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JO 2022 : tests PCR sur les skis, combinaisons de cosmonaute et neige artificielle... Quand les Bleus du skicross et du snowboard cross jouaient les défricheurs sur le site olympique

Contrairement aux athlètes des autres disciplines, les qualifiés olympiques de ski et snowboard cross ont pu découvrir les installations olympiques lors d'une épreuve de Coupe du monde, en novembre 2021.

Article rédigé par Vincent Daheron, franceinfo: sport
France Télévisions - Rédaction Sport
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 9min
Les athlètes ont dû effectuer un test PCR à leur arrivée à l'aéroport de Pékin, accueillis par des agents en blouse intégrale. (Chloé Trespeuch)

Photos, vidéos, projections 3D : tous les moyens sont bons pour que les qualifiés olympiques grappillent de maigres informations sur ce qui les attend en Chine, lors des Jeux olympiques, du 4 au 20 février 2022. À l’instar de Pyeongchang, en 2018, l’Empire du milieu n’est pas réputé pour sa tradition des sports d’hiver. Mais contrairement à la Corée du Sud, les athlètes n’ont pour la plupart pas pu prendre part aux habituels test-events, annulés à cause du Covid, pourtant essentiels pour découvrir les installations olympiques.

À une exception près. Les skieurs et snowboarders de ski et snow cross ont participé à une manche de Coupe du monde fin novembre, sur le site olympique de Secret Garden, à Zhangjiakou. Une épreuve particulièrement importante pour ces sportifs, conscients de leur chance par rapport à leurs compatriotes pour s’imprégner du lieu.

Paperasse administrative et lourdes restrictions sanitaires

"Ce n’est pas anodin de partir en Chine pour une Coupe du monde, c’est extraordinaire, glisse d’entrée Romain Mari, 45e au classement de la discipline. C’est un avantage par rapport à d’autres disciplines car on arrivera en terrain connu." Malheureusement, le skieur d'Isola 2000 n'a pas été sélectionné pour les Jeux olympiques. "J’étais vraiment curieuse de découvrir ce pays, ajoute Chloé Trespeuch, 2e de la Coupe du monde de snowboard cross. J’en ai vu qu’une micro partie mais cela permet de voir l’ambiance, le lieu pour pouvoir faire de la visualisation."

Et dès l’annonce définitive de la tenue de l’épreuve, trois semaines plus tôt seulement, les Bleus ont très vite fait connaissance avec la rigidité administrative chinoise. "La préparation a été assez pénible avec plein de dossiers à faire", admet François Place, champion du monde 2019 de ski cross. Entre l’obtention des visas et les différents formulaires à remplir pour être autorisé à entrer en Chine, la préparation a été perturbée. Ce n’était pourtant que le début.

En posant le pied dans l’avion direction Pékin, les Français ont rapidement compris ce qui les attendait. "On a été accueillis dans l’avion par des stewards en blouse blanche de la tête au pied pendant dix heures, se souvient Bastien Midol, leader de la Coupe du monde de ski cross. C’était assez rigolo." Après deux vols, sept heures d’attente puis quatre supplémentaires de bus pour rejoindre Zhangjiakou sur "une route bloquée pour eux depuis l’aéroport", selon Romain Mari, les Bleus sont enfin arrivés après 32 heures de voyage au total.

Les stewards en combinaison blanche intégrale dans un avion partant pour Pékin. (DR)

L’ambiance post-apocalyptique a marqué Chloé Trespeuch : "Ils désinfectaient l’hôtel et l’ascenseur tout le temps. Ils sont dans des combinaisons de plongée et en plastique avec des gants. On se croyait dans un futur qui ne serait pas cool, dans un autre monde." Rien n’est laissé au hasard, les pneus du bus mais aussi les valises, les skis ou les housses sont non seulement désinfectés mais aussi testés pour s’assurer que le virus ne circule pas. "On a tous un petit peu halluciné, sourit Romain Mari. On a été considéré comme des pestiférés qui avaient ramené la maladie."

Test PCR ski Pékin

Sur place, les athlètes étaient logés dans un hôtel qu’ils ne pouvaient quitter que pour rejoindre la piste. "On ne voyage jamais pour visiter non plus mais pour le coup on n’a vraiment rien vu du pays, regrette Marielle Berger-Sabbatel. On n’avait pas d’accès au reste du monde, c’était un peu frustrant." 

Après deux podiums de Coupe du monde en début de saison, dont un sur l’épreuve chinoise, la skieuse des Arcs s’est rompue le ligament croisé antérieur du genou gauche. Elle ne reviendra donc pas à Secret Garden pour les Jeux olympiques, sur "ces espèces de collines", comme dirait François Place.

