Cet article date de plus de douze ans.

Le chômage partiel en sept questions

Présentée comme une solution pour enrayer le chômage, une généralisation du chômage partiel pourrait être annoncée lors du sommet social du 18 janvier. Ce dispositif a le soutien du patronat et des syndicats.

Article rédigé par Ilan Caro
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 7min
Des salariés de Toyota manifestent devant l'usine d'Onnaing (Nord), pour réclamer le maintien intégral de leur salaire pour les journées de chômage partiel, le 16 avril 2009. (FRANÇOIS LO PRESTI / AFP)

Syndicats et patronats se rencontrent, vendredi 6 janvier, pour préparer le sommet social du 18 janvier organisé par Nicolas Sarkozy. Un sommet au cours duquel le gouvernement devrait annoncer plusieurs mesures pour faire face à l'explosion du chômage. Parmi elles, la généralisation de l'indemnisation du chômage partiel. Décryptage en sept points.

• Quel est le but recherché ?

Le principe paraît frappé au coin du bon sens. Il autorise les entreprises en difficulté, dont les carnets de commande se vident, à abaisser temporairement le nombre d'heures travaillées, pour éviter de procéder à des licenciements économiques. Les salariés, qui subissent donc une baisse de salaire, reçoivent en contrepartie une indemnisation de "chômage partiel" financée par l'Etat. L'enjeu du sommet social du 18 janvier est notamment de simplifier le recours à ce dispositif, peu utilisé.

• Concrètement, comment ça marche ?

Actuellement, le dispositif du chômage partiel est complexe et très encadré. Il ne peut être mis en œuvre qu'en raison de la conjoncture économique ou de certains événements particuliers (difficultés d'approvisionnement en matières premières ou en énergie, sinistre, intempéries...).

L'entreprise qui connaît des difficultés doit solliciter une autorisation à l'Etat, après avis du comité d'entreprise ou des délégués du personnel. L'administration répond sous vingt jours.

Chaque heure de travail perdue est indemnisée par une allocation spécifique de chômage partiel, financée par l'Etat, de 3,84 euros de l'heure (dans les entreprises de 250 salariés ou moins) et de 3,33 euros (dans les entreprises de plus de 250 salariés). Dans la plupart des branches professionnelles, une indemnité complémentaire versée par l'employeur permet d'atteindre 60 % de la rémunération brute. Dans certains cas, ce complément peut aussi être pris en charge par l'Etat.

Enfin, il existe un dernier dispositif, qui permet une indemnisation à 75 %. Il concerne les entreprises qui ont signé une convention d'"activité partielle de longue durée". Créé en 2009 pour parer à la crise, il a été reconduit au moins jusqu'en mars 2012.

• Que va proposer le gouvernement ?

Face à la montée du chômage, le gouvernement devrait proposer une généralisation du chômage partiel. "Pour un certain nombre de salariés et pas seulement en CDI, le chômage partiel ou l'activité partielle peut être une solution intéressante. On a développé cette pratique au cœur de la crise, continuons !", expliquait Xavier Bertrand dans un entretien au Monde, fin décembre.

Mais le ministre du Travail compte aussi simplifier la procédure : "Je suis prêt à discuter de toutes les propositions, y compris celle d'une unification des dispositifs. C'est d'ailleurs moi qui ai dit [aux syndicats] qu'il fallait faire plus simple. C'est la raison pour laquelle je propose de réduire les délais de réponse de l'administration de vingt à dix jours."

Les détails ne sont pas encore connus. Ils doivent être évoqués ce vendredi par les partenaires sociaux, et le gouvernement devrait faire part de sa décision lors du sommet du 18 janvier.

• Qui est pour, qui est contre ?

C'est suffisamment rare pour être souligné : le recours au chômage partiel bénéficie d'un relatif consensus entre les syndicats, le patronat, le gouvernement et l'opposition. La CGT est même allée jusqu'à soumettre des propositions qui ont étonné, voire intéressé le ministre, affirment Les Echos. Le syndicat, qui juge le système actuel trop coûteux pour les entreprises, souhaiterait la création d'un "contrat de sécurisation des emplois et des entreprises" qui remplacerait les dispositifs existants.

Certains experts se montrent toutefois moins enthousiastes que le gouvernement et les partenaires sociaux. "Le chômage partiel permet d'amortir un choc, mais pas de créer des emplois, estime Marion Cochard, économiste à l'OFCE, interrogée par Le NouvelObs.comC'est une solution temporaire qui permet davantage de retarder que d'empêcher la destruction d'emplois. C'est efficace pour une situation délicate mais ponctuelle : si la situation économique ne s'arrange pas, les entreprises finissent par licencier. Or nous prévoyons une récession pour 2012."

• Combien ça coûte ?

Selon la Cour des comptes (voir document PDF), au plus fort de la crise, en 2009, les 78 millions d'heures indemnisées ont coûté 349 millions d'euros aux finances publiques. C'est neuf fois plus qu'en 2008, et plus de trente fois plus qu'en 2007.

Mais à cette somme, il faut ajouter le manque à gagner en termes de cotisations sociales, car les heures indemnisées sont exonérées de charges. En 2009, la facture totale a donc été de 610 millions d'euros.

S'il venait à être généralisé, le chômage partiel pourrait évidemment s'avérer plus coûteux pour l'Etat. Mais impossible d'avancer des chiffres tant que le gouvernement ne précise pas ses intentions.

• Pourquoi réformer ce système ?

Chacun s'accorde à dire que le chômage partiel est sous-utilisé en France, alors qu'il peut être efficace pour sauver des emplois. A partir des années 2000, observe la Cour des comptes, le mécanisme est tombé en désuétude, avant d'être réactivé en 2008 devant la menace de la crise.

Toutefois, les sommes qui lui sont consacrées restent faibles par rapport à d'autres pays européens. Ainsi, l'Allemagne a déboursé à ce titre 6 milliards d'euros en 2009, dix fois plus que la France. Toujours en 2009, 3,17 % des salariés allemands et 3,29 % des salariés italiens ont bénéficié du chômage partiel, contre seulement 0,83 % de leurs homologues français.

• Peut-on aller encore plus loin dans la flexibilité ?

Outre la généralisation et la simplification du chômage partiel, le gouvernement propose de créer "des pactes de compétitivité-emploi". Maître-mot : la flexibilité. Il s'agirait d'ajuster le temps de travail ou la production (et donc les salaires) en fonction de la situation de l'entreprise. Ces pactes seraient négociés avec les représentants des salariés, qui bénéficieraient en échange d'une garantie de leur emploi pendant une certaine durée. Une flexibilité qu'a notamment mise en œuvre l'Allemagne pendant la crise de 2009.

Mais contrairement au chômage partiel, les syndicats n'y sont pas du tout favorables. Pour Véronique Descacq, secrétaire nationale de la CFDT, "cela n'aurait pas de sens si les entreprises pouvaient baisser le temps de travail des salariés et en même temps faire faire des heures supplémentaires défiscalisées", l'une des mesures phares du quinquennat de Nicolas Sarkozy.

Lancez la conversation

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour commenter.