Reportage "Cette cause est plus importante que mon rêve personnel" : des sportives afghanes utilisent les Jeux de Paris comme tribune

Alors que les talibans restreignent toujours davantage les droits des femmes en Afghanistan, plusieurs sportives profitent de leur participation aux Jeux olympiques ou paralympiques pour dénoncer la situation.
Article rédigé par Valentin Dunate
Radio France
Publié
Temps de lecture : 3 min
La breakeuse afghane Manizha Talash disqualifiée après son "message politique" lors de sa battle face à une Néerlandaise, le 9 août 2024 aux Jeux de Paris. (MAXPPP)

C'est l'une des images de la semaine. Une femme afghane sur le podium des Jeux paralympiques : Zakia Khudadadi est médaillée de bronze au parataekwondo, l'occasion pour elle de dénoncer la situation des femmes dans ce pays qui vient de promulguer une loi interdisant par exemple aux femmes de chanter. Pour ne pas oublier ces femmes, un appel a été lancé dimanche 1er septembre depuis Paris.

Les Jeux olympiques et paralympiques sont l'opportunité rêvée de parler de la situation des femmes en Afghanistan. Une opportunité qu'a saisie Manizha Talash, 21 ans et qui, lors de l'épreuve olympique de breakdance, a arboré une cape où il était écrit : "Free Afghan Women" ("Libérez les femmes afghanes"). Un geste qui lui a valu d'être disqualifiée de la compétition.

"Tout d'abord, ce n'est pas une décision que j'ai prise sur le coup, c'est quelque chose à laquelle j'ai réfléchi durant quatre mois, jour et nuit, raconte-t-elle. Pour moi, ce n'était pas un message politique, c'était un message que je voulais envoyer au monde. Je pensais aussi qu'il y avait mes rêves à moi, et puis il y a le sort des femmes afghanes, le sort de mes amies, de mes camarades. Et cette cause-là est plus importante que mon rêve personnel. Ceci dit, je ne pensais pas non plus que cette action conduirait à ce que je sois totalement exclue de la compétition."

Le sport et le chant sont interdits

Ces propos en persan ont été traduits grâce à Sotoda Hashemi, présidente du collectif N'oublions pas l'Afghanistan. Elle est arrivée en France à l'âge de 6 ans après avoir quitté son pays, où désormais les femmes n'ont plus le droit de chanter ou de lire à voix haute en public. "Cela fait trois ans que les talibans sont au pouvoir, trois ans que les droits des femmes se sont amenuisés progressivement, à coups de décret, qui aujourd'hui se concrétisent par une loi de plus de 100 pages et de 35 articles, qui les restreignent encore plus, déplore-t-elle. Avec des mesures comme ne même pas pouvoir élever sa voix, circuler librement, avoir droit à l'éducation, accès aux soins."

"C'est en réalité une déshumanisation des femmes qui se concrétise plus que jamais en Afghanistan par cette loi."

Sotoda Hashemi, présidente du collectif N'oublions pas l'Afghanistan

à franceinfo

Dans ces conditions, le sport est évidemment interdit. Zainab Nikzad, 22 ans, faisait partie de l'équipe nationale de volleyball d'Afghanistan. "Ça fait un an et demi que je suis arrivée en France, raconte la joueuse. Quand j'étais en Afghanistan, les choses étaient très dures parce qu'elles étaient dangereuses pour les sportives. Les talibans ont tué l'une des membres de notre équipe parce qu'elle était policière."

La communauté internationale ne réagit pas

Face à cette situation, la communauté internationale, et notamment la France, ne réagit pas. C'est en tout cas ce que dénonce Marie-George Buffet, ancienne ministre de la Jeunesse et des Sports, qui a fondé une association qui œuvre à l'exfiltration des sportives afghanes. "Pour l'instant, heureusement, le pouvoir taliban n'est pas reconnu, mais il y a une sorte de tolérance au fait qu'ils sont en place, observe-t-elle. Et on ne dit rien, on ne fait rien. Nous sommes capables, la France, lorsque nous le décidons, nous l'avons vu par rapport à d'autres situations internationales, de faire entendre une voix de défense des droits des êtres humains, des libertés fondamentales."

"Et j'aimerais que la France prenne le leadership de ce mouvement international pour montrer du doigt et faire condamner le pouvoir taliban."

Marie-George Buffet, ancienne ministre de la Jeunesse et des Sports

à franceinfo

L'ancienne ministre plaide donc pour l'organisation d'une conférence internationale à Paris où, grâce aux Jeux olympiques, ces femmes afghanes réduites au silence dans leur pays ont pu se faire entendre.

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