Enquête franceinfo Paris 2024 : pollution trop élevée, normes non respectées... Ce que révèlent les analyses de la qualité de l'eau de la Seine

Article rédigé par Mathieu Lehot-Couette
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 27min
Les résultats des analyses montrent que l'eau était trop polluée en août 2023, y compris sur des journées au cours desquelles des triathlètes ont pu nager dans le fleuve. (HELOISE KROB / FRANCEINFO)
Selon les résultats que s'est procurés franceinfo, les normes sanitaires pour la baignade sont encore loin d'être atteintes. Pire, lors d'épreuves tests en vue des Jeux olympiques, des athlètes ont pu plonger dans le fleuve malgré une pollution trop élevée.

"Je vous le redis, en juillet 2024, je me baignerai dans la Seine !" Anne Hidalgo a fait cette promesse à l'occasion de ses vœux à l'hôtel de ville, mercredi 10 janvier. "Une prouesse", selon la maire de Paris, alors que le fleuve qui traverse la capitale doit notamment être le théâtre de la cérémonie d'ouverture des Jeux olympiques et paralympiques.

Mais la véritable prouesse, ce sont les épreuves qui vont s'y tenir, en plein cœur de Paris : la natation marathon sur 10 km en eau libre et les parties de nage du triathlon et du paratriathlon, qui se tiendront entre le pont Alexandre III et le pont de l'Alma. Un tour de force pour un cours d'eau où il est interdit de nager par arrêté préfectoral depuis 1923. Une interdiction toujours en vigueur aujourd'hui.

Pour relever ce défi, l'Etat et la ville de Paris copilotent un plan baignade estimé à plus de 1,4 milliard d'euros. Il consiste à réduire les afflux d'eaux usées rejetées dans le fleuve par l'activité des millions de Franciliens qui vivent autour. Et si ce plan n'est pas encore achevé, ses premiers effets devaient se constater dès l'été dernier. "Les derniers résultats attestent de niveaux suffisants ou excellents par temps sec", s'est même réjouie la ville de Paris début juillet. De bon augure pour Anne Hidalgo, les athlètes des JO, ainsi que pour le grand public qui sera à son tour invité à se jeter à l'eau dès 2025.

L'été a tourné au fiasco

Cette réussite devait se concrétiser dès le mois d'août 2023. Une répétition générale des JO avait été programmée sur le futur site olympique. Le fleuve devait accueillir des épreuves de marathon entre le 4 et le 6 août, puis de triathlon du 16 au 20 août. Mais l'été a tourné au fiasco, l'eau se révélant trop polluée. Les épreuves tests ont été presque intégralement annulées. Seuls les triathlètes ont pu plonger dans la Seine et uniquement entre le 16 et le 18 août. Les fortes intempéries du milieu de l'été ainsi que le dysfonctionnement d'une vanne des égouts parisiens ont été désignés par les autorités comme les sources de ces pics de pollution.

Pour savoir à quel point l'eau de la Seine a été polluée cet été, franceinfo a passé en revue les résultats des analyses produites par les services de la ville de Paris ainsi que les conclusions rendues par les autorités sanitaires. Les mesures réalisées en août, lors des compétitions maintenues de triathlon, montrent que ces nageurs ont été autorisés à se baigner malgré des normes dépassées.

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Franceinfo a également découvert que la qualité de l'eau sur le futur site olympique avait déjà été jugée insuffisante pour la baignade au début de l'été. Des pics de pollution ont été relevés à la fin du mois de juin malgré l'absence d'intempéries. Ce constat a été fait en juillet par l'Agence régionale de santé (ARS) d'Ile-de-France qui a tout de même donné un avis favorable pour les événements prévus en août. En contrepartie, les autorités sanitaires ont demandé aux organisateurs de respecter des seuils de pollution qui ont finalement été dépassés.

