Reportage BMX aux JO de Paris 2024 : dans les coulisses du triplé d'anthologie des pilotes français, qui ont "marqué les Jeux"

Pour la première fois depuis un siècle, des Français ont signé un triplé dans une épreuve olympique en BMX Racing, vendredi.
Article rédigé par Adrien Hémard Dohain - à Saint-Quentin-en-Yvelines
France Télévisions - Rédaction Sport
Publié
Temps de lecture : 5 min
Sylvain André, Joris Daudet et Romain Mahieu, les trois médaillés français en BMX Racing le 2 août, aux JO de Paris 2024. (AFP)

"On a marqué l’histoire du BMX et aussi des Jeux olympiques". Drapeau tricolore déposé sur ses épaules, médaille d'or autour du cou, Joris Daudet pèse ses mots. Au pied de l'aire de départ du stade de BMX de Saint-Quentin-en-Yvelines, la nuit est tombée, mais les yeux du nouveau champion olympique de BMX Racing scintillent. Et pour cause, le Bordelais vient tout juste de descendre d'un podium sur lequel il était entouré de ses compatriotes et amis Sylvain André, médaillé d'argent, et Romain Mahieu, en bronze.

"On a réussi à faire quelque chose d’historique. Incroyable. Tout s’est passé comme on le souhaitait devant ce public de fou", savourait Joris Daudet, encore incrédule de ce triplé inédit aux Jeux d'été pour la France depuis 1924 : "A l’arrivée, je me suis retourné, j’ai vu Sylvain qui criait puis Romain aussi. J’ai tout de suite réalisé qu’on avait fait le triplé. On a couru vers le public. Toutes ces années de travail en 30 secondes, c’est dur de réaliser..."

Le traumatisme de Tokyo

Les yeux embués d'émotion, l'entraîneur principal des Bleus, Julien Sastre, appréciait tout autant le moment : "Il fallait au moins ce triplé pour essayer [de faire en sorte] qu’on parle un peu de nous en face de Teddy Riner et Léon Marchand..." Justement, comme pour Teddy Riner ou Léon Marchand, on manquait de superlatifs pour décrire la performance des Tricolores qui, malgré leur statut de nation référence de la discipline, n'avaient jamais confirmé aux Jeux. L'échec de Tokyo, où les trois médaillés de Paris avaient disputé la finale sans prendre de médaille, restait d'ailleurs encore en travers de la gorge de Julien Sastre, trois ans plus tard.

"On parlera toujours de Tokyo, qui restera une plaie ouverte à jamais. Parce que sans l'échec de Tokyo, on n’aurait peut-être pas eu ce triplé à Paris, chez nous."

Julien Sastre, entraîneur des Bleus

à franceinfo: sport

En vérité, Julien Sastre ne doutait plus. Depuis de long mois, déjà, l'entraîneur principal des pilotes français répétait que ses troupes seraient au rendez-vous à Paris. A quelques minutes des demi-finales, il glissait d'ailleurs un petit SMS : "On va le faire !" Rapidement, on a compris que oui. Déjà intraitables en qualifications la veille, Joris Daudet, Sylvain André et Romain Mahieu ont à nouveau plané sur les demi-finales.

"De la fin de la demie à la finale, il n’y a pas eu un mot : chacun a fait son truc et c’est ça qui est beau, parce que dès la première ligne droite on a compris que c’était pour nous trois. On va rester à trois et bloquer la course", rejouait Sylvain André après coup, la médaille d'argent dans les mains : "J’ai été remplaçant deux fois, quatrième, je connais ce sentiment qui pue la m... Alors là, je profite : on a marqué une putain de page dans l’histoire. A jamais les premiers !"

Mahieu-Sakakibara, le couple en bronze et en or

Ultra-dominateurs, à l'image de ce qu'ils font le reste de la saison loin des radars médiatiques, les Bleus ont reproduit l'exploit des Mondiaux 2023 de Glasgow, à savoir privatiser le podium. "Nos pilotes sont les meilleurs du monde, en toute humilité. Dites-vous que notre remplaçant, Arthur Pilard, est vice-champion du monde 2023, champion d’Europe cette année...", rappelait Julien Sastre (qui n'avait le droit d'emmener que trois pilotes à ces Jeux), tout heureux de "rembourser toutes les médailles qu’on n’a pas eues jusqu’ici". Preuve de cet esprit collectif qui règne dans le monde du BMX, Arthur Pilard, bien que remplaçant, était d'ailleurs présent.

"J’étais bien plus stressé en tribunes. Je suis allé les voir avant la finale pour leur toucher un mot chacun, et je suis retourné en tribunes. Mon travail, c'était de les accompagner en préparation. Une fois ici, mon job était fait.”

Arthur Pilard, pilote français

à franceinfo: sport

Un esprit d'équipe qui a été la clé du travail de Julien Sastre, tête pensante de ce groupe France traumatisé par l'échec de Tokyo, mais qui a su se reconstruire pour atteindre l'apothéose, trois ans plus tard, à Paris, dans une ambiance volcanique. "On aurait pu avoir un stade avec 10 000 places de plus, c'était le feu", souriait ainsi Sylvain André, alors que le public revisitait un célèbre air de 1998 : "Et 1, et 2, et 3 Français !" Le début d'une longue fête, incluant le pot de départ de Julien Sastre, prévu de longue date.

"Il sera aussi arrosé que prévu", promettait, hilare, le boss des Bleus, submergé par l'émotion : "Joris le mérite tellement, de par sa carrière. Les deux autres aussi, ils sont majestueux, mais Joris, pour son œuvre, c’est le meilleur pilote de tous les temps. C’est fait, plus jamais personne ne pourra nous l’enlever. J’ai le cœur qui explose". Le cœur du sélectionneur n'était pas le seul à cogner très fort dans la poitrine. Médaillé de bronze aux côtés de ses deux amis, Romain Mahieu vivait lui un bonheur indescriptible, en voyant sa compagne être sacrée championne olympique dans la foulée.

"Je n’ai pas eu le temps de passer la ligne d’arrivée qu’elle partait direct après. J’ai versé ma larme sur son podium alors que je n’en ai pas versé pour moi... Je suis super content pour elle, pour moi, pour l’équipe, pour le BMX. C’est comme dans un rêve."

Romain Mahieu, médaillé de bronze

à franceinfo: sport

Un bonheur immense, à l'image de celui du BMX tricolore, qui n'avait plus goûté aux médailles olympiques depuis le doublé d'Anne-Caroline Chausson et Laëtitia Le Corguillé en 2008, à Pékin, malgré une domination globale depuis des années. Une anomalie qui a pris fin de la plus belle des manières pour les Bleus, sur leur centre d'entraînement (remodelé pour l'occasion), et qui marquera sûrement un tournant pour le BMX en France, glisse Romain Mahieu : "J'espère que ça inspirera les générations suivantes, que ça permettra à la fédération de développer encore un peu plus cette discipline. Maintenant, on va aller fêter ça."

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