JO 2021 - Larbi Benboudaoud, patron de l'équipe de France de judo : "Les Japonais se voyaient déjà en haut de la boîte"
Directeur de la haute performance des Bleus, l'ancien médaillé olympique de judo dresse le bilan des Jeux de Tokyo.
L'équipe de France de judo est de retour des Jeux olympiques, lundi 2 juillet, après avoir décroché huit médailles à Tokyo, dont deux titres. Larbi Benboudaoud, directeur de la haute performance des équipes de France et coach de Clarisse Agbégnénou, est revenu sur les performances des judokas et judokates tricolores.
franceinfo: sport : Quel bilan faites-vous de ces Jeux olympiques ?
Larbi Benboudaoud : On a fait une très jolie campagne, surtout avec le titre par équipes. C'était vraiment extraordinaire, un grand truc. Après, j'ai eu quelques petites frustrations quand même, parce qu'il y en a deux, trois qui auraient pu se transformer en or. C'est comme ça. On va savourer ces médailles, on ramène des breloques, même si je dis qu'il y aurait pu en avoir un peu plus en or.
Comment le Covid-19 a affecté cette préparation olympique ?
Ça a été très, très compliqué. Ce qui était très dur avec le Covid, c'est l'impact psychologique. L'incertitude. Ça va avoir lieu, pas lieu ? Ce sont des champions, on les sort souvent de leur zone de confort, ils sont habitués. Mais c'est maîtrisé. Là, rien n'était maîtrisé. Tout le monde naviguait à vue. C'est là que c'était plus compliqué. C'était très, très dur, mais on fait un sport de combat, donc il faut se battre. C'est ce qu'on a fait. On essaie d'être dans les meilleures conditions, de les accompagner au mieux avec les problématiques qu'ils ont, tout en tenant compte des problématiques du collectif. Gérer la dynamique de groupe et en même temps, les problématiques spécifiques individuellement. On a réussi.
Et j'espère que les clubs de judo, qui ont galéré pendant deux ans, vont pouvoir reprendre à la rentrée. Parce que c'est notre école. Tous les médaillés qu'on a aujourd'hui viennent de leurs petits clubs. S'il n'y avait pas ça, on n'aurait pas les champions qu'on a aujourd'hui. On a un sport extraordinaire qui touche toutes les couches sociales, qui touche tous les territoires. Après une belle campagne olympique, où il y a une belle visibilité, ce serait dommage que nos clubs ne puissent pas en bénéficier. Et qu'on ne partage pas notre sport avec tous ces gamins qui nous attendent à cause de cette crise. Je croise les doigts.
Comment expliquer le déséquilibre entre le bilan féminin (5 médailles) et masculin (2 médailles) ?
Les féminines étaient déjà là sur toute l'olympiade [cycle de quatre ans précédant les Jeux olympiques], elles ont fait le travail. On est arrivés aux Jeux olympiques avec quatre n°1 mondiales. Les filles, elles ont juste confirmé leur statut. Elles l'ont assumé. Pour les garçons, ça a été dur toute l'olympiade. Mais aujourd'hui, il y a un message qui a été passé. C'est la première médaille de Luka Mkheidze, qui est le plus jeune de l'équipe et sur qui, justement, les bookmakers n'auraient pas misé. Donc, le message est clair pour les jeunes restés à la maison. Il a fait le travail, dans les mêmes conditions que vous, dans les mêmes structures. Donc si vous faites le boulot, vous pouvez y arriver. On est capables de le faire.
Si vous deviez retenir une image de ces Jeux olympiques ?
Il n'y a pas photo : la finale par équipes contre les Japonais, parce que c'est historique. D'ailleurs, il y en a plein qui ont comparé ça à Anton Geesink en 1964, qui était le premier à battre un Japonais chez eux. C'est une première ! On ne pouvait pas rêver mieux comme scénario. Et chez eux, avec la campagne qu'ils ont faite, forcément, ils se voyaient déjà tous en haut de la boîte. C'était compter sans notre équipe qui voulait faire sonner la Marseillaise au pays du Soleil Levant et ils ont réussi. J'étais très, très fier d'eux. Et les Japonais, les connaissant, même s'ils ont fait une très belle campagne, ils ont pris une tarte dans la gueule.
L'objectif déjà annoncé, c'est Paris 2024. Comme préparez-vous cette prochaine échéance ?
Il faut essayer, même s'il vaut mieux éviter d'utiliser ce terme en crise sanitaire, de 'contaminer' tous ceux restés à la maison. Pour qu'ils aient cette envie de gagner. Si tu t'entraînes tous les jours avec les meilleurs, que tu les mets sur le dos, tu peux prendre leur place. Le haut niveau est un système élitiste, avec beaucoup de prétendants et peu d'élus. Mais l'élu ne l'est pas éternellement. Si tu te bouges, tu peux prendre sa place. On doit faire en sorte d'amener un athlète à son top niveau, mais aussi le gars derrière lui. Et on emmènera le meilleur. C'est l'état d'esprit qu'on veut mettre en place. Parce que le mental est le premier facteur de performance : comment tu abordes tes compétitions, tes entraînements. On peut avoir les meilleurs ingrédients du monde, si on ne met pas du coeur à l'ouvrage, le plat ne va pas être bon.
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