Reportage JO 2024 : dans le centre multiconfessionnel au cœur du village olympique, "on préfère parler de 'géofraternité' plutôt que de géopolitique"

Installé au village olympique, le centre multiconfessionnel accueille les athlètes, leur staff et les volontaires qui le souhaitent durant la durée des Jeux olympiques et paralympiques.
Article rédigé par Apolline Merle
France Télévisions - Rédaction Sport
Publié
Temps de lecture : 6min
Les cinq religions  - chrétienne, juive, musulmane, bouddhiste et hindouiste - sont représentées au sein du centre multiconfessionnel, au village olympique, à Saint-Denis (Seine-Saint-Denis). Ici, deux moines bouddhistes se recueillent, le 23 juillet 2024. (APOLLINE MERLE / FRANCEINFO SPORT)

Devant un large préfabriqué gris, situé à l'extrémité sud du village olympique à Saint-Denis (Seine-Saint-Denis), loin de l'effervescence, deux prêtres, trois aumôniers protestants et un rabbin discutent à l'ombre d'un arbre, mardi 23 juillet. Ces religieux, accrédités pour les Jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024, sont rattachés au centre multiconfessionnel du village.

"Ce centre existe à chaque Jeux sur demande du Comité international olympique (CIO). Il est dans le cahier des charges des organisateurs", rappelle Jeanne Le Comte du Colombier, cheffe de projet du centre multiconfessionnel du village olympique et paralympique. Le lieu se veut discret, avec seulement quelques barrières floquées au "look des Jeux" et une affiche rose surplombant l'entrée, indiquant "Accueil du centre multiconfessionnel" et "Multifaith centre reception" en anglais.

"On ne peut pas dissocier" le corps de la spiritualité

Dans cet espace, 160 religieux, issus de cinq religions (chrétienne, juive, musulmane, bouddhiste et hindouiste) se relaieront pendant les Jeux. Jusqu'au 11 août (il rouvrira ses portes pour les Paralympiques), aumôniers, prêtres, rabbins, imams, moines bouddhistes et hindouistes seront aux côtés des athlètes et de leurs staffs, ainsi qu'auprès des volontaires qui le souhaitent. Ils auront un rôle d'écoute et d'accompagnement spirituel. "On ne peut pas dissocier la partie physique de la partie spirituelle et c'est le cas aussi pour les athlètes", souligne le grand rabbin, Moché Lewin.

Le centre multiconfessionnel est composé de salles de prière, d'espaces d'entretiens individuels ainsi qu'un bureau d'information comme ici, pour connaître les différents temps d'échange, de recueillement et de méditation. (APOLLINE MERLE / FRANCEINFO SPORT)

"La spiritualité n’est pas prise en compte dans les staffs, à la différence de l’aspect physique et mental, et est reléguée à la sphère privée, regrette Jérémie Del Zotto, aumônier protestant. C'est pourquoi nous sommes là, pour répondre à leurs besoins, pour s'entretenir avec eux. Nous sommes à leur service." Tous ont des formations en théologie et a minima un diplôme universitaire d’aumônerie. Certains sont aussi aumôniers dans les prisons, les hôpitaux et l'armée. "Nous avons aussi suivi une formation Paris 2024 pour nous occuper des personnes en détresse", explique la moine bouddhiste, Céline Maillot, et de son nom religieux, Ane Sonam. 

La salle de prière chrétienne est aménagée pour accueillir les catholiques, les orthodoxes et les protestants. (APOLLINE MERLE / FRANCEINFO SPORT)

Des salles dédiées aux entretiens individuels ont été installées ainsi qu'un bureau de renseignements pour y annoncer les prochains temps de recueillement, de célébration religieuse ou encore de méditation. Juste à côté, des salles de prières ont également été aménagées, les unes à côtés des autres. Chaque religion a décoré son espace. Dans la salle réservée aux chrétiens, les symboles des trois religions sont représentés, avec notamment une croix catholique, une bible protestante et des icônes orthodoxes. Des livres, des affiches et des petits espaces séparés par des rideaux blancs composent la salle. 

"Tout est fait pour qu'ils se sentent comme chez eux."

Jérémie Del Zotto, aumônier protestant

à franceinfo: sport

Les moines bouddhistes, situés à droite des chrétiens, sortent prendre l'air devant leur salle de prière. "Nous accueillons toutes les personnes qui souhaitent faire une pause, soit pour prier soit pour méditer. Ici, nous avons un espace hors du temps", glisse la moine bouddhiste Ane Sonam. Ici, on peut parler de tout, de sport ou bien d'autre chose, mais toujours avec un regard différent, un peu plus éloigné du monde du sport. 

"Être le plus universel possible"

La salle de prière juive est, elle, plus neutre en décoration, avec seulement une étagère, quelques livres et des photos fixées au mur des plus grandes synagogues au monde, comme la plus vieille de France à Carpentras ou la synagogue portugaise à Amsterdam, connue pour son éclairage intégralement à la bougie. "Il était important que chaque juif qui vient prier puisse retrouver l'atmosphère qu'il connaît", présente le grand rabbin, Moché Lewin.

Le grand rabbin Moché Lewin a décoré la salle de prière juive avec des affiches de plusieurs synagogues caractéristiques. Sur l'affiche de droite est écrit "Est", pour prier en direction de Jérusalem. (APOLLINE MERLE / FRANCEINFO SPORT)

Seule une porte sépare la salle de prière juive de celle des musulmans. “On la laisse ouverte, car nous trouvons ce geste fort en termes de symbole, explique Najat Benali, responsable de l’aumônerie musulmane. Comme les salles sont petites, s'ils ont besoin de plus de place certains jours, ils peuvent utiliser notre pièce, et inversement." Car ici, on laisse les conflits géopolitiques à l'extérieur. "Il y a une très bonne entente entre nous tous", confirme l'aumônier protestant Jean-Pierre Mihaljevic, tout en montrant une photo sur son téléphone prise la veille avec l'ensemble des représentants religieux devant les anneaux olympiques du village.

"Dans la société, on ne voit pas souvent les cultes réunis de la sorte. Ici, on préfère parler de 'géofraternité' plutôt que géopolitique."

Moché Lewin, grand rabbin

à franceinfo: sport

La salle de prière musulmane, située en face de petites cabines réservées aux ablutions, est la salle la plus neutre des cinq religions représentées. "Nous n'avons pas décoré la pièce afin d'être le plus universel possible et que chacun puisse s’approprier le lieu", présente Najat Benali. Une fois les chaussures laissées devant la porte d'entrée, on découvre une salle coupée en deux par des paravents, la partie gauche pour les hommes et la droite pour les femmes. Seuls deux tapis d'imam se distinguent dans la pièce, posés au sol, sous une feuille au format A4 dans une pochette transparente, sur laquelle a été imprimée un triangle vert avec le terme "Qibla", qui donne la direction vers laquelle doivent se tourner les fidèles pour la prière. Décorées ou non, chaque salle de prière remplit son rôle de parenthèse pour les athlètes. Imperméables à la pression des Jeux. 

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