Les blouses blanches intégrales à l'aéroport de Pékin. (Chloé Trespeuch)

Ce voyage anticipé à Zhangjiakou a également permis d’assimiler les conditions météorologiques qu'on annonce difficiles. Un petit détour sur les applications dédiées invite à se préparer au grand froid. "Les changements de températures sont immenses", prévient Chloé Trespeuch. Mais c’est surtout le vent qui inquiète dans une discipline où les sauts sont fréquents : "C’est une région avec beaucoup de vent. C’est facile de le deviner car au sommet du domaine, je me suis amusée à compter une centaine d’éoliennes", s'amuse Marielle Berger-Sabbatel.

"Je n’avais jamais vu d'éoliennes avec des skis au pied."

Marielle Berger-Sabbatel

à Franceinfo: sport

Piste lente et neige artificielle

Une fois le voyage enduré, les restrictions sanitaires digérées et la météo apprivoisée : il était alors temps de passer en mode compétition pour tester la piste olympique. "C’était important, car on pratique une discipline où la piste est un enjeu majeur de la bonne résultante de la compétition, confirme François Place. Il fallait homologuer cette piste sur laquelle on n’avait pas d’informations.

Les avis sont unanimes : celle-ci était particulièrement lente au mois de novembre. "On a dit que ce serait pas mal de changer certains modules pour rajouter un peu de vitesse", poursuit le skieur aux trois podiums en Coupe du monde. Même si elle peut évoluer dans les virages ou les sauts, le dénivelé (167 mètres) restera sensiblement le même. Une donnée importante pour "adapter la préparation en fonction du parcours", précise Chloé Trespeuch, quatre podiums de Coupe du monde à son palmarès cette saison en snowboard cross.

Mais l’un des gros points d’interrogation de ces Jeux olympiques, peu importe la discipline, réside dans la neige sur laquelle devront glisser les sportifs. Ces derniers connaissent parfaitement le type de neige à laquelle ils seront confrontés selon l’endroit de la course. Pourtant, à Secret Garden, c’était l’inconnu. "Ils ne connaissent pas vraiment la neige naturelle, elle est très abrasive", commence Bastien Midol. Romain Mari complète : "C’est une neige 100% artificielle, ce qui est très rare. Il n’y avait pas du tout de neige dans les arbres et autour de la piste." "C’est une des premières fois que je skiais uniquement sur de la neige à canon", admet la snowboardeuse Chloé Trespeuch.

Aucune neige n'était tombée aux abords de la piste lors de la manche de Coupe du monde de ski cross organisée à Secret Garden, en Chine, le 25 novembre 2021. (The Yomiuri Shimbun via AFP)

Si les athlètes sélectionnés ont pu appréhender la neige qu’ils retrouveront aux JO, cette manche de Coupe du monde était cruciale pour récolter un maximum d’informations concernant le matériel ou le fartage pour optimiser la glisse. "C’était certainement la manche de Coupe du monde la plus importante pour les techniciens", insiste Romain Mari. "On avait besoin de connaître les températures, l’humidité, le vent, etc, pour pouvoir travailler en amont et arriver avec tous les moyens pour performer", acquiesce Xavier Bugand, l’un des techniciens de l’équipe de France de skicross. Certaines marques en avaient profité pour tester quelques paires de skis pour éventuellement les faire évoluer pour le jour-J.

Partage d'informations avec les autres disciplines

Xavier Bugand a rejoint le monde du freestyle après huit ans comme technicien dans le biathlon. Il n’a alors pas tardé à transmettre ses données à ses anciens collègues. "On a fait un retour avec le biathlon et le ski de fond, explique-t-il. Ils n’ont pas eu la chance d’aller voir les sites, on leur a donné un peu les infos sur la neige, sur les cabanes de fartage, la logistique. Je les ai eus au téléphone directement après l’atterrissage à Francfort, ils étaient impatients d’échanger."

Les athlètes aussi ont partagé quelques anecdotes sur leur voyage dans l’Empire du milieu. "On en a un peu discuté avec certains du ski alpin, assure Marielle Berger-Sabbatel. On ne se croise pas forcément avec les athlètes d’autres disciplines mais pour ceux qui veulent avoir des infos, on partagera sans souci." "J’ai donné quelques infos à Théo Letitre (slalom), on a parlé des restrictions et de toute l’ambiance malgré la pandémie pour faire une course", ajoute Romain Mari.

Des 21 athlètes, snowboard et ski confondus, qui avaient participé à la manche de Coupe du monde fin novembre, ils ne seront finalement que treize à pouvoir y retourner pour les Jeux olympiques. Avec un carnet de notes rempli d’informations. Zhangjiakou n’a plus aucun secret pour eux.

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