Laurent Wauquiez et son anorak rouge menacés en Haute-Loire ?
L'ex-ministre se présente de nouveau aux législatives dans son fief auvergnat, terre traditionnellement à droite. Mais les scores du FN et du PS à la présidentielle pourraient modifier la donne.
C'est avec un large sourire et une tape sur l'épaule du maire que Laurent Wauquiez marque son entrée. Dans la salle municipale des Villettes, village de Haute-Loire de 1 200 habitants, le candidat UMP aux législatives enchaîne les bises aux dames à cheveux gris-bleu et les poignées de main franches accompagnées d'un "Tu vas bien ? La famille aussi ?"
La réunion publique de l'ancien ministre, à nouveau candidat dans la 1ère circonscription du département, va commencer, mardi 22 mai. Une dizaine de personnes souriantes prennent place face à une baie vitrée qui laisse admirer un paysage de vallons verdoyants et embrumés, où quelques vaches broutent sous un crachin tenace.
La stratégie disponibilité et présence
L'accueil est plus froid pour "la presse parisienne", priée de quitter cette réunion pourtant publique. D'après l'attaché parlementaire du candidat UMP, "les gens d'ici n'aiment pas trop la publicité". Laurent Wauquiez, lui, aime surtout celle qui est bien maîtrisée.
C'est vêtu de son traditionnel anorak rouge, son habit officiel de campagne, voyant et bien connu des électeurs locaux, qu'il bat la campagne. Depuis 2004, sa disponibilité et sa présence permanente sur le terrain lui ont permis deux larges victoires aux législatives. En 2007, il a même été élu dès le premier tour avec plus de 58% des voix. Cinq ans plus tard, la stratégie est la même.
Illustration dans une entreprise de BTP des Villettes où Laurent Wauquiez salue les uns après les autres les salariés affairés sur leurs engins de chantier. "Le rôle d'un député, c'est de connaître et de défendre son territoire, d'être en veille, comme je l'ai été avec les ouvrières de Lejaby à Yssingeaux."
IMAGES : DENIS SEBASTIEN / PHILIPPE EVEQUE / FRANCE 2
"C'est quelqu'un de disponible, d'abordable et d'avenant, s'enthousiasme Nicole, restauratrice aux Villettes. Je vais voter pour lui parce que je l'aime bien mais aussi parce que je vote toujours à droite. Maintenant, certaines personnes d'ici sont devenues méfiantes à cause des Turcs qui sont installés à Sainte-Sigolène", la ville voisine.
Sur cette terre de tradition démocrate chrétienne, l'attachement traditionnel à l'UMP a du plomb dans l'aile, notamment dans le nord-est du département. Avec 22,1% des voix pour Marine Le Pen au premier tour de la présidentielle, le Front national a réalisé un score historique dans la 1ère circonscription, à seulement deux points de Nicolas Sarkozy.
"Divorce entre la droite parlementaire et le monde rural"
Difficile de trouver des habitants loquaces sur la question, surtout face à un journaliste venu de Paris. "Ici, les gens parlent très peu de politique, même au bar, parce que c'est privé, confirme Philippe, patron d'un établissement. En fait, ils en ont un peu marre des politiques. Quelqu'un comme Wauquiez, on le voit trop sur les photos."
"C'est à cause des gens qui arrivent de Saint-Etienne que le vote FN a grimpé, avance Marc Bonnefoy, chef d'entreprise dans le textile, basé aux Villettes. Ici, ils sont venu chercher la tranquillité, et ils veulent la garder." Le chef-lieu de la Loire est à seulement 40 kilomètres. Et ces dernières années, beaucoup de Stéphanois se sont s'installés dans le nord-est de la Haute-Loire, comme en témoignent les nombreuses maisons récentes qui entourent les villages environnants.
La proximité de "la grande ville" amène aussi "une délinquance itinérante qui prend de l'ampleur", selon Pierre Cheynet, le candidat FN aux législatives. "Aujourd'hui, plus personne ne laisse ses clés de voiture sur le contact." Mais la peur de l'insécurité et de l'immigration ne serait pas la seule explication à la popularité du Front national : "Sur les questions de la disparition des services publics, du social et des méfaits de l'Europe, on est plus crédible, estime Pierre Cheynet. Le divorce est consommé entre la droite parlementaire et le monde rural."
