: Reportage Paris 2024 : à l'Erea Toulouse-Lautrec, élèves en situation de handicap et élèves valides montrent la voie vers l'inclusion
Sur un court improvisé, au beau milieu du gymnase de l'Erea Toulouse-Lautrec à Vaucresson (Hauts-de-Seine), les élèves de 6e sont en pleine démonstration de tennis fauteuil. Particularité spécifique à cet établissement régional d'enseignement adapté, créé en 1980 et allant du CP au BTS, des jeunes valides en côtoient d'autres en situation de handicap, aussi bien en classe que durant les cours d'EPS. Avant la semaine olympique et paralympique dans les écoles (du 3 au 8 avril), franceinfo: sport a passé une journée dans l'établissement.
Les yeux rivés sur la balle de tennis qu'il tient dans sa main droite, Elias, 11 ans, a laissé de côté le sourire qu'il arborait quelques minutes plus tôt. Les traits soudain plus durs de son visage témoignent de sa concentration au moment d'enclencher son service. Depuis son fauteuil, le jeune homme parvient à effectuer son geste avec précision.
En face de lui, debout, Marius - pourtant à l'affût - se laisse surprendre par la trajectoire. "Yes, allez on remet ça !", lance le premier. Ici, pas de comptage des points. Les deux garçons s'empressent aussitôt de reprendre leurs échanges, stimulés à l'idée de voir la petite balle jaune multiplier les aller-retour au-dessus du filet au rythme de leurs coups de raquettes.
Un modèle d'inclusion par le sport
Tous sont mis sur un pied d'égalité et la pratique du sport se fait de manière partagée. Presque une exception à l'échelle nationale. "C’est comme si tout le monde était pareil, on fait toujours les mêmes activités, ça ne change rien", confirme Ilyes, âgé de 12 ans. "Au début de l’année, ils nous apprennent à manier un fauteuil, à tourner et bien manœuvrer", ajoute son copain Adam. "Avec les adaptations qu’il y a dans toute l’école, c’est comme s’il n’y avait pas grand-chose qui changeait entre des valides et des élèves en situation de handicap."
De l'autre côté de la salle, Quentin Moriaux supervise un autre atelier, où les élèves doivent combiner maniement du fauteuil et jeu d'adresse avec la raquette. Avec ses collègues Lisa, Vincent, Magali, Jean-Luc ou Maëlys, le professeur de sport s'active pour distribuer les consignes et épauler les plus en difficulté. Même si, à bien observer de plus près, les collégiens n'ont pas vraiment besoin de lui pour s'assister. "L'entraide est un peu la norme, il y a une bienveillance qui ne se retrouve pas forcément ailleurs, précise-t-il. Les valides ont l'habitude de vivre avec des personnes en situation de handicap et c’est aussi un peu dans leur contrat : quand ils arrivent dans l’établissement, ils savent qu'ils vont devoir aider les élèves en situation de handicap à gérer leurs sacs, composer leur plateau à la cantine le midi..."
"Mon but, c'est de leur expliquer que pratiquer un sport ou un para sport, c'est possible et c'est important pour leur développement. D'autant plus qu'ici, la barrière du handicap ne se voit pas."
Guilhem Laget, numéro 2 français en tennis-fauteuilà franceinfo: sport
Depuis quatre ans, l'Erea est engagé sur les Jeux olympiques et paralympiques de Paris et s'est vu attribuer le label "Génération 2024". L'objectif : capitaliser sur la tenue des événements l'an prochain pour développer l'accès au sport pour tous. Des partenariats ont été noués entre Toulouse-Lautrec et des clubs locaux, tandis que des associations viennent régulièrement sur site pour des démonstrations et des rencontres avec des champions.