Des risques de gastro pour les nageurs

Pour mesurer la qualité de l'eau de la Seine, il faut d'abord se plonger dans les données détenues par le Service technique de l'eau et de l'assainissement (STEA) de la ville de Paris. Après l'obtention de l'organisation des Jeux olympiques, les ingénieurs de la capitale ont amassé un trésor de mesures à partir de plus de 90 points de prélèvements différents répartis sur la Seine et ses affluents. Cette mine d'informations n'est pas accessible en ligne. Mais la ville de Paris en a partagé une partie avec franceinfo : 1 473 lignes de résultats d'analyses datant de 2015 à 2023 réalisées à partir de quatorze points de prélèvement  dans Paris. Six de ces points sont situés sur le futur site olympique, entre le pont Alexandre III et le pont de l'Alma.

Répartition des points de prélèvement sur le futur site olympique, pendant l'été 2023

Source : Ville de Paris

Crédits : Franceinfo / Héloïse Krob

Il faut ensuite s'intéresser aux méthodes de mesure de la qualité de l'eau pour la baignade. Elles tiennent en trois lettres : BIF, pour bactéries indicatrices de contaminations fécales. Deux bactéries sont recherchées : les escherichia coli (E. coli) et les entérocoques. Il s'agit de germes présents dans les intestins. S'ils sont repérés en trop grande quantité dans l'eau, la baignade est alors considérée comme trop dangereuse. 

Le risque principal pour les nageurs est d'attraper des gastro-entérites ainsi que des maladies de la peau. Dans un avis rendu le 25 juillet, l'ARS liste d'autres pathologies plus graves. Ce document, remis à franceinfo par la préfecture d'Ile-de-France, mentionne des germes comme le staphylocoque, responsables d'intoxications alimentaires. L'ARS s'y inquiète aussi de la présence potentielle de leptospires. Présentes dans les urines des rats, elles provoquent une maladie appelée la leptospirose. Souvent bénigne chez l'homme, elle peut toutefois conduire à des cas d'insuffisance rénale voire à des fièvres hémorragiques, relève l'Institut Pasteur.

"Leur présence peut être associée à d'autres germes pathogènes comme le virus de l'hépatite A, le Sars-CoV-2, des bactéries de type pseudomonas aeruginosa, les staphylocoques ou les leptospires."

Extrait de l'avis de l'ARS du 25 juillet 2023

consulté par franceinfo

Pour protéger les athlètes, les fédérations de natation et de triathlon ont établi un barème de notation de la qualité de l'eau. Leurs règlements visent ainsi des concentrations en bactéries de moins de 500 npp (nombre le plus probable) pour 100 ml en E. coli et 200 npp/100 ml en entérocoques. Des dépassements de ces niveaux peuvent être tolérés jusqu'à 1000 npp/100 ml en E. coli et 400 npp/100 ml en entérocoques. L'apparence de l'eau et les conditions météo sont également prises en compte.

Barème de qualité de l'eau des fédérations de natation et de triathlon

* Les mesures des bactéries indicatrices fécales peuvent être exprimées en unité formant colonie (ufc) ou en nombre le plus probable (npp) pour 100 ml d'eau. Ces unités sont équivalentes.

Source : Réglements des fédérations internationales de natation et de triathlon

Crédits : Franceinfo / Héloïse Krob


Cette échelle de notation va de 1 à 4. A 1, la qualité de l'eau est jugée excellente ; à 2, elle est bonne ; à 3, elle est moyenne et à 4, elle est mauvaise. Dans son règlement, la Fédération internationale de natation (World Aquatics) dit s'attendre "à ce que tous les lieux de compétition en eaux libres respectent les critères définis au niveau 1" et considère que les niveaux 3 et 4 sont "inacceptables" pour la baignade. Franceinfo a appliqué ce barème aux résultats des mesures faites par la ville de Paris, entre le 1er juillet et le 30 septembre 2023, au niveau du futur site olympique. Les résultats, représentés sur le graphique ci-dessous, ne sont pas bons.

