Paris 2024 : trois places pour six favoris, le casse-tête des Bleus du BMX Race
“J’ai la meilleure équipe du monde, mais je ne peux en emmener que la moitié aux JO…” Interrogé fin avril au bord de la piste olympique de BMX Race de Saint-Quentin-en-Yvelines, Julien Sastre affichait un sourire crispé. Et pour cause, celui qui dirige les pilotes tricolores depuis dix ans se retrouve face à un choix cornélien, en amont des Jeux de Paris : celui des trois hommes qu’il alignera au départ de la course olympique. Avec les Mondiaux, qui débutent à Rock Hill (Etats-Unis) le dimanche 12 mai, les prétendants ont une chance de marquer de gros points.
La France est au BMX Race ce que le Kenya est au marathon, ou l’Autriche au ski alpin : la nation référence. Ainsi, lors des derniers championnats du monde de Glasgow, sur les sept Tricolores au départ, cinq ont rallié la finale (sur huit places) avant un triplé historique. Dès lors, ne pouvoir aligner que trois coureurs aux Jeux olympiques représente, de fait, plusieurs chances de médailles en moins avec des pilotes qui auraient pu jouer l’or, mais qui vont rester à la maison.
Une anomalie à réparer
D’autant que, depuis l’épreuve olympique de Tokyo en 2021, Julien Sastre sait que placer trois coureurs en finale ne garantit pas la médaille… Pour autant, le sélectionneur préfère positiver : “Je suis honoré et fier d’être dans cette situation. Ce n’est pas le cas des autres nations, en toute humilité. On a le privilège d’avoir le choix, même si, humainement, c’est un casse-tête, il faut arriver à prendre du recul.” Une attitude de tous les instants pour lui.
"Si l'un des nôtres est champion du monde à Rock Hill le 18 mai, cela ne voudra pas forcément dire qu’il sera aux JO en juillet."
Julien Sastre, sélectionneur des Bleusà franceinfo: sport
Pour les Mondiaux 2024, six Bleus ont été retenus, dont le champion du monde en titre Romain Mahieu, et les deux autres étendards tricolores : Joris Daudet et Sylvain André. Trois noms qui partent avec une longueur d’avance pour la sélection olympique, basée sur les performances accumulées depuis juin 2023. “J’ai plein de tableaux Excel dans mon ordinateur…”, sourit Julien Sastre.
“On regarde la capacité à gagner au plus haut niveau, à faire des podiums régulièrement. Certaines courses retiennent plus mon attention, comme les Mondiaux, les manches en France, ou celles sur des pistes qui ressemblent à celle des JO. Mais le métier dépasse le sportif, il y a tout une dimension humaine qui ne rentre pas dans un tableau Excel.”
Il reste donc attentif au collectif dans ce sport individuel où l’on s’entraîne en équipe. "Ce qui ne veut pas dire pour autant qu’on se tire dans les roues en dehors, au contraire, assure Sylvain André, quatrième aux JO de Tokyo. La concurrence est intense, mais saine. Justement, ça nous tire vers le haut. Nous, les plus anciens, ça nous oblige à hausser le niveau minimal de performance, ça nous pousse à rester dans le coup, à ne jamais se reposer sur nos lauriers. Des fois, c’est fatigant d’ailleurs (rires).”
Une seule Bleue aux Jeux
Un discours repris par Joris Daudet, double champion du monde de la discipline : “Si on est les meilleurs mondiaux chez les hommes, c’est aussi parce qu’on a su transformer cette concurrence en une force, à l’entraînement et en dehors. On se sert de cette intensité pour arriver affûtés, aguerris sur les courses.” Mais le natif de Saintes avoue : “Sur la piste, en revanche, personne ne peut nous dire de laisser passer ou de bloquer quelqu’un, ça reste un sport individuel.”
"Chacun roule pour sa peau, même si on prend peut-être moins de risques si c’est un Français devant. Après, s’il y a de la place de passer… Mais on ne roulera pas en équipe, non. L’équipe, c’est en dehors de la piste."
Joris Daudet, double champion du mondeà franceinfo: sport
Peu importent les noms cochés pour les JO, l’objectif sera de toute façon le même pour tous : la plus haute marche. “On ne crache sur aucun métal, mais on sait qu’on doit ramener l’or”, assume Julien Sastre, qui n'ignore pas que les Bleus doivent mettre fin à leur malédiction olympique chez les hommes. Car si la France domine la discipline, aucun de ses pilotes n’a remporté le titre olympique en quatre éditions. Seule l’équipe de France féminine a réussi à accrocher l’or et l’argent à Pékin en 2008, grâce à Anne-Caroline Chausson et Laëtitia Le Corguillé.
Une époque dorée pour les Bleues, mais révolue. A Paris, cet été, seule Axelle Etienne sera en lice. “Force est de constater que ce qu’on a mis en place chez les hommes ne marche pas chez les femmes, concède Julien Sastre. Mais Axelle était finaliste à Tokyo, c’est la super guerrière de cette équipe, puisqu’elle est passée en enfer deux ans, avec deux blessures de suite. On croit en elle.” Comme ses compatriotes masculins, avec lesquels elle s’entraîne, Axelle Etienne aura la pancarte de favorite.
"C’est normal. C’est ainsi depuis deux ans. Quand on arrive sur une course, on sait qu’on est les favoris et que l’un de nous va sûrement gagner", assume Romain Mahieu. Reste toutefois à savoir qui sera au départ côté français. L'annonce officielle sera faite le 5 juin, Julien Sastre préférant "prendre le temps de décider à froid, après les Mondiaux". En attendant la moisson de médailles espérée aux Jeux olympiques, les Bleus espèrent en faire une aux Mondiaux, sorte de répétition générale, lors de leurs courses les 17 et 18 mai.
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