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"La Belgique est le paradis fiscal des rentiers"

Eric Desmorieux, avocat spécialiste du droit fiscal, analyse les éventuelles motivations d'un déménagement de Bernard Arnault, le patron du groupe LVMH. 

Article rédigé par Salomé Legrand - Propos recueillis par
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
Les élus belges se sont exprimés sur la demande du milliardaire, qui souhaite obtenir la nationalité du pays. (MARTIN BUREAU / AFP)

L'AFFAIRE ARNAULT - Il a beau avoir doublement démenti la possibilité d'un exil fiscal, la demande de naturalisation effectuée par Bernard Arnault, patron du groupe LVMH et quatrième fortune mondiale, selon le magazine Forbes, intrigue. FTVi a demandé son avis à Eric Desmorieux, avocat spécialiste du droit fiscal.

FTVi : Quel est le montant des impôts payés par Bernard Arnault en France ?

Eric Desmorieux : Je crois me souvenir qu’il avait déménagé son foyer fiscal durant trois ans aux Etats-Unis à partir de 1981, donc ça fait un moment que Bernard Arnault travaille à optimiser son imposition personnelle. Cela dit, si l’on considère qu’il perçoit un revenu net annuel imposable de 4 millions d’euros [selon les chiffres publiés par la presse belge], il doit 1 741 914 euros au titre de l’impôt sur le revenu et de la contribution exceptionnelle en 2011.

Cela correspond à un taux d’imposition moyen de 43,7%. Et à un taux marginal de 41%, c’est-à-dire qu’il atteint la dernière tranche possible pour l’impôt sur le revenu en 2011 [le gouvernement prévoit de la faire passer à 45%]. Mais ce chiffre est imparfait, il ne tient pas compte des revenus de son épouse par exemple, ni des éventuelles déductions dont il peut bénéficier grâce aux niches fiscales telles que les dons aux associations, les salaires d’employés de maison…

Quant à ses dividendes, qu’il perçoit au sein d’une holding familiale, ils sont imposés au taux digne d’un paradis fiscal de 1,66%, via l’impôt sur les sociétés mères et filiales. En effet, lorsque l’on possède une participation de plus de 5% dans une société déjà imposée au titre de l’impôt sur les sociétés, les dividendes sont faiblement imposés.   

Combien pourrait-il économiser en installant son domicile fiscal en Belgique ?

C’est vraiment difficile à établir sans connaître la répartition exacte de ses revenus et de sa fortune. En tout cas, les avocats fiscalistes belges ont coutume de dire que leur pays est le paradis fiscal des rentiers. Notamment car les impôts y sont faibles sur les intérêts de l'argent placé, mais aussi sur les dividendes. La fiscalité sur les droits de succession y est également très intéressante.

Pourquoi la Belgique plutôt que la Suisse, par exemple ?

Il y a différentes raisons mais d’une part, la Belgique est un petit peu plus attractive que la Suisse, dont l’impôt sur le revenu n’est pas particulièrement doux. Pour que l’exil fiscal en Suisse soit intéressant, il faut réussir à bénéficier du régime de l’imposition au forfait, c’est-à-dire payer ses impôts sur son train de vie, ce que l’on dépense dans le pays et non sur ses revenus.

Pour cela, il faut des revenus très importants, au-delà de 200 000 euros annuels. D’autre part, il ne faut pas oublier que la Belgique est dans l'Union européenne, il est donc plus facile de s’y installer, c’est à une heure de Paris en train, on y parle le français … Evidement, les Français "du Sud", les Lyonnais par exemple, choisiront probablement plus facilement la Suisse.

Que faut-il faire pour réussir un exil fiscal légal ?

Quoiqu’il arrive, ce n’est pas rien. Il faut déménager tout le foyer fiscal, conjoint et enfants mineurs inclus, en faisant beaucoup de bruit. C’est-à-dire en le prouvant !  Je conseille à mes clients de remplir consciencieusement une boîte à chaussures de justificatifs : la facture du déménagement évidemment, mais aussi tous les papiers qui montrent que vous avez résilié votre abonnement téléphonique, celui de la salle de sport, du gaz, etc.

Et prouver que vous allez bien durablement faire votre vie en Belgique : factures du coiffeur, du serrurier à qui on a demandé de faire un double des clefs, abonnements divers… Enfin, il faut pouvoir justifier que le centre principal de ses activités économiques est bien situé dans le pays. Depuis une jurisprudence récente du Conseil d’Etat, le fisc ne va pas seulement regarder où se trouve l’essentiel de votre fortune, mais aussi d’où proviennent les revenus perçus. 

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