Entre le 19 juillet et le 30 septembre, la qualité de la Seine a été mauvaise 47 jours sur 70, ce qui a d'ailleurs conduit à l'annulation de certaines journées d'épreuves tests. La période a fait l'objet d'un contrôle renforcé avec des mesures faites quotidiennement entre le pont Alexandre III et le pont de l'Alma. Parmi les journées restantes, dix-neuf peuvent être classées comme bonnes ou moyennes et seulement quatre comme bonnes ou excellentes.

La baignade autorisée malgré une eau trop polluée


La Fédération internationale de triathlon prévoit de son côté l'annulation des compétitions en cas de trop forte pollution. Mais cette clause du règlement comporte une exception. Il est en effet précisé que la baignade sera annulée "sauf si le comité médical et antidopage de la Fédération internationale de triathlon le permet". Est-ce la décision qui a été prise pour autoriser les premiers jours de la compétition de triathlon programmée du 16 au 20 août alors même que l'eau était de mauvaise qualité tout au long de la semaine ?

Qualité de l'eau en août 2023 sur le futur site olympique

Source : Ville de Paris

Crédits : Franceinfo / Héloïse Krob


Des dépassements sont relevés sur toute la période prévue pour le triathlon en ce qui concerne la concentration en bactéries E. coli. Présentes en grand nombre dans les matières fécales, elles sont des révélateurs très sensibles aux pollutions récentes. Le graphique ci-dessous montre les quantités relevées sur les quatre points de prélèvement quotidiens répartis entre le pont Alexandre III et le pont de l'Alma, entre le 15 et le 20 août.

Ces données montrent que le seuil limite de 1000 npp/100 ml a été dépassé sur l'ensemble des points de suivi disposés entre le pont Alexandre III et le pont de l'Alma pendant la journée du 18 août. La compétition masculine s'est pourtant tenue comme prévue. Seules les épreuves du para-triathlon et du relais mixte des 19 et 20 août ont été annulées. Interrogés par franceinfo, le comité d'organisation des Jeux olympiques (Cojo) et la Fédération internationale de triathlon affirment que le mauvais état de l'eau ne pouvait être connu au moment de l'autorisation des épreuves.

“Les décisions ont été prises chaque soir à 3h30, avec les résultats des tests réalisés le jour précédent.”

Olalla Cernuda, directrice de la communication de la Fédération internationale de triathlon

à franceinfo

Les organisateurs expliquent que la pollution relevée le 18 août n'a été portée à leur connaissance que dans la nuit du 18 au 19 août. Dès lors, que disaient les résultats de qualité de l'eau du 17 août, censés avoir été examinés dans la nuit du 17 au 18 août ? Impossible de le savoir : la ville de Paris fait valoir des problèmes de manipulation en laboratoire. "Des problèmes techniques sont apparus donnant lieu à des données invalides", explique la mairie.

Pour justifier l'autorisation prise le 18 août, la Fédération internationale de triathlon fait valoir que la décision est le fruit d'un faisceau d'indices, dont les résultats des tests ne constituent qu'un élément. "Les décisions sont toujours prises sur la base des résultats des tests s'ils sont disponibles et lorsqu'ils sont disponibles. Si ce n'est pas le cas nous utilisons d'autres indicateurs qui peuvent aider à prendre la décision comme le courant de la rivière, les conditions météo ou l'inspection visuelle de l'eau", détaille Olalla Cernuda. Or ces autres indicateurs étaient au vert lorsque la décision a été prise pour le 18 août, affirment les organisateurs. "Si la prise de décision a été faite par la World Triathlon d'autoriser la baignade c'est que les données démontraient que la baignade était possible", abonde Aurélie Merle, la directrice des sports du comité d'organisation. "Nous avons suivi nos procédures. A la seconde ou les résultats en laboratoire ont montré que l'eau était polluée nous n'avons plus autorisé la baignade", ajoute Olalla Cernuda.

