Le Foat, nouveau joujou des spéculateurs sur la dette française ?
Un nouveau produit financier va permettre aux investisseurs de se protéger contre les risques du marché et de spéculer plus facilement. Alors que des politiques s'insurgent, quels sont les risques ?
Il s'appelle Foat et il est à peine né qu'il s'est déjà fait plein d'ennemis. Emis par la société allemande Eurex pour la première fois lundi 16 avril, ce produit financier permet de spéculer plus facilement sur la dette française. Il évoluait en légère baisse de 0,2% lundi en début de séance.
Un "nouveau coup de force de la finance contre notre pays", dénonce Jean-Luc Mélenchon. "Le retour du casino boursier", juge de son côté Pascal Durand, porte-parole d'Europe Ecologie - Les Verts. François Hollande a appelé les autorités allemandes à empêcher l'émission de ce produit. Les politiques ont-ils raison de s'alarmer ?
Se couvrir des risques liés à la dette française
Foat veut dire "future sur les obligations assimilables du Trésor". Vous avez l'impression que ce n'est pas français et qu'il y a des fautes d'orthographe ? Explications.
Les obligations assimilables du Trésor (OAT) sont des parts de la dette française. De son côté, un "future" est un contrat à terme. C'est-à-dire un instrument qui permet de fixer à l'avance le prix d'achat ou de vente d'un bien ou d'un actif financier. L'intérêt est de se protéger des fluctuations du marché. Les Foat permettent donc aux investisseurs de se couvrir contre les variations du prix des obligations de l'Etat français.
Or, il n'est pas nécessaire de détenir des OAT pour acheter des Foat, donc on peut parier sur ce qu'on n'a pas, y compris à la baisse. On appelle cela des ventes à découvert.
Spéculation bon marché
Il sera désormais plus facile de spéculer sur l'évolution des taux d'intérêts de la dette française. "Tout le monde ou presque pourra acheter ou vendre à découvert des emprunts d'Etat Français", explique Marc Fiorentino, président d'Euroland Finance, dans un édito. Avec une mise de départ minime, les investisseurs pourront gagner beaucoup, rappelle-t-il.
D'où la crainte d'attaques contre la dette française, qui pourraient accroître les taux d'intérêts auxquels Paris emprunte. "Si je suis un investisseur et que je pense que la France n'emprunte pas assez cher, je vais vendre de la dette française à découvert et son prix va baisser. Les taux d'intérêts montent alors automatiquement", analyse Marc Fiorentino pour FTVi.
Un surcroît de liquidités qui pourrait être favorable à la France
Mais pour les partisans de Foat, rapporte Libération, ce type de produits rend le marché de la dette plus "liquide" et peut au contraire contribuer à faire baisser les taux d'intérêts. "La liquidité accrue pourrait attirer de nouveaux intervenants sur les OAT et l'Agence France Trésor [qui place ces emprunts auprès des investisseurs] a tout à y gagner", souligne ainsi un "professionnel du marché de la dette" interrogé par La Tribune.
"Pas un truc important", selon un économiste
D'autres spécialistes relativisent la portée de ce nouveau contrat dans la mesure où les marchés disposaient déjà d'outils pour spéculer sur la dette, comme les credit default swaps (sorte d'assurance sur les défauts de paiement).
"Les financiers avaient déjà tous les instruments qu’il fallait pour spéculer avant. Ce n'est qu'un instrument qui se rajoute à la liste", souligne Christian Chavagneux, rédacteur en chef adjoint du mensuel Alternatives Economiques. "Pour les professionnels, ce n'est pas un truc important", enchérit Jean-Paul Pollin, du Cercle des économistes.
En attendant, des voix se sont élevées pour dénoncer l'arrivée d'un tel instrument en pleine campagne présidentielle. Jean-Pierre Jouyet, président de l'Autorité des marchés financiers, a lui-même jugé dans Les Echos que le timing était mauvais. "Le moment est inopportun, compte tenu de l'élection présidentielle en France, et des tensions sur les taux espagnols constatés en début de semaine [dernière]. Cela sous-entend qu'il y a un risque sur la dette française, puisque ce contrat donne la possibilité aux investisseurs de se couvrir. C'est un message négatif et quelque soit le résultat des urnes."
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