Le PSG maîtrise-t-il enfin la communication de crise ?
Après la défaite contre Rennes samedi, l'entraîneur du PSG a évoqué la "crise" que traverse son club. Enfin une approche réfléchie ?
FOOT - "Oui, il y a une crise, je n'ai pas peur de le dire." La déclaration de Carlo Ancelotti, l'entraîneur du PSG après la deuxième défaite à domicile consécutive du club, lors de la 13e journée du championnat, samedi 17 novembre, a le mérite de la clarté. Comme les feuilles mortes, les articles évoquant le retour de la crise de novembre au sein du club parisien se ramassent à la pelle. En devançant les unes vengeresses, le PSG a-t-il fait l'économie d'une vraie crise ?
Du bon usage du mot "crise"
Reconnaître la crise, c'est la désamorcer à moitié : dans le livre La Communication de crise, de Thierry Libaert, le PSG est même cité en exemple à la page 59. Mais l'auteur fait référence à l'époque Charles Biétry, en 1998-99, quand le club parisien était englué dans le bas du tableau. Carlo Ancelotti s'est peut-être précipité : son club se trouve encore 3e du championnat, un classement honorable, toujours devant l'OM, et en bonne voie pour se qualifier pour les 8es de finale de la Ligue des champions.
"Le terme de crise est beaucoup trop fort, explique à francetv info Laurent Vibert, directeur du cabinet de gestion de crise Comcrise. Une crise, c'est une rupture d'équilibre qui empêche un organisme de fonctionner. La déclaration d'Ancelotti, c'est comme si le commandant d'un paquebot qui avait un léger problème de moteur faisait une annonce au micro pour annoncer que le navire va couler." Reste que "mauvaise passe", "coup de moins bien" et autres synonymes se sont moins fortement imposés dans le vocabulaire sportif, ainsi que dans l'inconscient collectif. Ce qui se passe au PSG, c'est avant tout "une crise émotionnelle", veut croire le communicant Olivier Cimelière.
"C'est ce que j'aurais conseillé à Ancelotti de faire"
En communication, parler aussi négativement si tôt dans la saison, au tiers du championnat, est une erreur pour Laurent Vibert. "Il faut parler en termes d'objectifs en sport. Ancelotti ne ramène pas les supporters du PSG et les Parisiens en général autour de lui en disant quelque chose du genre : 'Je sais que ça ne fonctionne pas, mais nous allons prendre telle et telle mesure pour atteindre nos objectifs.' Il utilise une stratégie d'isolement et de fragilité." Une analyse contredite par Olivier Cimelière, interrogé par francetv info : "L'attitude d'Ancelotti est plutôt maligne. Il reconnaît les problèmes, promet d'y remédier, et empêche les médias de spéculer. Au PSG, si on choisit trop longtemps la stratégie du silence, quelqu'un se charge de parler pour vous en off, et rarement à bon escient. Si j'avais été directeur de la com du PSG, c'est ce que j'aurais conseillé à Ancelotti de faire."
L'utilisation du mot "crise" par l'entraîneur parisien, qui maîtrise bien le français, prend un sens particulier au PSG. La "crise de novembre" du club de la capitale est un classique du journalisme sportif, comme les rumeurs de transferts, les revalorisations salariales de Cristiano Ronaldo ou l'extase générale sur le beau jeu du FC Barcelone. Pourtant, c'est très exagéré : le site spécialisé Poteau rentrant montre, statistiques à l'appui, que les symptômes de la crise apparaissent en novembre, mais qu'elle s'éternise tout au long de l'hiver.
Professionnels sur le terrain, amateurs en dehors ?
Le PSG et les médias, c'est une bien longue histoire. L'arrivée des Qataris n'y a rien changé. Avec le temps et les manchettes annonçant la crise, le club est devenu paranoïaque : dans les années 2000, les dirigeants du club ont ainsi plusieurs fois demandé à des spécialistes de traquer d'éventuels micros cachés dans la salle du conseil d'administration ; les joueurs se sont livrés à la chasse à la taupe du vestiaire ou à un véritable interrogatoire des journalistes du Parisien. L'équipe avait même surnommé l'attaché de presse du club "le collabo" en 2010-11, souligne le livre PSG Confidentiel.
Stars, buzz permanent... le contexte particulier dans lequel baigne le club parisien n'aide pas à trouver la sérénité. Ancien président du club, Alain Cayzac, reconverti en consultant en communication de crise, est revenu sur son expérience à la tête du PSG sur Décideurs.tv en juin : "La crise est permanente car on remet son titre en jeu tous les trois jours [à chaque match]. Et il y a la crise car il y a une hypermédiatisation des clubs de football dans des villes comme Paris ou Marseille. Dès qu'il se passe quelque chose, c'est monté en épingle." Dans son article consacré à ce nouvel épisode au PSG, Le Parisien évoque ainsi "l'affaire de la place de parking d'Ibrahimovic", passée complètement inaperçue quand le club parisien survolait la L1.
"Le PSG, c'est comme la SNCF, il est en situation de crise permanente, analyse Laurent Vibert. A la SNCF, il y a une cellule de crise capable de gérer les situations 24 heures sur 24. Le PSG, constamment sous le feu des projecteurs, devrait s'attarder sur sa communication lors des période sensibles, l'intellectualiser. Qu'est-ce qu'on fait ? Quels sont les mots pour le dire ? Là, on est dans la réaction épidermique." De là à donner aux joueurs des éléments de langage pour les interviews d'après-match, comme en équipe de France sous Laurent Blanc ?
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