Paris 2024 : sélectionner des grands noms avec l'équipe de France de football olympique, pourquoi ça coince ?
"On veut la meilleure équipe, mais on n’a aucune certitude." Le sélectionneur de l'équipe de France espoirs et olympique de football, Thierry Henry, ne se fait pas d'illusions. En conférence de presse avant le dernier rassemblement des Bleuets, lundi 18 mars dernier, l'ancien attaquant n'a pas fait de mystère quant au casse-tête qui l'attend au moment de coucher les 18 noms sur sa liste pour les Jeux de Paris 2024. Thierry Henry voit sa marge de manœuvre limitée par les réticences des clubs à laisser leurs joueurs disponibles pour l'échéance olympique du 24 juillet au 9 août prochain pour l'épreuve masculine. Face à cette problématique, la Fédération française de football n'a que peu de leviers.
Comme pour chaque sport olympique, chaque compétition des JO est gérée par la Fédération internationale de la discipline en question, ici la Fifa. Problème, l'épreuve olympique n'est pas inscrite au calendrier de l'instance du football mondial. Ainsi, les clubs ne sont pas soumis par les règlements de laisser leurs joueurs à disposition des sélections nationales. "C'est un peu le monde à l'envers", déplorait Thierry Henry dans Tout le Sport le 19 mars dernier. "Je ne me suis jamais arrêté au premier non. On va essayer de discuter. Mais si c'est non, il n'y a pas de règles pour le contourner."
Le Real Madrid et Rennes, premières voix de la discorde
Henry devra appeler, selon le règlement olympique, des joueurs nés après le 1er janvier 2001, auxquels pourront se greffer "trois footballeurs nés avant cette date", alors que le tournoi féminin n'impose pas de restriction d'âge. Mais les futurs grands du ballon rond ont le droit aux mêmes réticences de leurs formations que les stars établies. Interrogé dans Tout le Sport quant à savoir si aligner une attaque XXL avec Kylian Mbappé, Antoine Griezmann et Olivier Giroud était un rêve pour lui, Thierry Henry préfère en rire : "Oui, et après je me réveille."
Le Real Madrid a ouvert la brèche en n'autorisant pas ses Français comme Aurélien Tchouaméni, Eduardo Camavinga ou Ferland Mendy de rejoindre les Bleus pour les JO, comme l'avait indiqué Radio France, le 14 mars dernier. Et alors que le football hexagonal, par la voix du président de la Fédération Philippe Diallo, le 8 février dernier, appelait à l'union sacrée pour porter haut les couleurs bleu-blanc-rouge, la première scission est venue de Rennes, mercredi 27 mars.
Florian Maurice, directeur sportif du Stade rennais, important pourvoyeur de joueurs de l'équipe de France espoirs (Adrien Truffert, Désiré Doué, Arnaud Kalimuendo ou Jeanuël Belocian) voire de joueurs "jokers" comme Benjamin Bourigeaud ou Martin Terrier, a exprimé un "non" franc à l'idée de mettre à disposition ses protégés. "Il faut aussi comprendre les clubs. Évidemment, on fera du mieux possible pour pouvoir aider l'équipe de France mais il faut que les intérêts soient communs. On ne peut pas se déshabiller pour habiller l'équipe de France, même si j'ai beaucoup d'affection pour l'équipe de France Espoirs, ou l'équipe de France A."
Au lendemain de ces déclarations, jeudi 28 mars, les entraîneurs de Lyon, Pierre Sage, et de Lille, Paulo Fonseca, se sont montrés eux ouverts à la libération de leurs joueurs. "Nous sommes plutôt favorables à ce qu'ils y aillent. Il faudra voir dans quelles conditions. Pour un club qui s'appelle Olympique lyonnais, il serait dommage que les joueurs ne participent pas aux Jeux Olympiques", a avancé le premier. "Je pense que ce sera positif si nous avons trois joueurs aux Jeux olympiques [Bafodé Diakité, Leny Yoro et Lucas Chevalier], a soutenu de son côté le technicien portugais. C'est le sentiment que j'ai : c'est toujours positif d'avoir trois joueurs qui jouent pour la France. Je ne sais pas si je serai l'entraîneur du Losc [la saison prochaine], mais si c'est le cas, ce serait plus difficile pour moi, mais je pense que nous devons penser à autre chose. Pour les joueurs, c'est très positif."
Paris 2024, un "cas particulier" pour la France, pas pour les autres
Maurice, pourtant ancien olympien avec les Bleus à Atlanta en 1996, poursuit le sillon déjà creusé par le passé par le SRFC. Le club breton n'avait pas laissé à disposition Eduardo Camavinga, déjà retenu en 2021, alors que l'agenda rennais - et des matchs de Ligue Europa Conférence - se télescopait avec les dates des Jeux de Tokyo. De nombreux joueurs avaient été conservés par leurs clubs pour leur intérêt, au détriment de l'édition nippone. Au Japon, les trois joueurs hors catégorie d'âge appelés avaient été André-Pierre Gignac, Florian Thauvin, qui évoluaient alors tous les deux au Mexique, et Téji Savanier, seul Montpellier ayant consenti à laisser disponible son maître à jouer. Pour une élimination précoce dès le premier tour, vécu comme un grand échec.
La volonté d'aligner une équipe de France de prestige, les JO ayant lieu à domicile, s'oppose à la réalité d'un calendrier de plus en plus surchargé, et des clubs rechignant à prendre le risque de voir des joueurs importants se blesser ou débuter leur saison fatigués. Ce, alors que l'été est déjà dense avec l'Euro du 14 juin au 14 juillet, autre point d'achoppement – entre autres – pour voir un Kylian Mbappé vedette des JO. "Si par miracle, on arrive à avoir certains joueurs où on a un oui et qui vont peut-être faire l'Euro et les JO, ils ne sont pas avec toi pour la préparation, ajoutait Thierry Henry à Tout le Sport. Comment tu leur apprends la tactique s'ils ne sont pas là ?"
Et si le football est un des sports rois toute la saison, il passe au second plan une quinzaine de jours tous les quatre ans. Le ballon rond ne figure pas parmi les sports olympiques historiques à la tradition riche. Ses plus grands noms ne se précipitent pas pour être de la partie. Lionel Messi y a pris part, mais comme un jeune prodige, en 2008, à 21 ans. Neymar, qui avait tenu à jouer les Jeux à domicile à Rio en 2016 - comme l'a exprimé un temps Kylian Mbappé pour Paris 2024 - avait pu décrocher l'or avec le Brésil, mais au prix d'une "sanction" de son club, le FC Barcelone, qui l'avait empêché de disputer la Copa America suivante.
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