JO de Paris 2024 : "Le haut niveau, nous, on dépense de l’argent pour en faire"... Derrière les épreuves d'équitation, d'indispensables propriétaires fortunés
Contrairement à d'autres athlètes engagés pour les Jeux olympiques, eux n'ont pas eu besoin de cagnotte pour financer l'échéance. Mais, pour arriver au sommet de leur sport, un (sacré) coup de pouce est nécessaire. Car peu de cavalier des équipes de France d'équitation sont propriétaires à 100% de leurs chevaux.
Des montures capables de concourir sur des épreuves comme celles des Jeux olympiques sont extrêmement coûteuses. De plusieurs centaines de milliers d’euros, à parfois plusieurs millions. “Soit il faut acheter des chevaux qui ne sont pas dressés et qui ont du potentiel, soit il faut décider de les acheter directement dressés pour le haut niveau. Et là, il faut un propriétaire derrière", dissèque Alexandre Ayache, membre de l’équipe de France de dressage.
Le cavalier est engagé aux Jeux à Versailles avec la jument Holmevangs Jolene, qu'il possède à moitié, achetée 90 000 euros en tout début 2020. L'autre propriétaire de la jument est son ami Abdulkarim Barake. "Il a une grande partie de mes chevaux, c'est lui qui me permet de les garder", confirme le cavalier installé à Lantosque, dans les Alpes-Maritimes. Les deux hommes ont trouvé une organisation très simple : "En fait, je fais tout ce que je veux, lâche Ayache en riant. Après, il est hors de question que je lui fasse perdre de l'argent ou que je lui fasse prendre des risques."
Stéphane Landois représentera la France sur le concours complet avec Chaman Dumontceau*Ride for Thaïs, un cheval qui a une histoire particulière. C'est avec lui que Thaïs Meheust, cavalière française, a eu un accident mortel en 2019. "Le cheval appartenait à ses parents. C'était son objectif d'aller aux Jeux olympiques avec lui. A la suite de l'accident, ses parents m'ont proposé de le récupérer et d'essayer de continuer l'aventure."
En France, des propriétaires passionnés
L'exemple de ces cavaliers est assez courant en France, et plus largement en Europe : faire du haut niveau est coûteux, posséder des chevaux capables de concourir au plus haut niveau l'est aussi. Alors, ces cavaliers nouent des relations commerciales, parfois amicales, avec des personnes plus fortunées capables d'assumer une partie ou l'intégralité de l'achat d'un cheval de ce standing.
Geneviève Mégret et Emmanuèle Perron-Pette sont des noms indissociables des médailles françaises obtenues ces quinze dernières années aux Jeux. Les deux femmes, cofondatrices du Haras de Clarbec et du Haras des Coudrettes, dans le Calvados, ont fourni de nombreux chevaux de qualité aux cavaliers et cavalières de l’équipe de France comme Pénélope Leprévost, Kevin Staut, Nicolas Touzaint... : Orient Express, Silvana, Flora de Mariposa, Rêveur de Hurtebise, Absolut Gold… Tous ont marqué l’histoire de leur sport.
Une fois les résultats acquis, le cavalier et le propriétaire peuvent décider de poursuivre dans le sport de haut niveau, ou de vendre le cheval pour un retour sur investissement. Un gain totalement incertain. Emmanuèle Perron-Pette retenait surtout "la passion des chevaux, l’amour du grand sport, la recherche de la performance" ou encore "l’émotion lors d’une Marseillaise", plutôt que la culbute financière.
Abdulkarim Barake s'y risque et investit dans des chevaux qu'Alexandre Ayache a repérés au préalable. "Je suis obligé de vendre tous mes chevaux à un moment ou à un autre. Je ne peux pas faire autrement, c'est ce que les gens ne comprennent pas. Une saison de haut niveau, ça coûte une fortune", insiste-t-il, justifiant que faire tourner son écurie lui coûte entre 20 000 et 25 000 euros par mois : "Un engagement en concours, c'est minimum 700 euros ! Quand je démarre le camion, avec les péages, l'essence... c'est encore 1 000-1 500 euros."
"Beaucoup de gens ne nous comprennent pas. J'entends des : ‘Ah oui, c'est un salaud, il a vendu son cheval, il ne pense qu'à l'argent.’ Non, je ne pense pas qu'à l'argent. C’est juste qu’à un moment, je n'ai pas le choix."
Alexandre Ayache, cavalier de l'équipe de France de dressageà franceinfo: sport
Des dépenses que ne comblent pas les gains des compétitions. "Ce qui me permet de vivre, c'est uniquement le coaching, abonde Stéphane Landois. Le sport, c'est du plaisir. Le haut niveau, nous, on dépense de l'argent pour en faire." Le cavalier de l'équipe de France donne une dizaine de cours par semaine. Il fait aussi de la valorisation de jeunes chevaux, qui consiste à emmener le cheval à un certain niveau avant de le revendre en espérant réaliser une plus-value : "Je ne me dis jamais que je vais essayer de garder un cheval uniquement pour le haut niveau. Je prends tellement de risques financièrement que je ne suis pas capable de me le permettre et de l'imposer à mes propriétaires."
Alexandre Ayache confie avoir dû faire face à des offres mirobolantes pour Jolene, un an avant les Jeux, allant jusqu’à des propositions à neuf chiffres. C’est grâce à son copropriétaire, qui voulait lui aussi que le couple aille à Paris, que le cavalier français a pu conserver la jument : "On a choisi le sport à l’argent. Mais je rêve d'un jour pouvoir garder tous mes chevaux ou avoir un partenaire qui me dise : 'OK, maintenant occupe-toi de faire du sport et on garde tous les chevaux.'"
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