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L'Union européenne prix Nobel de la paix: ce que veut dire ce choix

Le comité Nobel a récompensé l'UE pour sa contribution à la démocratie et aux droits de l'homme. FTVi vous détaille les raisons officielles de ce choix... et les autres.

Article rédigé par franceinfo
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Un drapeau européen déployé au siège de l'Union européenne, à Bruxelles (Belgique), en 2006. (GERARD CERLES / AFP)

EUROPE – Alors qu'elle traverse une crise de confiance des plus sérieuses, l'Europe vient de recevoir une distinction inattendue, vendredi 12 octobre, avec le prix Nobel de la paix qui lui a été décerné à Oslo (Norvège). Quel est le sens de cette récompense, cinquante-cinq ans après le Traité de Rome qui a posé les bases de l'Union européenne ?

La raison officielle : paix, démocratie et droits de l'homme

C'est la raison officielle pour laquelle le comité Nobel a décerné son prix à l'UE. "L'Union et ses héritiers ont, pendant six décennies, contribué à promouvoir la paix et la réconciliation, la démocratie et les droits de l'homme en Europe", écrit le comité. "Pendant soixante-dix ans, l'Allemagne et la France se sont livrées trois guerres. Aujourd'hui, une guerre entre l'Allemagne et la France est inimaginable. Cela montre comment, en établissant une confiance réciproque, des ennemis historiques peuvent devenir des partenaires", poursuit le texte.

Dans cet esprit, le comité Nobel souligne que les adhésions, dans les années 1980, de la Grèce, de l'Espagne et du Portugal, ont été conditionnées par une évolution démocratique dans ces pays. Et que, depuis la chute du mur de Berlin, la division Est-Ouest a trouvé son épilogue, la démocratie a été renforcée, et les conflits ethniques réglés. La Turquie est "un bon exemple" de cette influence positive, confirme Katinka Barysch, chercheuse au Centre for European Reform, à Londres, qui souligne: "Le pays a été transformé : il a aboli la peine de mort et a fait de grandes réformes, en particulier quand il a été stimulé pour ouvrir les négociations" en vue d'une adhésion en 2004. Même si, "nuance-telle, ces dernières années toutefois, "les négociations sont au point mort et le pays recule".

"Ce prix montre que les valeurs de solidarité, de confiance réciproque et autres peuvent amener un monde meilleur", a réagi l'ancien président de la Commission européenne Jacques Delors. "Il est juste que l'effort extraordinaire accompli par les Européens et leurs dirigeants pour établir une paix définitive sur leur continent, historiquement ravagé par les guerres, soit reconnu et honoré", a pour sa part déclaré l'ancien président français Valéry Giscard d'Estaing.

"C'est un prix non seulement pour le projet et les institutions représentant un intérêt commun, mais aussi pour les 500 millions de citoyens qui vivent dans notre Union", se sont félicités Herman Van Rompuy, président du Conseil de l'Union européenne et José Manuel Barroso, président de la Commission européenne dans un communiqué commun.

La raison officieuse : un encouragement pour sortir de la crise

"L'UE connaît actuellement de graves difficultés économiques et des troubles sociaux considérables", a reconnu le président du comité, Thorbjorn Jagland. Même si le jury du Nobel ne l'évoque pas ainsi, ce prix sonne comme un encouragement pour l'Europe à surmonter les crises, économique et institutionnelle, qui la minent.

Le paradoxe d'avoir attribué un prix Nobel à une institution en crise n'a pas manqué d'être relevé par les eurosceptiques. L'eurodéputé britannique Nigel Farage estime par exemple que "l'UE a créé de la pauvreté et du chômage pour des millions de gens", tandis que Marine Le Pen la considère comme "le premier facteur de désunion et de montée des tensions entre les nations européennes".

Face aux risques d'éclatement, ce prix incitera-t-il les dirigeants européens à envisager un saut fédéraliste ? Pour Maurice Faure, dernier signataire français vivant du traité de Rome en 1957 – il était alors secrétaire d'Etat aux Affaires étrangères – l'Union européenne doit faire "un pas vers la fédération, indispensable à la survie de la construction européenne."

François Hollande souligne quant à lui que ce Nobel confère à l’Europe "une responsabilité encore plus grande, celle de la préservation de son unité, de la capacité à promouvoir la croissance et l'emploi, et de la solidarité dont elle doit faire preuve à l'égard de ses membres".

Une raison sous-jacente : pour une Europe qui pèse dans le monde

Et si ce prix était un message adressé à l'UE pour qu'elle trouve les moyens de peser davantage dans les affaires du monde ? Le comité Nobel n'évoque pas cet aspect parmi les raisons qui l'ont poussé à cette décision. Mais elle ressurgit dans les multiples réactions que cette annonce a suscitées

Certes, l'UE fait déjà beaucoup pour promouvoir la paix et le développement. Au niveau mondial, les 27 restent, de loin, malgré des budgets en baisse, les premiers contributeurs dans l'aide au développement, avec 53 milliards d'euros en 2011. L'UE cherche à promouvoir la bonne gouvernance, mais aussi la santé et l'éducation en particulier dans les pays les moins stables comme l'Afghanistan, le Soudan ou la République démocratique du Congo. Les Européens mènent également des missions de "prévention des conflits", en déployant des militaires et des civils dans la Corne de l'Afrique ou au Sahel. 

Toutefois, louée pour avoir scellé la réconciliation franco-allemande, l'Europe est souvent critiquée pour son faible rôle politique international et son incapacité à avoir une parole qui porte à propos des conflits actuels.

La création, fin 2009, d'un poste de président du Conseil de l'Union européenne (occupé par le Belge Hermann Von Rompuy) et celle d'un Haut Représentant pour les affaires étrangères et la politique de sécurité (actuellement la Britannique Catherine Ashton) n'ont pas permis de rendre l'Europe audible sur la scène internationale.

"L'Union européenne, quand elle affiche un visage des bons jours, est un élément de réflexion pour l'ensemble du monde, veut toutefois croire Jacques Delors. La façon dont les pays européens travaillent entre eux est un exemple que beaucoup essaient de suivre, en particulier les pays d'Asie et d'Amérique du Sud." 

Pour l'eurodéputé écologiste Daniel Cohn-Bendit, l'obtention de ce prix serait par exemple "l'occasion de demander pour l'UE un siège permanent au Conseil de sécurité de l'ONU".

Mais l'Europe a encore du mal à parler d'une même voix. Démonstration en a encore été faite ce vendredi. Le président du Parlement européen, Martin Schulz, s'est, le premier, fendu d'une réaction, suivi de près par José Manuel Barroso puis par Hermann Von Rompuy.  

Il a fallu attendre midi (heure de Paris) pour que ces deux derniers publient un communiqué commun. Quelques minutes plus tard, Catherine Ashton publiait sa propre réaction. Désormais, une question existentielle agite les dirigeants européens : qui ira recevoir le prix, le 10 décembre à Oslo ?

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