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"La gauche se cherche un bouc émissaire commode" avec Angela Merkel

Pour la journaliste allemande Ulrike Koltermann, les critiques formulées par le PS contre la chancelière allemande sont injustes et contreproductives.

Article rédigé par Thomas Baïetto - Propos recueillis par
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3 min
Angela Merkel, le 19 avril 2013, à Berlin (Allemagne). (STEFFEN KUGLER / BUNDESREGIERUNG / AFP)

Raillerie et indifférence. Pour la presse allemande, la charge du Parti socialiste contre Angela Merkel, critiquée pour son "intransigeance égoïste" en matière économique, n'est ni sérieuse, ni justifiée. "Le Parti socialiste au pouvoir en France a fait une découverte formidable : l'Allemagne est coupable de tout", se moque par exemple le quotidien économique Handelsblatt lundi 29 avril. A quelques mois des élections de septembre qui désigneront les députés fédéraux, d'autres, comme le Süddeutsche Zeitung (centre gauche), y voient une preuve que "l'Europe veut se mêler à la campagne électorale". 

Francetv info a demandé son analyse à Ulrike Koltermann, ancienne correspondante de l'agence allemande DPA à Paris, et aujourd'hui journaliste freelance pour plusieurs journaux allemands en France. 

Francetv info: Les critiques contre Berlin ont occupé le débat politique en France ce week-end. Elles arrivent après les attaques de manifestants grecs, chypriotes ou espagnols. Est-ce qu'elles font parler en Allemagne ? 

Ulrike Koltermann : Le sujet inquiète les Allemands parce que les mots employés sont assez forts. Même si une partie de la population est contre l'austérité, beaucoup d’Allemands sont choqués par ces propos, et se demandent si ce n'est pas naïf ou dangereux pour les relations franco-allemandes.

Pour les Allemands, il existe une grande différence entre les extrémistes en Grèce ou en Italie qui comparent Angela Merkel à Hitler, et le parti au gouvernement en France. Dans le second cas, c’est plus grave. Concernant les accusations d'égoïsme, il faut rappeler que l'Allemagne représente le premier contributeur aux plans de sauvetage de la zone euro.

Nous avons l’impression que la gauche se cherche un bouc émissaire commode. Il s'agit d'une stratégie à court terme parce que les deux pays sont obligés de coopérer.

Le texte était un document du Parti socialiste. Est-ce que l'opinion publique et la classe politique allemande font la différence entre le point de vue du PS et celui de François Hollande ?

Non, ils ont le sentiment que ce texte reflète ce que François Hollande pense. Nous sommes au courant qu'il s'agit d’un document interne, mais on peut se demander si le président était au courant de cette critique assez forte. Si oui, c'est inquiétant pour la relation franco-allemande. Si ce n'est pas le cas, c’est inquiétant aussi parce que cela veut dire qu’il ne tient pas ses troupes. Dans les deux cas, ce n’est pas prometteur pour les prochaines rencontres entre les deux dirigeants.

Certains se demandent si le Parti socialiste ne cherche pas à aider la gauche allemande, le SPD, pour les prochaines élections, en septembre...

Cela me semble plutôt contreproductif. Nous avons l’impression que François Hollande parie sur la défaite d'Angela Merkel. Mais le pari est risqué puisque les sondages lui sont favorables. Et même si le SPD participe au gouvernement, l'Allemagne ne va pas nécessairement changer de politique.

La rigueur budgétaire est importante pour n'importe quel gouvernement allemand. Nous sommes en pleine campagne électorale et beaucoup d'Allemands ont l’impression que leur pays paye pour les dettes des autres. Je pense que François Hollande a rendu service à Angela Merkel. Lorsqu'elle est attaquée à l'extérieur, cela la renforce en Allemagne.

La chancelière allemande n'avait pas hésité à soutenir Nicolas Sarkozy contre François Hollande pendant la présidentielle de 2012. Quelles peuvent être les conséquences des critiques du PS sur la relation franco-allemande ?

Si Angela Merkel gagne les élections, les deux seront forcés de coopérer encore quatre ans. Au début, la relation avec Nicolas Sarkozy n'était pas facile non plus. Le projet de l'Union pour la Méditerranée avait beaucoup énervé la chancelière. Elle a su attendre et laisser passer cette phase, pour finalement trouver un terrain d'entente avec Nicolas Sarkozy.

Le président de la République française va peut-être changer d’opinion et devenir plus pragmatique. De toute façon, l'Europe a besoin que les deux partenaires soient sur la même longueur d’onde.

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