Les épreuves féminines, prévues le 17 août, se sont tout de même tenues. Et ce alors même qu'un niveau de pollution trop élevé avait été relevé la veille sur l'un des quatre points de suivi. "Ce dépassement n'a été constaté qu'au niveau du pont de l'Alma qui est situé en dehors du parcours du triathlon", justifie Brigitte Légaré, responsable de la zone Paris-Centre au Cojo. Le parcours de l'épreuve s'arrête environ 300 m avant ce pont. Les mesures des trois autres points de prélèvements situés sur le parcours montrent que la pollution restait effectivement en dessous du seuil limite de mauvaise qualité fixé par la fédération. Mais ce n'était pas le cas le 15 août.

Résultats de qualité de l'eau du 15 août sur le futur site olympique

* Le parcours de natation du triathlon consiste en deux boucles : une première de 910 mètres et une deuxième de 590 mètres.

Source : Ville de Paris

Crédits : Franceinfo / Héloïse Krob


Ce jour-là le niveau de pollution a dépassé le seuil de mauvaise qualité sur deux points de prélèvement situés sur le parcours des triathlètes. La concentration en E. coli a atteint 1 733 npp/100 ml au niveau du pont des Invalides, en plein milieu du parcours, et 1 046 npp/100 ml au port du Gros-Caillou, à la fin du parcours. Pourtant, ces mauvais résultats n'ont pas empêché la journée d'entraînement programmée le 16 août d'avoir lieu.

Séance d'entraînement des triathlètes dans la Seine, le 16 août 2023, à Paris, sous le pont Alexandre III. (MILLEREAU PHILIPPE / KMSP)

"Les résultats des tests du laboratoire sont toujours pris en compte, mais ce n'est pas le seul facteur pris en considération", répond cette fois-ci la Fédération internationale de triathlon, qui fait valoir que la pollution relevée le 15 août suivait "une nette tendance à la baisse" par rapport aux jours précédents. Elle rappelle aussi que les prévisions météo étaient "sans problème" et que l'aspect visuel de l'eau était "clair et propre". Ces indicateurs ainsi que la tendance à l'amélioration des jours précédents ont donc prévalu sur la pollution relevée la veille.

Une eau habituellement jugée "impropre" par l'ARS

Les autorisations formulées entrent aussi en contradiction avec les recommandations faites par les autorités sanitaires. Au mois de juillet, l'ARS d'Ile-de-France avait été saisie par la préfecture de la région pour rendre un avis, à titre consultatif, sur la qualité de l'eau de la Seine en vue des épreuves du mois d'août. Dans ce document daté du 25 juillet, l'ARS donne un avis favorable. Mais cet accord est assorti d'une série de conditions et de préconisations. L'agence régionale de santé demande ainsi aux organisateurs de reporter les épreuves en cas de résultat supérieur à 900 npp/100 ml pour les E. coli et 330 npp/100 ml pour les entérocoques. Les résultats au moment du triathlon montrent pourtant que les athlètes ont pu nager dans la Seine malgré des concentrations en E. coli supérieures à 1 000 npp/100 ml. Soit au-dessus des limites fixées par l'ARS.

Les normes appliquées par les autorités sanitaires sont basées sur la réglementation européenne. Il s'agit des seuils de qualité suffisante pour les lieux de baignade en eau douce ouverts au public. Ces derniers doivent avoir une eau au moins de qualité suffisante 90% du temps pendant la saison estivale. Dans son avis, l'ARS a évalué la qualité de la Seine sur le futur site olympique à partir de prélèvements faits entre le 6 juin et le 19 juillet. Mais seuls deux des six points de suivi du site olympique atteignaient le niveau de qualité recherché.

