Judo aux JO de Paris 2024 : Teddy Riner peut-il raisonnablement viser Los Angeles 2028 ?
"Je suis au sommet." Au lendemain de son troisième titre olympique individuel, Teddy Riner est un peu plus entré dans la légende du sport tricolore grâce à un scénario fou, samedi 3 août, en finale de l’épreuve mixte par équipes. Après une première victoire contre le Japonais Tatsuru Saito, le Guadeloupéen a remis cela au bout d’une interminable mort subite pour offrir l’or aux siens, la catégorie des lourds ayant été tirée au sort pour le dernier combat.
Avec une telle apothéose, il ne serait pas insensé de vouloir raccrocher tout en haut de l'Olympe. Mais le judoka français n’est pas de cet avis et vise déjà Los Angeles en 2028, l'année de ses 39 ans. "Laissez-moi le temps, mais c'est l'objectif", lâchait-il vendredi face à la presse qui le questionnait déjà sur la suite. Pour l'instant, on est en 2024, je vais profiter".
Dans son entourage, comme chez les habitués des tatamis, le pari vaut le coup d'être tenté. "Si le physique ne tient plus, c'est fini. Mais tant que ça marche, pourquoi pas ! S'il en a envie, il a raison", estimait ainsi David Douillet, double champion olympique de la discipline, au micro de France 2 vendredi, après la première breloque de Teddy Riner. Ce dernier doit justement subir une petite opération "pour repartir avec un coude [droit] en bon état", dixit Franck Chambily, son coach historique.
"Rien n'est impossible avec lui. Il a démontré cette semaine qu'il peut toujours aller chercher la gagne dans ce qui sont ses Jeux les plus aboutis. A 35 ans et 140 kilos, il est capable de mettre des ippons dans une compétition olympique et il a pris du plaisir", rappelle néanmoins celui qui a laissé sa place en bord de tapis à Christian Chaumont depuis Tokyo. "Il gagne tout donc je ne vois pas pourquoi il arrêterait. Il est dans une dynamique et surtout il a l'habitude de cette préparation sur une olympiade maintenant", assure de son côté Emilie Andéol, sacrée à Rio 2016 et consultante judo pour France Télévisions.
"Il va prendre de longues vacances, avec au moins un an de repos pour profiter de la vie et de sa famille. Pour Paris, il a tout optimisé : pourquoi pas refaire la même chose pour Los Angeles ?"
Emilie Andéol, championne olympique 2016 de judoà franceinfo: sport
"Pour tenir la durée sur quatre ans, il y a deux paramètres", ajoute Fabien Canu, directeur général de l'Institut national du sport, de l'expertise et de la performance (Insep), chargé par le passé de la performance olympique. Pour l'ex-judoka, Teddy Riner devra trouver le juste milieu entre "se vider la tête" pour revenir plus frais psychologiquement et continuer à "entretenir son corps" pour ne pas risquer une blessure liée à une éventuelle prise de poids. "Teddy, on le connaît ! Il peut vite prendre 20 kilos s'il n'est pas en forme", s'en amuse tendrement Emilie Andéol, dans un dernier filet de voix après avoir tout donné aux commentaires.
Porté par la peur que tout s'arrête ?
"Quand je vois le niveau qu'il a eu cette semaine, c'est assez extraordinaire, il a retrouvé son attaque et sa vitesse de jambes. Pour moi, c'est jouable de viser 2028 pour lui : il n'y a que des gens hors normes pour relever ces défis. Il aime tellement ce qu'il fait, c'est sa vie", prédit Fabien Canu. C'est justement cette adrénaline qui pousse le natif de Pointe-à-Pitre aux onze titres mondiaux et sept breloques olympiques à continuer.
"Il sait qu'il va y avoir un vide dans sa vie quand il stoppera", confirme Franck Chambily. "Quand on n'a connu que le judo dans notre vie, il s'agit de découvrir qu'on n'est pas qu'un champion, mais aussi une personne à part entière. Cela fait peur parce qu'on a toujours été cadré pour nos performances. On voyage partout avec une vie rythmée à 100 à l'heure. Lorsque tout s'arrête, on se dit : 'je fais quoi, je suis qui, je vais où ?'", raconte Emilie Andéol, également passée par là avant l'annonce de sa retraite en 2018.
D'autant plus pour un athlète comme Teddy Riner entré à l'Insep il y a vingt ans, quand la majorité des judokas ne font carrière que sur une décennie. Raison pour laquelle le temps de ranger le kimono n'est pas encore venu. "Il faudra sans doute un nouveau projet. Je suis derrière lui depuis 2004 et il faut peut-être aussi que je passe la main. Je serai toujours là pour lui mettre les meilleurs partenaires français dans les pattes", détaille son entraîneur, en référence à la création d'une cellule pour former les futurs poids lourds tricolores qui pourront s'aguerrir en tant que sparrings du triple champion olympique.
Sans concurrence au niveau national chez les lourds à l'heure actuelle, Teddy Riner se prépare donc à rempiler pour Los Angeles. Avec pour nouveau challenge : devenir le seul homme de son sport à compter quatre médailles d'or en individuel aux JO (le Japonais Tadahiro Nomura en a décroché trois aussi chez les super-légers en 1996, 2000 et 2004). On n'a pas fini de parler de son rêve américain.
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