Gymnastique aux JO de Paris 2024 : quatrième aux anneaux, Samir Aït Saïd va devoir apprendre à gérer une nouvelle frustration

Au pied du podium à Tokyo en étant blessé, le Français de 34 ans a de nouveau échoué dans sa quête de médaille, dimanche, mais "en pleine possession de ses moyens" cette fois.
Article rédigé par Clément Mariotti Pons
France Télévisions - Rédaction Sport
Publié
Temps de lecture : 4 min
Le gymnaste français Samir Aït Saïd lors de la finale du concours des anneaux lors des Jeux olympiques de Paris, le 4 août 2024. (LIONEL BONAVENTURE / AFP)

"Désolé, c'est mon premier mot. Je m'excuse envers tous les Français." La mine défaite, le menton rentré, Samir Aït Saïd livre ses premiers mots aux journalistes, dimanche 4 août, depuis la zone mixte de l'Arena Bercy. Le gymnaste français vient d'apprendre, quelques instants auparavant, que la médaille olympique – celle après laquelle il court depuis plus de dix ans – lui échappe encore.

"J'avais une pression mais j'étais dans ma bulle, focalisé. Je me sentais bien, c'est à peine si je transpirais. Je termine avec la meilleure note d'exécution de la finale avec le champion olympique chinois [Yang Liu]. J'ai réussi mon boulot mais je ne suis pas sur le podium. Je suis dégoûté, je suis triste."

Le sourire avant la douche froide de la note des juges

La déception légitime de l'Antibois après la compétition contraste d'autant plus avec le grand sourire qu'il affichait après sa prestation, devant le soutien très bruyant du public tricolore qui l'a poussé comme jamais. Mais les longues secondes qui se sont écoulées avant l'affichage de la note des juges – 15.000, contre 15.100 pour le Grec Petrounias, médaillé de bronze – l'avaient déjà refroidi. "J'ai été très surpris [de la note]. Après, il va falloir que je fasse attention à ce que je dise... Beaucoup de mes concurrents sont venus me voir pour me dire 'désolé, je ne comprends pas'. Ça ne m'étonne même pas, je m'y étais préparé dans un coin de ma tête pour être honnête."

Ces dernières semaines, Samir Aït Saïd avait travaillé d'arrache-pied pour rehausser sa note de difficulté de départ, avec un nouvel élément qu'il avait inventé. "Quand il l'a montré à l'entraînement sur podium – où les gymnastes viennent toucher les agrès du plateau de compétition en amont –, il devait valider sa figure sauf que les juges lui ont attribué une note de difficulté trop basse par rapport à ce qu'il attendait", résume Hamilton Sabot, dernier médaillé tricolore en individuel chez les hommes (en bronze aux Jeux de Londres en 2012 sur les barres parallèles) et consultant pour France Télévisions. Dès lors, pas question de prendre des risques démesurés en finale par rapport aux fautes d'exécution potentielles. 

Avec une note de difficulté de départ (6.100) inférieure à celle de ses principaux concurrents (6.400 et 6.300), le Français n'avait pas le droit à l'erreur. Il n'en a commis aucune, mais cela n'a pas suffi à accrocher la troisième place, comme lors des qualifications.

"Je ne me suis jamais senti aussi puissant et aussi prêt de ma vie. Je pouvais refaire une compétition tout de suite, je ne suis même pas essoufflé !"

Samir Aït Saïd

à franceinfo: sport

Par "fierté", comme il le confiait avant le début de son concours olympique, le spécialiste des anneaux avait tout mis sur la table pour performer dans la capitale. Changement d'entraîneur en la personne de Kévin Dupuy, préparation physique renforcée avec l'aide de Christophe Keller... Dos au mur pour obtenir son billet pour les JO avec l'absence de qualification de l'équipe de France masculine de gymnastique, il a dû enchaîner les étapes de Coupe du monde afin de marquer suffisamment de points au classement mondial pour voir Paris. "Il a travaillé intelligemment, confirme Hamilton Sabot. Samir a une force surnaturelle pour le commun des mortels, c'est un don. Mais prenant un petit peu d'âge [35 ans le 1er novembre], tu as beau conserver la force, le tissu musculaire est plus fragile. Cela lui a demandé le double d'efforts en préparation."

Au sommet de sa maîtrise et de sa forme, Samir Aït Saïd va désormais devoir digérer une nouvelle forme de frustration. Car c'est la première fois qu'il était à 100% dans une finale olympique. Blessé au saut de cheval lors des championnats d'Europe de Montpellier en 2012, il avait dû renoncer aux Jeux de Londres. En 2016, l'image de sa fracture ouverte tibia-péroné à Rio avait fait le tour du monde. C'est en partie "grâce à elle" – façon de parler – que le public français s'était pris d'affection pour ce champion court sur pattes (1,67 m) mais au cœur énorme. Sa carrière en pointillé après cette énorme blessure, il était revenu des enfers pour être présent à Tokyo en 2021, s'imposant encore un peu plus comme un modèle de résilience. Sans une blessure au biceps à l'entraînement la veille de la finale, qui sait si la médaille olympique ne serait pas déjà en poche...

"Je vous avais donné ma parole que j'allais revenir pour Tokyo, que j'allais revenir pour Paris, précisait-il en zone mixte, la rage dans la voix. Et bien là, je peux vous dire que je serai encore là à Los Angeles en 2028." À 38 ans, l'exploit n'en serait que plus grand.

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