Reportage "On n'a pas de place pour circuler, il n'y a pas de courant d'air" : à la prison de Nanterre, la crainte d'une surpopulation supplémentaire lors des Jeux olympiques

Article rédigé par Gaële Joly
Radio France
Publié
Temps de lecture : 3 min
Un surveillant dans le centre pénitentiaire des Hauts-de-Seine, à Nanterre. (CHRISTOPHE MORIN / MAXPPP)
En prison, l'inquiétude grandit à l’approche des JO de Paris 2024, qui devrait générer plus de délinquance et donc plus de détenus. Franceinfo a pu visiter le centre de détention de Nanterre, dans les Hauts-de-Seine.

Fraîchement réélu à l’Assemblée nationale, le député des Hauts-de-Seine, Pierre Cazeneuve (Renaissance) est venu exercer son droit de visite, accompagné du vice-bâtonnier de Nanterre, Fabien Arakelian. Dans le centre pénitentiaire de Nanterre, dans les Hauts-de-Seine, le taux d'occupation dépasse déjà les 180%.

Une visite surprise pour venir constater les conditions de détention dans cet établissement en surpopulation carcérale. Dès l'entrée, de nombreux rats grouillent dans la cour extérieure. L’élu accompagné du directeur avance de cellule en cellule dans les longs couloirs aux murs usés. "Vous êtes de quel parti ?", demande un détenu à l’élu. "Celui du président", répond Pierre Cazeneuve.

"Regardez, monsieur, nos conditions de détention, il y a des rats de compagnie dans la cour et des cafards par terre". 

un détenu

à franceinfo

Parfois, jusqu'à cinq détenus se partagent des cellules prévues pour deux personnes. (FABIEN ARAKELIAN / RADIO FRANCE)

Parfois, jusqu’à cinq détenus dorment dans la même cellule, matelas au sol. Ils ont mis un ventilateur à la fenêtre face à l’extérieur pour chasser l’air vicié de l’intérieur. "Ça fait un peu d’air. Dans certaines cellules, ils fument tous. C’est dur la promiscuité, partager les toilettes, alors qu’on passe parfois 28 heures enfermés les uns sur les autres avant la prochaine sortie dans la cour", témoigne un détenu. "On n'a pas de place pour circuler, il n'y a pas de courant d'air", déplore-t-il.

"C'est difficile pour nous, et même pour les personnels pénitentiaires, ils ont plus de travail en gérant des cellules de trois", se désole cet autre prisonnier.

Des prisonniers déplorent le manque d'aération dans certaines cellules. (FABIEN ARAKELIAN / RADIO FRANCE)

Des conditions de détention "indignes"

Les détenus ont été informés des risques de surpopulation avec les JO. "Avec les Jeux, il paraît que toutes les personnes qui sont dehors et qui pourraient faire des histoires, on les met ici", craint un prisonnier.  L’une des brigadiers-chefs de la prison confie travailler dans des conditions de plus en plus difficiles. "Nous avons beaucoup de détenus avec des profils psychiatriques (15% de la population carcérale contre 3% dans la population) que nous devons gérer et qui sont seuls en cellule."

"Là, nous avons un taux d’occupation qui est très élevé, c'est la première fois que je vois ça à Nanterre. Dans notre bâtiment, nous avons 33 matelas au sol, c’est beaucoup", dénonce-t-elle. "Heureusement que pour le moment, il ne fait pas chaud." 

Les détenus dénoncent des conditions de détention dégradées dans le centre pénitentiaire de Nanterre, dans les Hauts-de-Seine. (FABIEN ARAKELIAN / RADIO FRANCE)

En sortant, Fabien Arakelian, le vice-bâtonnier des Hauts-de-Seine, a du mal à cacher sa colère. Il se dit très préoccupé : "On ne peut pas ressortir indemne d’une telle visite. La dernière date d’il y a quatre mois et je croyais qu’on avait déjà touché le fond, mais là, on est en dessous du fond, avec 1 085 détenus pour 592 places théoriques et des conditions de détention indignes."

Des moyens et des places de prison supplémentaires

Pour le député des Hauts-de-Seine, Pierre Cazeneuve, "il est important de garder en tête que le rôle premier de la prison, c'est la réinsertion". L'élu apporte également son "soutien aux agents de l’administration pénitentiaire", notamment après l'attaque d'un fourgon au péage d'Incarville, dans l'Eure, qui a fait deux morts parmi les surveillants et trois blessés. 

"On leur doit des moyens supplémentaires, des places de prison, et on doit continuer la réflexion sur l’aménagement de la peine et les mesures alternatives à la détention pure et dure. L’objectif, c'est que des gens qui rentrent ici ne reviennent jamais." Une situation que déplore également le directeur du centre pénitentiaire des Hauts-de-Seine, qui assure faire ce qu’il peut avec les moyens qu’on lui donne.

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