Paris 2024 : malgré un surcoût de plus de 80 millions d'euros, le nouveau centre aquatique olympique peut-il être rentable après les JO ?
Un îlot au milieu du béton. Comme une sorte d'Atlantide, mais en espérant que, cette fois, elle ne se fera pas engloutir. Les risques existent pourtant pour le Centre aquatique olympique, l'une des rares infrastructures sorties de terre pour les Jeux de Paris. Avec l'Adidas Arena Porte de la Chapelle à Paris, le CAO a été construit, en Seine-Saint-Denis, pour l'accueil d'épreuves des Jeux olympiques et paralympiques de 2024. Inauguré jeudi 4 avril par le président de la République Emmanuel Macron, il y abritera les épreuves de plongeon et de natation artistique, sur les deux semaines de compétition, ainsi que la phase préliminaire du waterpolo, en première semaine.
Le CAO répond surtout à un besoin important au sein de la Seine-Saint-Denis, département le moins bien loti d'Ile-de-France en piscines, avec seulement 37 piscines pour 1,6 million d'habitants. "En tant que maître d'ouvrage, la Métropole du Grand Paris, (...) va le laisser en héritage à la ville de Saint-Denis, au département de la Seine-Saint-Denis et à l'ensemble de la Métropole, s'est réjoui le président de la Métropole Patrick Ollier dans le dossier de presse, daté de mars 2024. Il s'est notamment félicité de disposer d'"un Centre aquatique olympique d'une grande modernité, avec quatre bassins de dimensions différentes dont un de dimension variable, qui va pouvoir accueillir le pôle France de plongeon et d'une modernité exemplaire permettant d'accueillir, en instantané, de 3 850 personnes, des scolaires aux plus grands compétiteurs."
"Une dimension multisportive" pour rentabiliser l'infrastructure
Le coût de cette infrastructure, qui comporte aussi le franchissement piéton et cycle de l'autoroute A1 reliant ainsi le Centre aquatique olympique au Stade de France, s'élève à 174,7 millions d'euros. Un financement intégralement public qui a fait parler. Dans le dossier de candidature, la piscine olympique devait initialement coûter moins de 70 millions d'euros, un coût affiné à 90 millions d'euros dans le projet définitif déposé en septembre 2017.
Pour rentabiliser le CAO en héritage, la Métropole du Grand Paris a misé sur la "dimension multisportive de l'équipement" afin d'en faire "un lieu de vie". Ses atouts : trois terrains de padel et trois autres de football à 5, une salle de fitness et une salle d'escalade de 1 000 m². Un lieu de restauration est également prévu, tout comme une recyclerie sportive. Si pour l'heure le lieu est réservé à l'accueil des JO, il sera transformé dans sa version définitive dès octobre prochain, avant une ouverture au public en 2025.
Un modèle judicieux selon Virgile Caillet, expert en économie du sport et délégué général de l'Union sport et cycle. "Si on ne garde qu'un bassin, les gens vont venir nager, et c'est tout. On sait que le prix d'entrée d'une piscine, qui oscille entre cinq et dix euros, n'est pas élastique. Il faut donc trouver d'autres moyens pour inviter les gens à rester, à consommer et à en faire un lieu de destination sportive", analyse-t-il.
"Avec les autres activités parallèles, cela devient presque un parc d'attractions sportives. On lui donne du sens en dehors des grandes compétitions."
Virgile Caillet, expert en économie du sportà franceinfo: sport
Le projet se veut diversifié, alors même que le modèle des centres aquatiques n'est généralement pas rentable, "notamment parce qu'il y a eu une explosion des coûts de l'énergie, et sur les volumes d'eau à chauffer et à maintenir en température, c'est très compliqué d'être à l'équilibre", appuie-t-il encore. S'il est encore trop tôt pour juger la rentabilité du CAO, Virgile Caillet se veut confiant. "Le CAO a été confié à un délégataire de service public, qui est plutôt un gage d'une bonne gestion." Si la partie restauration reste la plus rentable, "elle n'a de sens que si vous venez de faire une activité. Il est difficile de dissocier les deux", tranche l'expert en économie.
Le modèle du CAO n'est pas unique en son genre, et reprend ceux mis en place à l'Aquaboulevard à Paris (fréquentation estimée à 4,35 millions de visiteurs par an en 2019 selon le dossier de concertation réalisé en 2022), ou au Cercle des nageurs à Marseille par exemple. Ce dernier, club privé composé de 4 000 membres, accueille des athlètes de haut niveau et propose également des activités annexes, comme une salle de fitness, un terrain de pétanque et un espace restauration. Avec une fréquentation de près de 300 000 entrées par an, Paul Leccia, son président, reconnaît "qu'il n'y a que des dépenses et du déficit. Notre budget repose sur les recettes des cotisations (1 700 euros par an, et 2 300 euros de frais d'admission), quelques maigres subventions et du sponsoring". Mais il défend cet enjeu de lieu de vie, essentiel à la viabilité du club.
Des activités qui ont le vent en poupe
Un bon point est aussi donné pour les activités choisies, selon Virgile Caillet. "En Ile-de-France, il y a peu d'offres de padel comparées à la demande. En misant sur ce sport, il n'y a pas de risque de se tromper. C'est une activité qui a encore de très beaux jours devant elle, comme l'escalade d'ailleurs", remarque ce spécialiste. Cette offre multisportive permet aussi d'attirer un public varié ; la piscine d'un côté avec un public universel et intergénérationnel, et un autre plus jeune avec des nouveaux sports. "Ces centres multi-activités répondent aux attentes et aux aspirations de la génération millenials, de 20 à 35 ans, qui souhaite pratiquer une activité dans un contexte agréable, quand, où et avec qui ils veulent", souligne Virgile Caillet.
"Cela répond aussi à un phénomène que l'on constate dans les études : nous ne sommes plus le sportif d'un seul sport. Aujourd'hui, on estime qu'un Français qui a une activité physique régulière va pratiquer quatre activités différentes."
Virgile Caillet, expert en économie du sportà franceinfo: sport
Surtout, l'objectif était d'éviter que le CAO ne devienne un éléphant blanc, autrement dit une réalisation d'envergure prestigieuse s'avérant plus coûteuse que bénéfique. "C'était toute la difficulté d'avoir un équipement aux standards ambitieux dans le cadre des JO, et dont le département avait besoin, mais en étant dimensionné du point de vue économique et raisonné", soulève Virgile Caillet.
La capacité des tribunes suit également cette logique. "Construire un équipement de 15 000 places aurait été critiqué, avec l'argument qu'il n'aurait jamais été utilisé à plein. Le choix a été d'installer 5 000 places. La démarche de dire : 'On profite des Jeux pour disposer d'un outil olympique, tout en étant raisonné sur un plan économique a été la bonne'", estime-t-il. Grâce à ce nouveau Centre aquatique olympique, la France pourra aussi de nouveau accueillir les championnats d'Europe de natation, et ce, dès 2026. L'Hexagone ne les avait plus organisés depuis 1987, à Strasbourg.
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