JO de Paris 2024 : "Une bande de copains" tombée dans l'oubli... Les footballeurs français champions olympiques en 1984 racontent leur aventure
L'été 1984, une saison dorée pour le football français, avec une victoire à l'Euro qui a éclipsé la médaille d'or olympique survenue un mois plus tard. Mais, quarante ans après leur titre, les Bleus vainqueurs à Los Angeles se souviennent avec amusement et nostalgie de cette compétition durant laquelle ils ont découvert les JO.
Après des années de domination du football olympique par les pays du bloc de l'Est, dont les joueurs étaient officiellement amateurs, mais officieusement professionnels, le Comité international olympique (CIO) autorise pour la première fois, en 1984, la participation de footballeurs professionnels, à condition qu'ils n'aient jamais joué la Coupe du monde. "Le football français était riche en joueurs dans les années 1980, avec de bons footballeurs qui ne pouvaient pas se faire leur place en équipe A, raconte Daniel Xuereb, alors attaquant de Lens avant de passer par le PSG ou l'OM. Un état d'esprit est né par l'intermédiaire du sélectionneur, Henri Michel, et cela nous a amené aux JO après deux ans de qualifications où on a été invaincus."
Quelques jours avant l'ouverture des JO, les Bleus "bis" décollent donc pour les Etats-Unis, une première pour beaucoup. Mais ils ne prennent pas tout de suite la direction de Los Angeles, puisque la phase de groupes du tournoi les mène à Annapolis, dans le Maryland, à l'est du pays. "On y est allé vraiment dans l'esprit d'un tournoi de sixte, se souvient Guy Lacombe, qui jouait alors à Toulouse. C'était une bande de copains : on était 17, ainsi que [les entraîneurs adjoints] Henri Emile et Jacky Thiébaut, un kiné, un docteur... Et allez, à l'aventure". Au bord de l'Atlantique, certains profiteront de leur temps libre pour partir à la pêche, avec des habitants du coin. "Il y avait pas mal de déconneurs dans cette équipe. C'est uniquement quand on est parti sur la côte ouest, à Los Angeles, qu'on a pris conscience qu'il y avait quelque chose à jouer et qu'on était aux JO", raconte l'emblématique gardien de but de Sochaux, Albert Rust.
Les joies du village olympique
Si les Bleus ont réussi à atteindre la phase finale à Los Angeles, ce n'était pas gagné d'avance après un match nul d'entrée contre le Qatar (2-2). "On a été refroidis dès le premier match, et je pense que ça nous a été salutaire. Après, ce groupe était confiant parce qu'il n'avait jamais connu la défaite, même en qualifications. Ça nous a remis la tête à l'endroit et ensuite, on a fait le job", rappelle Guy Lacombe.
L'objectif californien étant atteint, les Bleus n'ont pas manqué de profiter des réjouissances du village. "La cafeteria était ouverte 24 heures sur 24 pour s'adapter aux cultures différentes, et on a eu l'occasion de côtoyer des gars comme [les athlètes] Carl Lewis ou Edwin Moses", se remémore Albert Rust. Cet été-là, Carl Lewis remportera quatre médailles d'or, sur le 100 mètres, le 200 mètres, le 4x100 mètres et le saut en longueur.
"Je l'ai vu sur le 200 mètres, il était magnifique quand il courait, se souvient Guy Lacombe. J'en ai profité pour voir le plus de disciplines possibles. Henri [Michel] était exceptionnel là-dessus. Il nous a responsabilisés en nous rappelant qu'on était des adultes avec un challenge à remplir. Donc on était très professionnels à l'entraînement, mais ensuite on était libres. Ça nous a permis de sympathiser aussi avec d'autres athlètes français, comme Christophe Tiozzo [boxe] ou Jacques Monclar [basket]".
"Dans les appartements, il y avait trois ou quatre chambres. Mais on a pris les matelas, on les a mis dans le salon pour dormir les uns à côté des autres, à six ou sept. Si on est allé si loin dans cette compétition, c’est parce qu’il régnait dans cette équipe un état d’esprit fantastique."
Daniel Xuerebà franceinfo: sport
Les footballeurs français découvrent les joies du village olympique, tandis que les spectateurs américains sont nombreux à découvrir le "soccer". "Dans les stades, c'était bon enfant, ils s'enthousiasmaient sur une touche ou sur des gestes anodins en Europe", sourit Guy Lacombe. Les matchs de la phase finale se jouaient au Rose Bowl de Pasadena, devant 100 000 spectateurs. "Quand on arrivait deux heures avant le match, tous ces gens-là étaient autour du stade, sur les pelouses. C'était vraiment la fête, un pique-nique géant", abonde Albert Rust.
Une fête trop courte
La fête, les Bleus ne la feront pas beaucoup pour célébrer leur titre, obtenu après des victoires contre la Yougoslavie et le Brésil. "On n'a pas eu le temps, si ce n'est le soir après le match. On a bu des bières, on a rigolé, on n'a pas dormi, et le lendemain on a pris l'avion puisque le championnat de France avait déjà commencé et nous attendait. Trois jours après, on avait un match à Lens. Ça s'est effiloché ensuite, on n'en a plus parlé", regrette Daniel Xuereb, qui a fini meilleur buteur du tournoi avec cinq réalisations.
Quarante ans ans plus tard, Guy Lacombe perçoit toujours ce titre comme "le plus beau de [sa] carrière", conscient qu'à l'âge de 29 ans, "ça serait difficile d'avoir une sélection en équipe de France". Daniel Xuereb, lui, a ensuite été sélectionné avec les A sous la direction d'Henri Michel, monté en grade. "Les JO ont été un tremplin. On est quelques-uns à avoir connu quelques capes avec les Bleus, mais c'était très difficile parce que le niveau a été très élevé", assure-t-il. "Monsieur Xu" sera le joueur à en connaître le plus (20 sélections) devant José Touré, qui a joué 16 fois avec la "grande" équipe de France.
Les années ont ensuite passé, sans beaucoup de reconnaissance pour ces champions olympiques. "L'année qui a suivi les JO, ça n'a pas eu vraiment de retentissement, la Fédé s'en est souvenue vingt ans après et on a été reçus, mais on n'a pas eu la légion d'honneur comme tous les champions olympiques. Pourquoi pas nous ? On n'a pas été honorés à la juste valeur, je trouve", peste Daniel Xuereb, qui se réjouit tout de même que les quarante ans de leur sacre et les JO à Paris remettent un peu en lumière cette bande de copains dont le succès n'a jamais été réédité depuis.
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