Le cortège du FN partagé entre le vote blanc et le bulletin Sarkozy
Comme Marine Le Pen, nombre de militants frontistes renvoient Nicolas Sarkozy et François Hollande dos à dos. Mais d'autres voient dans le président sortant un moindre mal.
Sur la place du Palais Royal, à Paris, alors que le cortège de la manifestation du 1er-Mai s'ébranle, les jeunes frontistes s'époumonnent avec un slogan entendu en d'autres circonstances : "Sarko, t'es foutu, la jeunesse est dans la rue !" Gary, 21 ans, approuve le message : "Je n'irai pas voter au deuxième tour, ou alors blanc."
Le mot d'ordre provoque le débat entre deux étudiants en droit qui se tiennent à côté. "Sarkozy a été le champion de l'immigration, il a accueilli 200 000 nouveaux étrangers par an. Plus que sous Jospin !" souligne Jérémy pour justifier son non-choix. "Mais ce sera pire avec Hollande. Lui il prône l'assistanat..." lui rétorque Sidonie, qui ne cache pas son intention de voter, la mort dans l'âme, pour le président sortant. Elle lui trouve quelques excuses : "Sur l'immigration, il a les mains liées par les traités européens. Par rapport à Chirac, il a quand même fait plus de réformes."
"On fera comme dit Marine"
Dimanche, ils ne mettront donc pas tous le même bulletin dans l'urne. Mais ils s'accordent sur un point : il y a trop d'immigrés. "Vous verriez le boulevard de Clichy [à Paris], où j'habite... C'est devenu le boulevard du tapin", s'offusque Nicolas, un aide-soignant de 29 ans. "Et moi qui viens de la banlieue nord, on sait ce que c'est que l'immigration", témoigne un autre.
Irène, 66 ans et sa fille Charlotte, 28 ans.
(ILAN CARO / FTVI)
Les immigrés, c'est aussi ce qui dérange Irène, 66 ans, venue avec sa fille Charlotte. "J'ai toujours été Le Pen", lance avec fierté cette commerçante de Bonneuil-sur-Marne (Val-de-Marne) à la retraite. "Combien de fois je me suis fait attaquer ou voler par des étrangers", raconte-t-elle. Pour le second tour, Irène et Charlotte n'ont encore rien décidé. Et pour cause : "On fera comme dit Marine", jurent-elles. Deux heures plus tard, sur la place de l'Opéra, la présidente du Front national ne donne aucune consigne de vote. "Sarkozy est peut-être 'le moins pire', finit par lâcher Irène. On voudrait qu'il fasse alliance avec le FN mais il a honte, c'est un faux-cul !"
"Hollande va passer. Mais au moins, Marine sera élue en 2017 !"
La plupart des militants croisés le long de la manifestation affirment vouloir voter blanc ou s'abstenir. Mais pas toujours pour les mêmes raisons. Rudy et Cécile, un couple de trentenaires, ne sont convaincus ni par Hollande ni par Sarkozy, "qui défendent l'ultralibéralisme". Pour Rudy, "il n'y a de toute façon plus de clivage droite-gauche".
Damien et Thierry, animateurs du FNJ à Marseille, feront de même. "Sarkozy nous a vendu sa salade il y a cinq ans et Hollande n'a pas du tout les épaules", explique le premier. "Moi je vais mettre un papier 'Marine' dans l'urne", promet Thierry, qui porte une boucle d'oreille en forme de flamme du FN. Dans une autre partie du cortège, un autre confie qu'il glissera un bulletin "Jeanne d'Arc" le 6 mai.
Pour d'autres, voter blanc est un pari pour l'avenir. "C'est sûr qu'Hollande va passer. Ça va être une merde terrible. Mais au moins, en 2017, c'est Marine qui sera élue", prédit Dominique, 60 ans, qui tient une bijouterie à Villeneuve-lès-Avignon. "Dans le Gard", n'oublie-t-elle pas de préciser, seul département à avoir placé Marine Le Pen en tête au premier tour. "J'y ai cru en 2007, j'ai voté Sarkozy, mais il n'a rien fait, déplore-t-elle. Savez-vous que chez nous, des villes comme Beaucaire ou Saint-Gilles sont à majorité musulmane ?" Un peu plus loin, Mathieu, 24 ans, fonctionnaire au centre des impôts de Bellegarde (Ain), votera blanc, lui aussi. "Entre les deux, je préférerais encore Hollande. Ça ne sera pas mieux avec lui, mais au moins cela créera des opportunités pour Marine", veut-il croire.
"Le mariage homo, c'est dégueulasse !"
Parier sur une défaite de Nicolas Sarkozy pour mieux régner sur une droite décomposée ? Quelques-uns, moins nombreux, ne sont pas des inconditionnels de la stratégie qui semble se dessiner au Front national : "Il y a des idées qui sont inacceptables, comme l'euthanasie", tranche Thibaut, 41 ans, un grand blond, père de cinq enfants. Et quand il évoque "le mariage homo", son fils de 9 ans, sur sa trottinette, complète de lui-même : "C'est dégueulasse !" Contrairement au second tour de 2007, Thibaut votera donc pour Nicolas Sarkozy, qui a au moins le mérite de s'opposer à ces deux propositions du candidat socialiste.
Lorsque Marine Le Pen, à la tribune, dévoile qu'elle votera blanc "à titre personnel", certains sympathisants quittent le rassemblement, déçus. "Il y a des enjeux qui mériteraient de voter pour l'une des deux personnes", se lamente un jeune homme d'une vingtaine d'années tiré à quatre épingles. Sous-entendu, pour Nicolas Sarkozy.
"Elle a fait l'éloge de la République, de la laïcité et de la démocratie", critique Pierre-Hervé Castay, un ex-responsable local du FN et du MNR, qui se dit désormais plus proche du "monarchisme". "Depuis qu'elle a pris le parti, elle a beaucoup infléchi le discours de son père", relève-t-il, regrettant qu'elle n'ait pas cité une fois le nom de son propre parti. "Visiblement, elle préfère le Rassemblement bleu Marine. C'est d'un mégalo..."
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