D'après ces résultats, la qualité de l'eau n'était donc pas suffisante dès le début de l'été. Mais alors pourquoi l'ARS a-t-elle rendu un avis favorable ? L'agence régionale de santé d'Ile-de-France ne s'est en fait basée que sur la moitié des résultats bactériologiques qui lui ont été fournis. Il s'agit des prélèvements réalisés entre le 4 et le 19 juillet. Tous de qualité suffisante. Dans ses conclusions, elle a jugé que les résultats de juillet attestent d'une "possible tendance à l'amélioration". Mais l'ARS précise néanmoins que cette évolution "reste à confirmer". La suite de l'été a démontré que la qualité de l'eau s'est au contraire dégradée.

En réalité, l'ARS d'Ile-de-France n'avait encore jamais donné d'avis favorable pour des compétitions de natation dans la Seine à Paris, avant ce 25 juillet 2023. Franceinfo a pu avoir accès à l'ensemble des avis rendus par l'agence régionale de santé depuis 2019. Les seules activités de baignade qui ont reçu un feu vert sont celles qui impliquent des cascadeurs pour les tournages de films ou d'émissions de télévision. En revanche, toutes les activités destinées à des nageurs, y compris des athlètes, ont toujours récolté des avis défavorables. A chaque fois le motif est le même : une qualité de l'eau jugée "impropre".

Cette position était encore celle de l'ARS au début de l'été dernier. Dans une note du 7 juin, l'agence régionale de santé d'Ile-de-France s'est dite défavorable à l'organisation de l'étape française des championnats du monde de plongeon Red Bull Cliff Diving, prévue le 16 juin, dans la Seine, en face de la tour Eiffel. Quelques semaines plus tard, un autre avis rendu le 27 juin était encore défavorable. Il concernait une activité de natation dans la Seine, organisée par la ville de Paris le 9 juillet, entre le pont de Sully et le pont Marie, en face de l'île Saint-Louis.

Les deux évènements ont tout de même pu se tenir grâce à des arrêtés de la préfecture de la région Ile-de-France, qui est donc passé outre les réticences des autorités sanitaires. D'après le journal L'Équipe , le premier adjoint de la ville de Paris, Emmanuel Grégoire, et l'adjoint au sport, Pierre Rabadan, faisaient eux-mêmes partie de la dizaine de nageurs qui se sont jetés à l'eau le 9 juillet. Cette manifestation s'est tenue sous les yeux de la maire Anne Hidalgo, qui était venue dévoiler les trois sites de baignades dans la Seine que la municipalité compte ouvrir au public en 2025.

La maire de Paris, Anne Hidalgo, entourée des participants à l'opération de nage dans la Seine organisée par la ville de Paris, le 9 juillet 2023, au coeur de la capitale, en face de l'île Saint-Louis. (BERTRAND GUAY / AFP)

Il faisait alors très beau temps au-dessus de la capitale mais c'est avec la pluie que la pollution a empiré pendant l'été. La qualité de la Seine est en effet très dépendante de la météo. Ce phénomène est particulièrement visible à la fin du mois de juillet et au début du mois d'août, période à laquelle de très fortes précipitations se sont abattues sur Paris. 

Une grande partie du plan baignade mené en vue des JO vise à réduire les afflux de pollution en cas de pluie. Il a notamment été décidé de construire des bassins de rétention. Il s'agit d'énormes piscines souterraines destinées à stocker l'eau des égouts. Le plus emblématique est celui de la gare d'Austerlitz, actuellement en travaux. Cet ouvrage d'environ 50 000 m3 doit être livré au printemps 2024. Mais les autorités ont d'ores et déjà prévenu que ce dispositif ne suffira pas en cas de gros orage.

"On va y arriver sur les petites et moyennes pluies. Mais lorsque les pluies sont trop importantes, on va déverser de l'eau non traitée."

