Interview Paris 2024 : "La performance tricolore aux Jeux sera la meilleure jamais réalisée par le sport français", s'avance Claude Onesta

Le manager général de la haute performance au sein de l'Agence nationale du sport (ANS) se veut serein quant à la réussite sportive des Jeux de Paris.
Article rédigé par Apolline Merle
France Télévisions - Rédaction Sport
Publié
Temps de lecture : 7min
Claude Onesta, manager général de la haute performance au sein de l'Agence nationale du sport (ANS), le 3 octobre 2023 à Marne-la-Vallée (Seine-et-Marne). (MAXPPP)

Le compte à rebours est lancé. A J-100 du début des Jeux olympiques de Paris, Claude Onesta, manager général de la haute performance au sein de l'Agence nationale du sport (ANS), fait un dernier point d'étape pour franceinfo: sport, mercredi 17 avril, avant le lancement de l'événement planétaire.

Missionné pour prendre en charge le haut niveau dès 2017, l'ancien sélectionneur de l'équipe de France de handball dresse un premier bilan des mesures prises par l'ANS depuis sa création en 2019. "Nous arrivons dans la phase de concrétisation, rendue possible grâce à des investissements jamais eus auparavant", se félicite-t-il. "La performance tricolore aux Jeux sera la meilleure jamais réalisée par le sport français", s'avance même Claude Onesta.

Franceinfo: sport : Nous sommes à 100 jours de la cérémonie d'ouverture des Jeux, comment se porte le haut niveau français ? 

Claude Onesta : Les indicateurs sont favorables. Les résultats dans les compétitions intermédiaires sont bons, en comparaison avec là où nous en étions un an avant les Jeux de Tokyo. On a presque doublé le nombre de podiums. Le potentiel identifié est plus solide aujourd'hui qu'il ne l'était à Tokyo, c'est une certitude.

C'est ce constat qui vous permet de tabler sur une centaine de médailles à Paris (contre 33 à Tokyo) ? 

Mon métier est d'identifier les athlètes qui sont dans la situation de jouer les premiers rôles, et donc les médailles, dans leur discipline, pour ensuite les accompagner jusqu'au dernier jour afin de réaliser leurs buts. On a identifié 120 potentiels de médailles.

Mais imaginez, si je vous réponds 60 médailles, que vont dire les autres athlètes ? Qu'il y a la moitié d'entre eux en qui on ne croit pas ? Donc je ne veux surtout pas avoir une action qui pourrait déstabiliser les athlètes qu'on a essayé d'amener jusqu'ici.

L'ANS a beaucoup investi dans la préparation des athlètes au niveau des infrastructures, entraîneurs étrangers, matériel, aides financières individuelles... La dernière étape est la Maison de la performance, inaugurée le 10 avril.

La Maison de la performance est un outil dont les athlètes n'ont jamais pu bénéficier pendant les Jeux. Il s'agit d'une structure de 9 000 m², dédiée à leurs préparations, entraînements, soins et récupération, mais aussi à leur bien-être, avec des espaces avec un peu plus de sérénité. Autant de choses qui manquent normalement dans l'environnement des Jeux.

Lors des JO, on est un peu les uns sur les autres, les structures d'entraînement sont souvent éloignées et les horaires parfois complètement inadaptés. Nous avons donc voulu leur donner un espace à proximité du village olympique, avec tous les experts dont ils ont besoin, presque 24 heures sur 24. L'objectif est que nous puissions accompagner du mieux possible les athlètes jusqu'au dernier moment. Mais ce ne sont que des outils. Ensuite, c'est à l'athlète et à son entraîneur d'aller chercher la performance et conquérir la médaille.

Lors d'un entretien à Sud Ouest, vous parliez d'un problème d'approche en France sur la convertibilité d'un potentiel en médaille, et d'une médaille en titre. La France aurait un taux de conversion aux alentours de 50%, d'autres pays seraient plutôt à 75%. Que voulez-vous dire ?

C'est ce à quoi on s'emploie depuis des mois maintenant. Nous avions une approche globale, sans forcément traiter les problèmes particuliers que chacun éprouve. Quand on voit un athlète qui a du potentiel, ce qui nous intéresse, ce n'est pas de glorifier ce potentiel, mais de déceler tous les points de faiblesse qui restent et peuvent être générateurs d'échec. Plus on les aura gommés, plus ce taux de conversion va augmenter. En France, nous sommes capables d'amener les jeunes au niveau international. Mais après, il y a une gestion très spécifique... Comment monter sur le podium, puis sur la plus haute marche ?

