Xi Jinping est officiellement le nouveau président chinois
Il a été élu jeudi à la présidence de la République de Chine, et tient désormais tous les leviers du pouvoir entre ses mains pour les dix prochaines années.
Secrétaire général du Parti communiste, chef des armées, et enfin président de la République populaire de Chine. Le Parlement chinois a élu, à 99,86% des voix, Xi Jinping à la présidence du pays, jeudi 14 mars. Le nouveau numéro 1 chinois tient désormais tous les leviers du pouvoir entre ses mains, quatre mois après le Congrès du parti qui l'a propulsé à la tête du régime.
Au cours de ces premiers mois, celui qui dirigera le nouvel exécutif chinois pour les dix prochaines années a multiplié annonces et visites officielles aux quatre coins du pays pour tracer les grandes lignes de son mandat. Que nous disent ses premiers pas sur l'avenir de la Chine ? Eléments de réponse.
Un leader "normal"
Pas de tapis rouge, de banquets extravagants, d'encombrantes mesures de sécurité ni de routes barrées. Dès son premier déplacement hors de Pékin, début décembre à Shenzhen (sud de la Chine), Xi Jinping s'est affiché en numéro un "normal", simple et discret. Il a même pris un bain de foule et serré quelques mains, un exercice rare dans un pays où les apparitions publiques sont d'ordinaire extrêmement chorégraphiées.
Il a entretenu cette image en recommandant aux officiels de réduire leur train de vie. Le menu de l'un de ses dîners, composé de "quatre plats et une soupe", a été publié par l'agence officielle Chine nouvelle et abondamment commenté sur les réseaux sociaux fin décembre, rapporte le Wall Street Journal (en anglais).
"Xi Jinping a créé une nouvelle et positive atmosphère politique en Chine (...). Il s'est créé une image proche des gens", observe Li Mingjiang, professeur à l'Université Nanyang de Singapour, contacté par francetv info. "Nous avons surtout vu un nouveau style, ce qui n'est pas négligeable", abonde Jean-Philippe Béja, chercheur au CNRS et à Sciences Po. Le sinologue, qui vit à Pékin, relativise cependant l'originalité du geste. "Cette frugalité avait été lancée au départ par Hu Yaobang [secrétaire général du parti de 1981 à 1987]. Ce n'est pas nouveau", explique-t-il.
Cet affichage ne doit pas non plus faire oublier les prestigieuses et coûteuses études menées à Harvard (Etats-Unis) par la fille unique du futur président et la fortune amassée par sa famille ces dernières années, plus de 2 milliards de dollars (1,5 milliard d'euros) selon une enquête de Bloomberg (en anglais).
Une énième campagne anticorruption
Autre levier classique actionné par Xi Jinping dès son arrivée au pouvoir, la lutte contre la corruption. Sous sa supervision, une nouvelle campagne a été lancée, avec à la clé une douzaine d'arrestations. En demandant aux cadres de réduire leurs dépenses somptuaires et en procédant à quelques interpellations, "il s'attaque aux manifestations de la corruption, pas à la corruption elle-même", regrette Steve Tsang, professeur d'études chinoises contemporaines à l'université de Nottingham (Royaume-Uni), contacté par francetv info.
"Il prend probablement le problème de la corruption au sérieux, mais je ne pense pas qu'il puisse le résoudre", analyse pour francetv info Bo Zhiyue, chercheur à l'Université de Singapour. "Tout le monde est corrompu par défaut (...). Si vous essayez de vous débarrasser de tous les officiels corrompus, vous n'avez plus personne pour gouverner le pays", poursuit-il.
De fait, la lutte contre la corruption est assurée à l'intérieur du parti, par des officiels subordonnés au secrétaire du parti, à chaque échelon (canton, province, national). Le poids des intérêts, à la tête du parti comme dans les puissantes entreprises d'Etat, freine également toute vélléité de changement.
Oui à la réforme, mais dans le cadre du parti unique
Lors de son premier voyage à Shenzhen, la ville symbole de l'ouverture économique chinoise, Xi Jinping s'est engagé à poursuivre les réformes. Il n'y aura "aucun arrêt dans la réforme et dans l'ouverture", a-t-il assuré, comme le rapporte Le Quotidien du Peuple.
Fin février, il adresse un signe aux libéraux en estimant qu'"aucune organisation ou individu ne doit être au-dessus de la Constitution et de la loi". Une prise de position qui ne va pas de soi dans un régime où une organisation, le parti, se trouve précisément au-dessus de la loi. La fin annoncée des camps de rééducation par le travail (laojiao, à ne pas confondre avec le laogai, camp de réforme par le travail) est également perçue comme un signe positif.
Il ne faut cependant pas surinterpréter ces annonces. "Tout le monde est obligé de parler de réforme, nous sommes dans la période de réforme depuis 1978", relativise Jean-Philippe Béja. "La réforme n'a pas pour but de mettre en place une démocratie ou un Etat de droit, souligne Steve Tsang. Le Parti communiste va utiliser la loi comme bon lui semble pour maintenir son pouvoir." Des réformes de gouvernance seront probablement introduites, mais elles ne modifieront pas la nature profonde du régime.
"Xi Jinping n'a donné aucun signe montrant qu'il envisage ou qu'il est prêt à autoriser des partis d'opposition. Je ne pense pas qu'il le fera dans les dix prochaines années", observe Bo Zhiyue, alors que certains comparent déjà Xi Jinping à Chiang Ching Kuo (article en anglais), le président qui a démocratisé Taïwan.
Même la fin annoncée du laojiao est à prendre avec précaution. En 2003, l'équipe précédente avait mis fin aux centres de détention et de rapatriement, où étaient détenus notamment les pétitionnaires, ces Chinois des campagnes venus à la ville pour se plaindre auprès des autorités. Aujourd'hui, les centres ont été remplacés par des prisons clandestines.
Si certains intellectuels ont interpellé Xi Jinping sur les droits de l'homme début mars, le nouveau président n'est de toute façon pas attendu sur ces sujets par l'opinion publique chinoise. Cette dernière est bien plus préoccupée par l'environnement, la sécurité alimentaire, la corruption, le passeport intérieur, la politique de l'enfant unique ou les prix de l'immobilier.
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