Paris 2024 : cinq questions sur les premiers tests de vidéosurveillance algorithmique dans la capitale

Article rédigé par franceinfo
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Une caméra de surveillance, à Paris, le 25 février 2024. (JOEL SAGET / AFP)
Les fans de Depeche Mode, attendus à l'Accor Arena de Bercy dimanche et mardi, vont servir de cobayes au ministère de l'Intérieur. Avant la véritable mise en application de cette technologie, cet été, à l'occasion des Jeux olympiques et paralympiques.

Elle aussi espère passer l'étape des qualifications. A cinq mois des Jeux olympiques et paralympiques, la vidéosurveillance dite "augmentée" va être testée pour la première fois lors de deux concerts du groupe Depeche Mode, à Paris, dimanche 3, puis mardi 5 mars. Concrètement, l'intelligence artificielle va aider à analyser les images des caméras déployées à l'extérieur de l'Accor Arena de Bercy. Franceinfo démêle les fils pour y voir plus clair.

1 A quoi ressemble le dispositif ?

Le ministère de l'Intérieur a annoncé que "six caméras" vont être déployées par la préfecture de police aux alentours de la salle de concert, située dans le 12e arrondissement de Paris. Equipées du logiciel de la société parisienne Wintics, elles sont en mesure de détecter huit types d'événements : le non-respect du sens de circulation, le franchissement d'une zone interdite, la présence ou l'utilisation d'une arme, un départ de feu, un mouvement de foule, une personne au sol, une densité trop importante ou un colis abandonné. "Il s'agit d'une aide à la lecture des images dans le flot d'une salle de contrôle, pour être sûr que l'opérateur ne manque pas" un événement important, explique le ministère de l'Intérieur.

Ce sera ensuite à l'humain, derrière ses écrans, de revisualiser les images mises en avant par l'intelligence artificielle puis de prendre une décision et de déclencher, si besoin, une intervention des forces de l'ordre, ou des pompiers. Les fans de Enjoy the Silence ou Personal Jesus vont malgré tout pouvoir se dandiner tranquillement : à l'occasion de ces deux tests, les caméras ne seront pas utilisées pour "détecter des événements" ni pour "des interpellations" mais pour "tester et paramétrer les solutions logicielles" dans des conditions réelles, insiste le ministère de l'Intérieur.

2 D'autres tests sont-ils prévus avant les Jeux ?

Outre cette première expérimentation, le ministère de l'Intérieur a déjà prévu d'autres tests du même type, avec la SNCF et la RATP, dans les prochaines semaines. Les caméras seront cette fois déployées "à l'intérieur et aux abords des gares" et uniquement "lors d'événements festifs". Aucune date n'a pour le moment été annoncée.

3 Dans quel cadre législatif ce dispositif est-il déployé ?

Cette expérimentation fait partie de la loi relative aux Jeux olympiques et paralympiques, définitivement adoptée par le Parlement en avril dernier. Un mois plus tard, le Conseil constitutionnel a validé la très grande majorité des articles, y compris l'article 10 sur l'expérimentation de la vidéosurveillance algorithmique. Les Sages ont néanmoins émis deux réserves : chaque recours à la technologie devra faire l'objet d'une autorisation préfectorale pour un mois renouvelable sous conditions ; les événements repérés grâce à la vidéosurveillance devront "être détectés sans recourir" à des techniques de reconnaissance faciale ou de biométrie.

Et pour cause : la reconnaissance faciale ne sera pas utilisée lors des Jeux olympiques et paralympiques. Les logiciels ne pourront pas rechercher ni repérer un individu précis. Il ne sera pas non plus possible d'identifier un suspect en train de commettre un délit.

4 A quoi ça ressemblera pendant les Jeux ?

Pour être en conformité avec la loi, chaque événement nécessitant le recours à la vidéosurveillance algorithmique fera donc l'objet d'un arrêté préfectoral, en précisant "la temporalité, la localisation et les motifs", souligne le ministère de l'Intérieur. Comme c'est le cas pour l'usage des drones par exemple. Concrètement, les Jeux ne seront donc pas intégralement surveillés par l'intelligence artificielle. Ce sera le cas pour certains lieux de compétition ou certains lieux de fête, et seulement sur des périodes définies.

Interrogé sur le nombre de ces caméras dites "intelligentes" qui seront déployées cet été, notamment pour la cérémonie d'ouverture, le ministère de l'Intérieur répond qu'il est encore "trop tôt" pour donner un chiffre.

5 Cette nouvelle technologie inquiète-t-elle ?

Oui, les associations de défense des libertés individuelles craignent des abus. La Commission nationale de l'informatique et des libertés (Cnil), qui s'inquiète d'"un certain nombre de risques pour les droits et les libertés des personnes", sera ainsi représentée lors des deux tests effectués pendant les concerts de Depeche Mode dimanche et mardi. "C'est une nouvelle technologie. Il y a de la surveillance, avec l'utilisation de données, avec de l'intelligence artificielle, souligne son secrétaire général, Louis Dutheillet de Lamothe, interrogé sur France Inter. Cela permet de regarder comment c'est fait. Il va y avoir une information aux personnes qui viennent au concert. Il y aura aussi des contrôles, qui vont continuer pendant les JO et jusqu'en mars 2025."

"On s'attend à du contentieux", avec des recours devant les tribunaux administratifs et le Conseil d'Etat, "mais on est sereins", dit-on au ministère de l'Intérieur. Le 21 décembre, le Conseil d'Etat a par exemple annulé une décision du tribunal administratif de Caen qui avait ordonné à une communauté de communes du Calvados, dont Deauville et Trouville, d'effacer les données personnelles issues de leurs caméras équipées du logiciel israélien BriefCam, spécialisé dans la vidéosurveillance algorithmique.

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