Athlétisme aux JO de Paris 2024 : avec seulement une médaille individuelle, le sprint jamaïcain en perte de vitesse

Avant les relais vendredi, Kishane Thompson, vice-champion olympique du 100 m, a remporté la seule médaille jamaïcaine sur le sprint. L'absence de podium chez les femmes est une première depuis 1976.
Article rédigé par Anaïs Brosseau - envoyée spéciale au Stade de France
France Télévisions - Rédaction Sport
Publié
Temps de lecture : 4 min
La Jamaïcaine Tia Clayton, à l'issue des séries du relais 4x100 m, le 8 août 2024. (PETR DAVID JOSEK/AP/SIPA)

Sur la piste violette du Stade de France et encore plus sur les podiums, les tuniques vertes et jaunes de la Jamaïque se sont faites rares durant les épreuves de sprint des Jeux olympiques à Paris. Avant les finales des relais 4x100 qui se courront sans les Jamaïcains, vendredi 9 août, l'île des Caraïbes ne compte qu'une seule médaille sur le sprint : l'argent de la sensation Kishane Thompson, sur la ligne droite.

Pour la première fois depuis les Jeux de Montréal, en 1976, aucune Jamaïcaine n'est montée sur l'une des trois marches du podium olympique sur le 100 et le 200 m. Pire, sur le demi tour de piste, aucun représentant de ce pays n'a pu s'installer dans les starting-blocks en finale, chez les femmes comme chez les hommes.

Le contraste est saisissant avec les derniers JO. En 2021, dans l'enceinte vide tokyoïte, les Jamaïcaines avaient signé un incroyable triplé sur le 100 m, avec ses flèches Elaine Thompson-Herah, Shelly-Ann Fraser-Pryce et Shericka Jackson. L'exploit avait déjà eu lieu à Pékin en 2008. Comme à Rio quatre ans plus tôt, Elaine Thompson-Herah avait même doublé la mise à Tokyo en s'imposant sur le 200 m. Et l'équipe féminine jamaïcaine avait complété sa razzia avec l'or sur le 4x100 m.

Une génération vieillissante

Mais cette lignée de sprinteuses brillantes vieillit. "Les bons résultats, c'est toujours par vague. Cette vague a passé l'âge du pic de forme en carrière. Shelly-Ann Fraser-Pryce et Elaine Thompson-Herah sont de plus en plus souvent blessées, observe Pierre-Jean Vazel, ancien entraîneur de Christine Arron et passionné de statistiques. C'est une génération vieillissante. Shericka Jackson aussi est là depuis plusieurs années, c'est dur pour le corps qui s'use."

A 32 ans, Elaine Thomspon-Herah n'a pas vu Paris. Blessée à un tendon d'Achille, elle a dû renoncer à s'aligner aux sélections olympiques jamaïcaines, sans pour autant faire une croix sur sa carrière. Plus jeune de deux ans, la vice-championne du monde en titre du 100 m, Shericka Jackson, avait, quant à elle, annoncé se concentrer sur le 200 m, alors même qu'elle était qualifiée sur les deux distances.

Dès lors, stupeur dimanche 4 août, lorsque le couloir de la championne du monde en titre du demi tour de piste est resté vide dès les séries du 200 m. La veille déjà, Shelly-Ann Fraser-Pryce, 37 ans, n'avait pas pris le départ de la demi-finale du 100 m. Dans les deux cas, les sprinteuses jamaïcaines n'ont pas précisé la raison de leur absence.

"C'est un concours de circonstances que les trois meilleures sprinteuses jamaïcaines, et du monde, se sont blessées en même temps."

Pierre-Jean Vazel, entraîneur

à franceinfo: sport

Derrière les trois leaders du sprint jamaïcain féminin, les jeunes n'ont pas pris leur place. En finale de la ligne droite, la très jeune représentante de la Jamaïque Tia Clayton, 19 ans, a terminé 7e, en 11"04, à distance de la championne olympique Julien Alfred (10"72). Chez les hommes, depuis la retraite en 2017 d'Usain Bolt, la nouvelle génération des sprinteurs jamaïcains peine aussi à émerger. Aux Jeux de Tokyo, la Jamaïque était repartie avec un zéro pointé côté masculin sur le sprint (100, 200, 4x100). En 2023, aux Mondiaux de Budapest, Oblique Seville avait terminé au pied du podium sur le 100 m, après avoir impressionné lors des demies. Mais l'équipe masculine avait glané le bronze sur le relais 4x100 m.

Creux générationnel mais immense réservoir

"Oblique Seville n'est pas assez mûr pour gagner une médaille dans un grand championnat, prédisait Pierre-Jean Vazel, avant la finale du 100 m que le Jamaïcain a terminé à la 8e place. Mais Kishane Thompson arrive. Il représente une nouvelle vague."  L'entraîneur tricolore rappelle que l'île caribéenne possède "un réservoir énorme" chez les juniors grâce aux championnats des écoles.

"On assiste à un creux générationnel. Mais les jeunes sont toujours là. Parfois, il y a de mauvaises dynamiques au niveau mondial et local", souligne Pierre-Jean Vazel, qui fait remarquer que la Jamaïque avait déjà connu un pic de médailles sur 400 m en 1948 et 1952, avant de connaître un creux dans les années 1960, puis de revenir au premier plan en 1968. Quand Usain Bolt remporte son premier titre olympique en 2008, la Jamaïque n'avait plus gagné de breloque, côté masculin, sur 100 et 200 m depuis 1980. "Là, je ne pense pas que la disette va durer", estime Pierre-Jean Vazel.

Pour redorer le blason, la Jamaïque aura une dernière occasion de briller, lors de la finale du relais 4x100 m féminin, vendredi 9 août. Les femmes se sont qualifiées avec le cinquième temps, en l'absence de Shericka Jackson et Shelly-Ann Fraser-Pryce. L'équipe masculine a, quant à elle, échoué à rejoindre la finale.

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