La hausse du coût du nucléaire, inévitable pour la Cour des comptes
Selon un rapport, les frais d'entretien devraient représenter 3,7 milliards d'euros par an jusqu'en 2025. Une forte hausse par rapport à la période 2008-2010.
La Cour des comptes a présenté mardi 31 janvier un rapport très attendu sur les coûts réels de la filière nucléaire en France. Il révèle notamment que les frais annuels d'entretien du parc devraient doubler jusqu'en 2025. La ministre de l'Ecologie, Nathalie Kosciusko-Morizet, a souhaité que soit réalisé un "audit" pour contrôler les devis de démantèlement des centrales nucléaires, conformément à l'avis de la Cour.
Dans une interview au Monde.fr, le premier président de la Cour, Didier Migaud, souligne par ailleurs les "nombreuses incertitudes" qui subsistent sur le démantèlement, la gestion des déchets et la prolongation de la durée de vie des 58 réacteurs d'EDF.
• Ce que dit le rapport
Les frais de maintenance du parc devraient s'accroître sur la période 2011-2025, pour représenter 3,7 milliards d'euros en moyenne par an, soit plus du double des montants dépensés entre 2008 et 2010. Cette hausse devrait peser sur le coût global de la production d'électricité nucléaire. Un coût qui sera également touché dans une moindre mesure par les charges futures liées au démantèlement des centrales et aux déchets radioactifs. Les Sages ont jugé ces dernières "incertaines par nature", du fait des inconnues concernant le démontage des centrales et la gestion des déchets.
Sans vouloir rentrer dans le débat autour de la part du nucléaire dans la palette énergétique nationale, la Cour a toutefois prévenu que le non-prolongement des réacteurs d'EDF au-delà de 40 ans nécessiterait "un effort très considérable d'investissement équivalent à la construction de 11 EPR d'ici 2022", ce qui lui paraît "très peu probable, voire impossible".
Selon la Cour des comptes, la filière nucléaire française a déjà coûté 228 milliards d'euros en investissements publics et privés depuis son démarrage. Quant à la construction du parc actuel de 58 réacteurs, elle a atteint 96 milliards d'euros.
• L'impact sur un enjeu de la campagne présidentielle
"Le nucléaire reste, même avec ces incertitudes, une énergie relativement peu chère", a déclaré mardi sur France 2 la ministre de l'Ecologie, Nathalie Kosciusko-Morizet, alors que le gouvernement entend poursuivre l'exploitation du nucléaire.
La candidate écologiste à la présidentielle, Eva Joly, a estimé au contraire que le rapport est un "document vérité" qui va "bouleverser l'idée que l'énergie nucléaire est une énergie pas chère".
"Ce rapport fera date car il confirme le coût faramineux du nucléaire futur", a affirmé au Parisien.fr l'adjoint vert au maire de Paris Denis Baupin. A cause des travaux de rénovation sur les réacteurs et de la construction de réacteurs de nouvelle génération EPR, "le coût du kWh produit sera près de deux fois plus élevé que le prix artificiel actuel", selon l'élu.
Les conclusions de la Cour interviennent alors que l'opportunité de fermer certaines centrales ou de prolonger leur durée de vie s'est imposée comme un sujet majeur du débat de la campagne électorale. Le candidat socialiste, François Hollande, s'est engagé à fermer la centrale nucléaire de Fessenheim (Bas-Rhin), la plus ancienne ; il souhaite en outre ramener la part de l'électricité nucléaire en France de 75 % à 50 % à l'horizon 2025.
• La Cour des comptes pour dépassionner le débat
Missionnée en mai 2011 par le Premier ministre, François Fillon, la Cour des comptes devait chiffrer pour la première fois l’intégralité des coûts de l’atome civil en France. Alors que les écologistes critiquent régulièrement les chiffres publiés par EDF ou les pouvoirs publics, la Cour a notamment intégré les dépenses passées et futures liées au démantèlement des centrales, au recyclage des combustibles et au stockage des déchets - autant de données souvent oubliées.
Le 13 février, un rapport doit par ailleurs être remis au ministre de l'Energie, Eric Besson. Selon Mediapart (article payant), il devrait privilégier un scénario de prolongation du parc français, jugé le moins coûteux.
• Le CEA chiffre le coût d'une sortie complète du nucléaire
Quelques heures avant la publication du rapport de la Cour des comptes, l'administrateur général du Commissariat à l'énergie atomique (CEA), Bernard Bigot, a affirmé dans Les Echos que la sortie complète du nucléaire d'ici à 2025 coûterait 530 à 772 milliards d'euros, soit environ le triple d'un scénario de statu quo.
Le scénario de "sortie", qui s'appuierait sur 60 % d'éolien et 40 % de solaire, d'hydraulique et de gaz, donnerait un prix de l'électricité de 124 euros le mégawattheure en 2025, soit le double du scénario "nucléaire".
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