Vincent Rocher, directeur délégué du Syndicat interdépartemental pour l'assainissement de l'agglomération parisienne (SIAAP)

à franceinfo

Jusqu'à l'été 2023, les organisateurs des JO étaient plus confiants pour les périodes de temps sec. "En période sèche, nous sommes capables de maintenir la baignabilité de la Seine", a ainsi affirmé Pierre Rabadan début août dans Le Point . Mais cette confiance a été mise à mal par la pollution relevée pendant les épreuves de triathlon, entre le 16 et le 20 août. Pourtant, il n'est pas tombé une seule goutte de pluie à Paris durant cette période.

Dans un retour d'expérience rendu public en septembre, la ville de Paris et la préfecture d'Ile-de-France ont expliqué les fortes pollutions de la mi-août par le dysfonctionnement d'une vanne du réseau d'assainissement parisien. "Ceci a conduit à un rejet dans la Seine d'un mélange d'eaux pluviales et d'eaux usées. Dès l'identification de l'origine du rejet, la vanne a été colmatée pour faire cesser l'incident et rétablir la qualité de l'eau", notent-elles dans un communiqué.

Les relevés sur le site olympique, pour le reste du mois d'août, montrent toutefois que les concentrations en bactéries E. coli sont restées supérieures au seuil des 500 npp/100 ml recherché par les fédérations internationales de natation et de triathlon. La limite de 900 npp/100 ml de l'ARS a elle aussi été de nouveau dépassée dès la fin du mois d'août.

Un objectif irréaliste ?

Dans son avis sanitaire du 25 juillet, l'ARS d'Ile-de-France s'était déjà inquiétée de la forte variabilité de la qualité de l'eau de la Seine. "Cette variabilité est constatée dans le temps et ne peut s'expliquer par les seules conditions météorologiques, écrit-elle. Ainsi, des pics ont été mesurés lors de la campagne du 28 juin 2023 sur deux points (Port des Invalides, Port du Gros-Caillou) alors même que le temps était sec sur les six jours précédents." Et de conclure : "La baignade pour tous en Seine ou en Marne n'est pas (encore) possible."

Cet objectif de rendre la Seine baignable est-il vraiment atteignable ? "Sa qualité [de l'eau] s'améliorait d'année en année et va encore s'améliorer d'ici l'année prochaine", martelait Anne Hidalgo au début de l'été dans L'Equipe . Le 10 janvier, à l'occasion de ses vœux, la maire de Paris a jugé que l'objectif avait déjà été atteint. "Tout le monde affirmait que c'était impossible, nous l'avons fait !", s'est-elle réjouie. Certes, un plus grand nombre de prélèvements ont été de qualité suffisante en 2022 et en 2023 par rapport à 2019 et 2021. Mais il n'y a pas d'amélioration notable entre 2022 et 2023. Et il n'y a qu'en 2020 que la Seine a tout juste approché la qualité recherchée. Cet objectif n'a été atteint qu'à la faveur d'un été exceptionnellement sec et des restrictions liées à l'épidémie de Covid-19.

En réalité, la Seine n'atteint pas la qualité exigée pour les lieux ouverts au public, comme c'est le cas pour le bassin de la Villette. Ce plan d'eau situé au nord-est de Paris est ouvert à la baignade depuis 2019. Chaque été, la qualité de l'eau y est jugée excellente.

A quelques mois des JO, les autorités veulent malgré tout continuer de croire que le pari de jouer des épreuves dans la Seine pourra être tenu. "On sera prêt à l'été 2024 pour qu'à la fois le triathlon et le marathon se tiennent dans la Seine", a réaffirmé Marc Guillaume, le préfet d'Ile-de-France, sur BFMTV, le 19 octobre. Aucune alternative n'a d'ailleurs été prévue. Selon Brigitte Légaré, "le plan B, c'est qu'on va nager dans la Seine".


Pour télécharger les données de la qualité de l'eau de la Seine, cliquez ici.

Pour télécharger les avis sanitaires de l'ARS d'Ile-de-France, cliquez ici.

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