Mort de Zyed et Bouna : la Cour de cassation annule le non-lieu en faveur des policiers, nouveau procès en vue
Sept ans après la mort des deux adolescents de Clichy-sous-Bois dans un transformateur, la justice ouvre la voie à un procès contre les policiers.
FAITS DIVERS - Sept ans après la mort de Zyed et Bouna, deux adolescents de Clichy-sous-Bois décédés dans un transformateur électrique après une course-poursuite avec la police, la justice a décidé, mercredi 31 octobre, d'annuler le non-lieu en faveur des policiers. Ce qui ouvre la voie à un procès.
La chambre criminelle de la Cour de cassation a remis en cause le non-lieu prononcé en avril 2011 à l'issue de l'enquête dans laquelle deux policiers avaient été mis en examen pour non-assistance à personnes en danger. Elle a renvoyé le dossier devant la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Rennes, pour qu'elle statue de nouveau. Dans son arrêt, la juridiction considère que la cour d'appel de Paris n'a pas répondu à l'argumentation des parties civiles, selon laquelle les policiers n'avaient aucune certitude que les jeunes ne se trouvaient pas sur le site EDF. Francetv info revient sur les versions des faits défendues par chaque partie.
L'origine de la course-poursuite
Une tentative de cambriolage ? Le 1er octobre, Daniel Merchat, l'avocat des deux policiers, a déclaré à l'AFP qu'à l'origine de la course-poursuite, "il y a bien eu une tentative de cambriolage" sur un chantier. Il a aussi affirmé qu'au moment où ils sont morts, les policiers étaient rentrés au commissariat depuis "18 minutes".
Ou bien aucune infraction ? "Ceci est faux. L'enquête l'a définitivement démontré", ont répliqué le même jour les avocats des familles des deux jeunes, Jean-Pierre Mignard et Emmanuel Tordjman. Selon eux, les policiers poursuivaient les adolescents alors qu'ils n'avaient commis aucune infraction. Zyed et Bouna se dépêchaient de rentrer chez eux un soir de ramadan, après avoir joué au foot.
La scène vue par les policiers
Sont-ils partis avant de voir les ados entrer dans le transformateur ? "S'ils rentrent sur le site EDF, je ne donne pas cher de leur peau." Cette phrase a été prononcée par l'un des policiers lors des échanges radio le soir des faits. Elle est au cœur des débats.
Pour l'avocat général Patrick Bonnet, qui a préconisé la confirmation du non-lieu, cette phrase "ne dit pas qu'ils sont rentrés sur le site EDF". "Rien dans le dossier ne permet d'affirmer que quelqu'un, à un moment ou à un autre, a vu les enfants se réfugier" dans le transformateur, ajoute-t-il.
Ou les ont-ils vus sans les prévenir ? Pour Jean-Pierre Mignard, l'argument de l'avocat général ne "mérite aucune considération". Selon lui, "l'évidence du péril imminent", signalé par des pancartes, "s'impose à tous", et encore plus à des "adultes qui poursuivent des enfants". Le 1er octobre, l'avocat des familles des jeunes a jugé "indispensable" que cette affaire soit jugée lors d'un débat public par un tribunal, qui rende une décision "quelle qu'elle soit".
L'attitude des policiers
Pouvaient-ils les avertir du danger ? "A aucun moment (…) les forces de police n'ont cherché à avertir les enfants du risque", a plaidé de son côté un autre avocat des familles, Patrice Spinosi, lors de l'audience devant la Cour de cassation, le 3 octobre.
"Tous les éléments" du dossier "démontrent que la seule logique" des fonctionnaires était d'appréhender les fugitifs. Pour l'avocat, les policiers ont ce soir-là "manifestement failli" à leur mission essentielle, "protéger les plus faibles". Il a souligné "l'absurdité de ce drame" : "Les enfants courent parce qu'ils sont poursuivis par les policiers et les policiers les poursuivent parce que les enfants courent".
Etait-ce impossible ? Les fonctionnaires avaient "bien connaissance d'un danger, mais pas d'un péril imminent", a argué l'avocat général. Selon lui, on ne peut pas renvoyer les policiers devant le tribunal correctionnel sur "des suppositions aussi vagues et des hypothèses".
Quelles sont les réactions ?
Pour les familles c'est un soulagement. Loubna Anaki et Bruno Girodon ont rencontré Siyakha Traoré, le frère de Bouna Traoré, juste après l'annonce par les juges de la Cour de cassation. "Avec ce procès, mon sentiment d'injustice a disparu", assure le frère de Bouna.
Samir Mihi, président de "Au-delà des mots", association créée par les amis de Zyed et Bouna, espère qu'à travers le nouveau procès "on va mettre un peu plus la lumière sur la mort de ces deux jeunes et qu'on parlera pas (...) des voitures qui ont brûlé".
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