Equitation aux JO 2024 : le juge de dressage, à la recherche du mouvement juste

Ils sont sept, autour de la carrière installée dans les jardins du château de Versailles, à juger les reprises des cavaliers prenant part à l’épreuve de dressage des Jeux olympiques de Paris.
Article rédigé par Sasha Beckermann
France Télévisions - Rédaction Sport
Publié
Temps de lecture : 5 min
Les juges de dressage aux Jeux olympiques de Rio au Brésil en 2016. (JOHN MACDOUGALL / AFP)

Au menu de l'épreuve de dressage, qui débute mardi 30 juillet : de l'artistique et de la technique. Pour évaluer les cavaliers sur ces différents aspects, sept juges sont répartis autour de la carrière installée dans les jardins du château de Versailles. Comme la gymnastique, le plongeon, la natation, le break, le trampoline, ou encore le skate, le dressage comporte une note artistique. C'est la seule épreuve de l'équitation olympique dans ce cas.

Elle est évaluée sur l'enchaînement d'une série de figures à cheval, toutes plus ou moins techniques, dans une carrière de 60 mètres de long sur 20 de large. Aux Jeux olympiques de Paris, sept juges seront postés à différents endroits du "rectangle", pour noter les mouvements effectués par le cavalier et le cheval.

"A mi-chemin entre sport et art"

Le Français Raphaël Saleh sera l'un d'entre eux et portera, en plus, la casquette de président du jury. "On va regarder la manière dont les cavaliers travaillent leurs chevaux, en partant de la base. C'est-à-dire regarder les allures, leur régularité, la souplesse du cheval, la qualité du contact [le cheval accepte-t-il le mors et les actions des mains du cavalier ?], énumère-t-il. Puis, on va rentrer dans les critères propres au mouvement demandé : la volte [un cercle] fait-elle bien dix mètres de diamètre ? Le cheval va-t-il bien d'un point A à un point B ?

Le premier rôle des juges de dressage est d'établir un classement. Les reprises sont évaluées sur 100 points, chaque mouvement reçoit une note allant de 0 (s'il n'a pas été effectué) à 10. La note globale en points est convertie en un pourcentage. Aux Jeux de Tokyo, les dix premiers avaient reçu des notes qui allaient de 80,893% à 91,732% pour l'Allemande Jessica Von Bredow-Werndl, médaillée d'or. 

Les juges de dressage sont postés dans des petites cabanes au bord de la carrière, comme ici e 27 avril 2024 à Fontainebleau (Seine-et-Marne). (SASHA BECKERMANN / FRANCEINFO: SPORT)

Pour réaliser cette notation, les juges se basent sur "l'échelle de progression", un guide théorique, qui regroupe les étapes de référence pour évaluer la formation du cheval. Celles-ci vont des bases – l'allure, la décontraction – jusqu'au critère le plus avancé, le rassemblement du cheval : "C'est la capacité du cheval à prendre du poids sur les hanches, à soutenir de lui-même, à fléchir ses articulations. C'est ce qui le rend joli et facile à monter. Et ça lui donne plus de prestance", décrit Raphaël Saleh. 

"Ce qui est très important, c'est cette notion d'harmonie. Parce que le dressage, c'est à mi-chemin entre le sport et l’art."

Raphaël Saleh, juge de dressage

à franceinfo: sport

Ces critères correspondent à des notes bien précises : "Si on a un problème dans les bases, c'est-à-dire la régularité, la souplesse... On pourra difficilement être au-dessus de 6 ou 7, analyse le juge de dressage. Huit, c'est le mouvement tel qu'il est défini et il y a une certaine précision. Entre 8 et 9, tous les critères fondamentaux sont là et le cheval est précis. Entre 9 et 10, on a des qualités athlétiques du cheval qui entrent en ligne de compte."  

A chaque juge son angle d'observation

Les juges ne notent pas tous la même chose, puisqu'ils n'ont pas tous le même point de vue. Selon l'endroit où ils sont positionnés, les observations ne seront pas les mêmes. "Sur le court côté [du rectangle où s'effectue la prestation], on va plus voir et apprécier l'énergie, on aura moins la vision de l'attitude générale. Alors que sur le long côté, on va plus voir le fonctionnement, l'attitude globale du cheval. C'est pour ça qu'il faut avoir sept juges tout autour du rectangle", précise le juge français.

"Ce qui est vraiment important pour atteindre le haut niveau, c'est que ce soit joli, que ce soit harmonieux et qu'on ait l'impression que les cavaliers travaillent avec leurs chevaux."

Raphaël Saleh, juge de dressage

à franceinfo: sport

Le couple formé par le cheval et son cavalier est jugé par une note d'ensemble. Des signes physiques bien reconnaissables permettent de juger du bien-être physique et mental du cheval : "Si on a un cheval qui ouvre la bouche, qui couche les oreilles, qui fait fouetter sa queue, qui ne veut pas avancer... C'est un certain nombre de signes qui montrent que le cheval n'est pas à l'aise, qu'il n'a pas très envie avec son cavalier. Alors, il faut sanctionner." A l'inverse, de la bave autour de la bouche du cheval est souvent un signe de décontraction. 

La question de l'intelligence artificielle

Dans une discipline où la partie artistique est si importante, l'objectivité peine à trouver sa place. D'ailleurs, explique Raphaël Saleh, "avec des juges assis à un point fixe, qui ont donc un seul point de vue", c'est mission quasi impossible. Un avis que les cavaliers ne partagent pas tous. 

Pour Alexandre Ayache, les juges de dressage devraient "réussir à mettre de l'objectivité sur certaines notes". Selon le cavalier de l'équipe de France, c'est une évolution souhaitable dans son sport. Il pointe des décisions pas toujours très claires. "Si la figure 4 ne se passe pas bien, mais qu'on fait une super figure 5 et que la note ne monte pas, on ne comprend pas. En fait, les juges restent parfois un peu sur la figure 4. Après, c'est un jugement humain, forcément, ça arrive. Et si on ne l'accepte pas, on va faire du saut d'obstacles."

Alexandre Ayache aux Jeux olympiques de Tokyo, le 24 juillet 2021. (BEHROUZ MEHRI / AFP)

Pour y remédier, le dresseur plaide pour l'introduction généralisée de l'intelligence artificielle : "A mes yeux, la solution, c'est que les choses soient de plus en plus transparentes. On ne peut pas considérer ça comme une régression, analyse Alexandre Ayache. Je pense que c'est une évolution avec laquelle il va falloir qu'on vive." 

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