L'UMP brandit l'épouvantail du vote des étrangers
Soucieuse de séduire les électeurs du FN, la majorité dénonce la proposition du PS d'accorder le droit de vote aux élections locales aux étrangers non-communautaires résidant depuis cinq ans en France.
L'emploi, la sécurité, l'Europe, la fiscalité ? Non, le droit de vote des étrangers non-communautaires aux élections locales. Défendue par le PS, dénoncée par l'UMP, cette proposition est au cœur du débat d'entre-deux-tours.
Un sondage BVA-Le Parisien publié le 28 novembre 2011 montrait que 61% des Français y étaient favorables. Pourtant, cette mesure est le principal handicap du PS pour conquérir les 17,9% d'électeurs qui ont choisi Marine Le Pen au premier tour et dont le vote est courtisé à droite comme à gauche. FTVi fait le point sur une polémique entre info et intox.
• Comment l'UMP en a-t-elle fait un repoussoir ?
A droite, la stratégie d'entre-deux-tours est de mettre en valeur les possibles convergences entre électeurs UMP et FN. "Le refus du vote des étrangers est quelque chose dont M. Sarkozy va s'emparer et qui parle aux électeurs frontistes, il va en partie axer sa campagne de second tour sur cette question à laquelle il associe le communautarisme, le clientélisme ethnique…", décrypte le sociologue Sylvain Crépon, auteur d'Enquête au cœur du nouveau Front national.
La peur du "communautarisme". Dès l'annonce des résultats du premier tour dimanche soir, le secrétaire général du parti de la majorité, Jean-François Copé, a attaqué Martine Aubry, la première secrétaire du PS, à ce sujet sur le plateau de France 2.
Invité mardi matin des "4 Vérités", Nicolas Sarkozy a enfoncé le clou. "Est-ce que vous pensez que les Français veulent un président qui considère que la priorité c'est de donner le droit de vote aux étrangers ? (…) Ça voudrait dire à ce moment-là qu'on aura des piscines avec des horaires pour les femmes et les hommes, qu'on aura des hôpitaux avec des médecins pour les hommes et les femmes différents", s'est-il offusqué, avant de ressortir ce dossier brûlant lors d'un meeting à Longjumeau (Essonne).
Un "pacte caché". Dans un communiqué, le secrétaire national de l'UMP Bruno Beschizza a dénoncé mardi "non pas l'indécision du Parti socialiste mais l'opération de communication visant à masquer le vrai pacte caché des socialistes", avant d'énumérer : "régularisation des sans-papiers, droit de vote et d'éligibilité des étrangers, politique communautariste dans les quartiers avec abandon de la laïcité et abandon des quartiers aux dealers avec la légalisation du cannabis".
• Que dit le Parti socialiste ?
Une proposition au programme. Le droit de vote des étrangers figure en effet dans le programme socialiste défendu par François Hollande et concerne les étrangers non-communautaires (c'est-à-dire non ressortissants de l'Union européenne) résidant en France depuis cinq ans et uniquement dans le cadre des élections locales. Cette mesure apparaît dans le cadre d'une proposition visant à "renforcer notre démocratie et défendre les principes de la République".
La révision des institutions, dont cette mesure fait partie, comprend entre autres "la réforme du statut pénal du chef de l'Etat pour le rendre responsable des actes commis sans rapport avec sa fonction, [la] suppression de la Cour de justice de la République pour que les ministres soient jugés comme des citoyens ordinaires" ou encore "la constitutionnalisation des principes de la loi de 1905 sur la laïcité et la suppression du cumul des mandats".
Une loi adoptée par les sénateurs. Par ailleurs, le Sénat, à majorité de gauche, a déjà adopté le 8 décembre 2011 une proposition de loi accordant ce droit de vote. Le texte ne permet toutefois pas aux étrangers de devenir maire ni de participer aux élections sénatoriales en tant que grands électeurs. Ils pourraient seulement être élus conseillers municipaux. Mais cette proposition de loi n'a pas été validée par l'Assemblée nationale.
Des régularisations au cas par cas. Concernant la régularisation des sans-papiers décriée par Bruno Beschizza, elle a été démentie dès le mois de février par Mireille Le Corre, responsable du pôle immigration-intégration dans l'équipe de campagne de François Hollande. Dans un communiqué, elle avait indiqué que le candidat PS s'était "engagé sans ambiguïté à ce qu'il soit procédé à un examen individuel de chaque étranger en situation irrégulière à partir de critères objectifs, transparents et appliqués uniformément sur le territoire". Ceux-ci "tiendront compte notamment de la durée de présence, de la situation de travail et des attaches familiales, et de la scolarisation des enfants".
• Le PS va-t-il faire machine arrière ?
La révision des institutions promise par le PS est prévue entre août 2012 et juin 2013, selon "l'agenda du changement" du candidat socialiste. Lundi soir, Ségolène Royal a répondu aux attaques en affirmant que, contrairement à ce qu'avance l'UMP, cette mesure n'avait "jamais été" la "priorité" du Parti socialiste. François Hollande a toutefois assuré mardi, en déplacement à Laon (Aisne), que le droit de vote des étrangers non-communautaires aux élections locales "sera[it] fait dans le quinquennat", comme l'ensemble des 60 engagements de son programme. L'objectif étant de pouvoir mettre en place cette mesure d'ici aux municipales de 2014.
Douze pays de l'UE accordent le droit de vote aux élections locales à tous les étrangers, dont la Belgique, le Danemark, le Luxembourg, les Pays-Bas, l’Estonie, la Suède ou encore la Hongrie, indiquait Le Figaro fin 2011.
Au PS, la proposition n'est pas neuve. Elle faisait déjà partie du programme de François Mitterrand en 1981. En 2000, un texte similaire avait été adopté par l'Assemblée, alors à gauche, avant que le Sénat, à l'époque à droite, ne jette la loi aux oubliettes.
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