d’ouverture", explique Ludivine Munos.

L'impossibilité du "en même temps"

Organiser les deux événements simultanément poserait un défi logistique d'une toute autre ampleur. Les Jeux olympiques comptent 329 épreuves, et les Jeux paralympiques, 549. "On s'est rendu compte que si on avait voulu le faire en même temps, il aurait fallu doubler le nombre d'infrastructures, puisqu'il y a deux fois plus d'athlètes avec des compétitions. Alors que là, on optimise les infrastructures en les utilisant à des moments séparés", justifiait Tony Estanguet, président du Cojop, sur RMC en 2021. Avec l'objectif d'organiser des Jeux responsables, cette éventualité ne tenait pas la route, selon Ludivine Munos : "On multiplie tout par deux, ce n'est pas raisonnable."

La tenue simultanée des deux événements risquerait aussi de nuire à la visibilité des athlètes en situation de handicap. Les stars des JO, plus connues du public, auraient risqué de prendre toute la lumière et de ne laisser aux para-athlètes que des miettes sur les antennes des diffuseurs. "Juste avec les épreuves olympiques, on est parfois un peu dépassé et la télé ne peut pas tout diffuser en même temps. (...) Imaginez que, dans toute cette densité, on veuille ajouter des épreuves paralympiques. Pour moi, ce serait totalement noyer tous les sports", estime la championne de badminton française Milena Surreau dans son podcast "Journal d'une parabadiste".

"Aujourd'hui, ce serait la pire des idées de mettre les Jeux paralympiques en même temps que les Jeux olympiques."

Milena Surreau, championne de parabadminton

dans le podcast "Journal d'une parabadiste"

"Quand vous tombez le même jour que Teddy Riner, on ne parle pas de vous, résumait Tony Estanguet sur RMC en 2021. Si on veut valoriser les athlètes paralympiques, il faut avoir un vrai espace de médiatisation à part." En arrivant plus de deux semaines après les JO, les sportifs handicapés ont toute la place pour briller. Durant 10 jours, "quand vous allumerez la télé, quoi qu'il arrive, vous verrez du parasport. Je ne vois pas comment on peut faire mieux en termes de visibilité", conclut Milena Surreau.

Se servir des JO comme tremplin

Mais pourquoi ne pas imaginer organiser les Jeux paralympiques avant les Jeux olympiques ? Selon Jean Minier, "le CIO souhaite que les JO soient en première partie, en ouverture de la fête." L'accord que ce dernier a signé en 2001 avec le Comité international paralympique grave dans le marbre l'organisation des Jeux paralympiques dans la même ville, mais dans un second temps, rappelle le site officiel des Jeux olympiques. Toujours sur RMC en 2021, Tony Estanguet expliquait que le monde paralympique "pense pouvoir bénéficier du tremplin des Jeux olympiques, qui lancent la dynamique autour des Jeux".

"C'est une fausse bonne idée de les faire avant, acquiesce Ludivine Munos. Ce qui fonctionne, c’est qu'on a encore envie de faire la fête." Les Jeux paralympiques seront même "heureux d'accueillir ceux qui avaient fui Paris en raison d'un 'JO bashing'", assure-t-elle. La membre du Cojop observe que 54% des volontaires engagés pendant les JO reviennent pour les Jeux paralympiques, quand l'organisation misait plutôt sur 40%. Ce qu'elle voit comme le témoignage d'un engouement toujours vivace.

D'autant que succéder aux JO a un avantage : l'essentiel des problèmes d'organisation ont pu être identifiés et réglés. "Les olympiques essuient les plâtres, sourit Jean Minier, le directeur des sports au sein du Comité paralympique et sportif français. Quand on passe en second, on bénéficie de l’expérience acquise durant les 15 jours par le Comité d’organisation olympique."

Le fait que le nombre de billets vendus pour les Jeux paralympiques se rapproche de la barre des 2 millions, en bonne partie depuis le début des JO, laisse présager que cette formule est la bonne. Et il n'y a pas de raison que le succès enregistré début août ne se reproduise pas. S'il compte sur le soutien et la promotion des athlètes valides "pour réaliser le transfert de ferveur", Jean Minier est confiant : "Il y a le match retour. Le grand succès d’une édition olympique doit pouvoir emmener dans son élan les Jeux paralympiques."

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