Ce matin, c'est Guilhem Laget, numéro deux français en tennis fauteuil (21e mondial), qui est au centre de l'attention. Paralysé par un virus qui a touché le bas de sa jambe gauche à l'âge de huit ans, le Gardois - qui en a aujourd'hui 24 - montre un petit aperçu de son talent devant une foule acquise à sa cause, et qui ne manque pas d'applaudir et scander son nom au moindre point remporté. "Il y a une grosse ambiance, on se croirait à Roland-Garros !", plaisante-t-il. "Je me souviens que moi aussi, j'ai été à leur place, et je ne savais pas vraiment que je pouvais pratiquer le handisport. J'ai suivi une scolarité normale, j'étais le seul en situation de handicap et je crois que ça a beaucoup appris à tout le monde en termes d'adaptation. Ici, voir cette mixité, le fait que tout le monde pratique ensemble, c'est un exemple."
Dans un coin du gymnase, tout en discrétion, Thibaut Legrain observe attentivement Guilhem. Fondateur de l'association HOPe il y a deux ans, c'est lui qui permet de mettre en relation 16 sportifs de haut niveau - huit hommes et huit femmes issus à la fois des mouvements olympiques et paralympiques - avec près d'une trentaine d'écoles sur l'année 2023, dont Toulouse-Lautrec. "L'idée est que le sport soit une source d'inspiration pour les enfants qui pourraient être fragilisés par la vie, qu'ils soient en situation de handicap ou issus d'un milieu social moins favorisé, explique-t-il. À travers les parcours de ces champions, qui pratiquent des sports moins médiatisés (cécifoot, hockey sur gazon, para canoé, escalade...), on veut contribuer à planter la graine chez certain(e)s, élargir leurs horizons." L'association octroie également, avec le soutien de plusieurs entreprises et fondations, une bourse annuelle à ces athlètes pour les aider à préparer leurs échéances sportives.
En marge des ateliers, dans la salle de gym attenante, l'ambiance est plus studieuse. Magali et Vincent ont réuni une petite assemblée d'élèves pour un questionnaire sur les Jeux paralympiques. Et ceux-ci ne semblent pas en territoire inconnu, ce que confirme Quentin Moriaux : "Avec le temps, ils se familiarisent avec le réseau handisport. C ’est parfois difficile, selon son type de handicap, de trouver des structures qui peuvent vous accueillir. C'est pour cela qu'il est important qu'ils puissent continuer à pratiquer quand ils vont sortir de l'établissement, qu'ils comprennent que la pratique sportive ne s'arrête pas derrière le portail de l'école."
Le défi de l'intégration après l'école
L'heure de la pause repas a sonné. En quelques minutes, filets et raquettes sont évacués. Le gymnase retrouve sa quiétude... pour une heure trente seulement. Car en début d'après-midi, ce sont les 3es qui prennent possession des lieux. Un examen de biathlon adapté les attend. Avec des boules de boccia, les collégiens doivent viser une zone précise tandis qu'entre chaque tentative, ils doivent compléter des mouvements de cardio training et de renforcement musculaire. Deux classifications sont mises en place pour les évaluer, l'une pour les "debout", l'autre pour les élèves en fauteuil.
Pour Nail, les choses semblent s'être bien passées. Malgré une amyotrophie spinale de type 2 (dos courbé, moins de force, difficulté à tendre les coudes et les jambes), le jeune homme a tenu la dragée haute à ses camarades valides. Quand on l'interroge sur son avenir, loin des adaptations mises en place par l'école, celui-ci ne montre pas de signes d'inquiétude : "Je suis conscient que le regard des autres n'a pas changé, ce serait faux de dire ça, mais j'essaie de me préparer à l'après, d'imaginer comment je vais faire. Il y a un peu d'appréhension, mais ça reste banal, ce n'est pas quelque chose qui me stresse." Même réponse pour Ihab, en fauteuil en raison d'un handicap moteur qui affecte ses jambes. "Ce ne sera pas facile mais je me débrouillerai comme je me débrouille aujourd'hui. Je compte bien faire le métier que je veux."
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