"Cette approche était très approximative par le passé. On travaille dessus depuis le premier jour, afin de donner les outils supplémentaires pour franchir les dernières étapes."

Claude Onesta, manager général de la haute performance à l'Agence nationale du sport

à franceinfo: sport

C'est pourquoi nous avons mis en place ce "plan coachs", qui sera un des éléments déterminants de la réussite des Jeux. On constatait de la lassitude, une forme d'usure, chez certains entraîneurs. Je pense que nous avons redonné de l'énergie, de l'ambition et des moyens à ces entraîneurs qui portent leurs athlètes et vont participer à élever leur niveau de performance. 

Cela s'inscrit dans votre volonté de refonte du modèle sportif en France. Cette transformation a-t-elle atteint l'objectif espéré ?

Je pense qu'on a fait en cinq ans ce qui ne se serait pas fait en trente, si on n'avait pas fait bouger les lignes. Et ce n'est pas à ma gloire. Si les Jeux n'avaient pas été le rendez-vous, s'il n'y avait pas eu cet objectif et cette évaluation, nous ne serions pas allés aussi loin.

"Si je regarde d'où on vient, le chemin parcouru est déjà considérable."

Claude Onesta, manager général de la haute performance à l'Agence nationale du sport

à franceinfo: sport

Ce qui me plaît le plus, c'est de me dire que tout ce que l'on a construit aujourd'hui est bien sûr pour Paris, mais aussi une base pour mieux réussir Los Angeles, Brisbane, Milan et ensuite les Alpes françaises pour les Jeux d'hiver.

Le modèle doit rester en évolution pour continuer à innover et à avancer. On a posé un socle, avec des grands axes de développement qui vont porter le sport français vers la performance pour les prochaines années. 

Le combat a été rude ?

Le modèle en place, né dans les années 1960, avait bougé au fur et à mesure, mais pas toujours au rythme de ce qui se passe dans la sphère internationale. Quand vous avez un modèle un peu lourd, qui se réforme difficilement, vous perdez du terrain par rapport aux autres.

Claude Onesta est reconnu comme l'un des meilleurs entraîneurs de l'histoire du handball, l'ancien sélectionneur des Bleus est confiant concernant l'objectif de l'équipe de France olympique aux Jeux de Paris 2024. Il explique aussi comment améliorer la performance des athlètes français à travers son nouveau rôle en tant que manager général de la haute performance.
Paris 2024 : Claude Onesta est confiant pour les Jeux Claude Onesta est reconnu comme l'un des meilleurs entraîneurs de l'histoire du handball, l'ancien sélectionneur des Bleus est confiant concernant l'objectif de l'équipe de France olympique aux Jeux de Paris 2024. Il explique aussi comment améliorer la performance des athlètes français à travers son nouveau rôle en tant que manager général de la haute performance.

Et je voyais bien que depuis vingt ans, les performances avaient tendance à stagner, voire progressivement à diminuer, et que c'était inexorable. Cela signifiait qu'il fallait à tout prix engager ces transformations, ne serait-ce que pour être dans le concert international et la concurrence.

Vous êtes obligés de construire cette transition, voire cette réforme, avec des gens qui sont les garants du système actuel, et donc qui, à chaque fois, vous ramènent à ce qui se fait. Vous devez donc les convaincre de votre vision.

"C'est ce qui est compliqué : on vous voit arriver comme quelqu'un qui va déstabiliser le socle sur lequel ils reposent, eux et leur organisation."

Claude Onesta, manager général de la haute performance à l'Agence nationale du sport

à franceinfo: sport

On a donc perdu un peu de temps. C'est parfois un peu délicat, car vous devez leur expliquer que vous allez changer les choses parce qu'ils n'ont pas réussi à le faire, et que donc, à partir de demain, on va construire un modèle dans lequel, parfois, ils ne seront peut-être plus concernés ou sollicités.

On peut ainsi imaginer tout ce que cela peut générer comme résistance, voire comme opposition. Et ce, dans un temps qui était déjà contraint. A certains moments, la mission n'a pas été de tout repos, et pas toujours agréable, parce qu'il a fallu bousculer le système.

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