Conséquence, le slogan du candidat UMP, "Protéger ensemble la Haute-Loire", sonne comme une promesse de droitisation. "La protection, c'est s'occuper de l'emploi, de l'environnement, du lien entre génération, mais aussi de la sécurité, précise Laurent Wauquiez. Il faut protéger nos atouts : un chômage moins important qu'ailleurs, de bons produits agricoles et du dynamisme."
"Michel Drucker"
Cette continuité défendue par le député sortant n'est pas contestée que par le FN. La présidentielle a marqué un renversement politique historique, peignant pour la première fois le département en rose. Au Puy-en-Velay, dont Laurent Wauquiez est maire, François Hollande a même obtenu plus de 55% des voix. Dans la circonscription de son ex-ministre, Nicolas Sarkozy est arrivé en tête mais seulement avec 50,2%.
Le scénario d'une triangulaire UMP-PS-FN semble se dessiner. Côté socialiste, où on dit "ne pas la souhaiter", on analyse la percée de l'extrême droite et le bon score de François Hollande comme le résultat d'"un manque flagrant de justice sociale". La stratégie ressemble à la campagne présidentielle : insister sur le programme du gouvernement socialiste et s'attaquer au candidat sortant. "Mais pas question de se fixer sur sa personne", assure dans un sourire Guy Vocanson, le candidat du PS local.
Pourtant, dans la salle de la mairie de Saint-Julien-Chapteuil, village de 1 900 habitants, Laurent Wauquiez en prend pour son grade lundi 21 mai. Dans cette réunion publique qui compte une trentaine de participants, l'ex-ministre est comparé à "Michel Drucker, le gendre idéal", qui serait en fait "un tueur politique à Paris" selon Arlette Arnaud-Landau, l'ancienne maire du Puy et suppléante de Guy Vocanson.
Légitimité et dissidence
Le candidat socialiste, lui, pointe du doigt le salaire ministériel auquel Laurent Wauquiez a dit renoncer, comme l'explique France 3 Auvergne. "Qu'il les prenne, mais qu'il les donne à des petites communes dans le besoin", plaisante Guy Vocanson.
"Ici, il se comporte comme un seigneur qui tutoie les gens, distribue les bises et les subventions, mais uniquement aux personnes qui lui sont utiles. Il n'y a aucune transparence sur l'utilisation de la réserve parlementaire, [des fonds dont dispose à discrétion tout parlementaire, comme le décrit par lanouvellerepublique.fr]. Et puis il multiplie les promesses. Peut-être seront-elles difficiles à tenir quand nous serons en place."
Mais la campagne socialiste connaît, elle aussi, quelques accrocs. D'abord les électeurs de la 1ère circonscription y ont le choix entre treize candidats, une abondance qui dilue le phénomène "anti-Wauquiez". Surtout, un autre candidat arbore la rose et le poing du PS. Gustave Alirol, du Partit occitan, affilié aux écologistes, a reçu l'investiture du PS et des Verts en vertu de l'accord national passé entre les deux partis. "J'ai proposé une alliance, mais on a voulu m'écarter, explique le conseiller régional d'Auvergne. Alors pas question de se retirer. Et puis, pour battre Wauquiez et le FN, il faut une gauche ouverte, avec de nouvelles idées. Et l'écologie rurale est en train de monter ici."
"Nous sommes légitimes, estime au contraire Arlette Arnaud-Landau. La fédération nous soutient et puis, avec le danger du FN, il faut que le PS soit présent. C'est indispensable." L'incertitude sur les résultats du vote règne donc en Haute-Loire. Les changements de population et d'orientation politique y font pousser de nouvelles ambitions. Laurent Wauquiez consent que cette fois-ci, "ce sera plus dur", tout en se disant "serein car les gens d'ici ont la reconnaissance du travail effectué".
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