Témoignages "Difficile de se contenir"... Quand les bénévoles des JO 2024 doivent réfréner les fans qui sommeillent en eux

Face aux athlètes qu'ils idolâtrent parfois, les 45 000 bénévoles engagés par Paris 2024 pour ces Jeux sont officiellement tenus de "faire preuve de réserve, de discrétion, de neutralité" envers tous les participants.
Article rédigé par Marion Bothorel
France Télévisions - Rédaction Sport
Publié
Temps de lecture : 5 min
Une volontaire, engagée sur les Jeux olympiques de Paris 2024, sur le tournoi masculin de beach-volley, le dimanche 4 août 2024, au pied de la Tour Eiffel à Paris. (THOMAS SAMSON / AFP)

Habituellement, en chambre d'appel, les athlètes font le vide. Mais, dimanche 4 août, alors qu'elle s'apprêtait à entrer sur la piste du Stade de France, Rénelle Lamote doit demander à un volontaire d'arrêter de la prendre en photo. Sur Instagram, la fondeuse française a raconté cette scène survenue avant sa demi-finale du 800 mètres. Une confession a posteriori et avec le sourire, car cela n'a pas empêché la Montpelliéraine de décrocher son ticket pour la finale. 

Selon la Charte du volontariat olympique et paralympique, les 45 000 bénévoles sont tenus de "faire preuve de réserve, de discrétion, de neutralité". Mais il est parfois difficile pour ces bénévoles, la plupart mordus de sports, de remiser leur casquette de fan, quand ils se retrouvent aux côtés de leurs idoles. 

Des volontaires tiraillés

Ceux engagés à Roland-Garros pour le tournoi olympique ont même eu droit à un rappel à l'ordre. "Des joueurs se sont plaints de volontaires qui insistaient pour prendre des photos avec eux. On nous a demandé de faire attention, la consigne est de laisser le téléphone dans le casier pour éviter toute tentation", relate Melvil. Entre deux années de classe préparatoire scientifique, ce fan de tennis de 18 ans est redevenu ramasseur de balles, après une première expérience il y a trois ans. 

Sur les courts Philipe Chatrier et Suzanne Lenglen, Melvil a même pu assister Novak Djokovic, Rafael Nadal, Gaël Monfils, Andy Murray et Carlos Alcaraz. "J'ai dû déposer une serviette autour du cou de Nadal, c’était un peu flippant", confie-t-il, encore éberlué des jours après la fin de sa mission.

"Il y a une part d’émerveillement quand on leur tient le parasol et quand ils nous remercient à la fin, un lien se crée."

Melvil, volontaire à Paris 2024

à franceinfo: sport

"C'est difficile émotionnellement de se contenir. On doit rester neutre, servir le joueur", même si, devant lui, Andy Murray fait ses adieux au tennis ou que Rafael Nadal quitte le tournoi olympique de simple au deuxième tour. Melvil évoque un "dilemme" partagé entre bénévoles : "Une partie de nous, le fan, voudrait prendre une photo avec un joueur mais l'autre partie, le volontaire, doit reprendre le dessus, en se disant qu'il faut le laisser tranquille". 

Au portique d'entrée sur la piste du Vélodrome de Saint-Quentin-en-Yvelines, Florent voit défiler devant lui les cyclistes engagés sur les épreuves olympiques. "C'est dur. On ne peut même pas sortir le téléphone pour se créer de souvenirs." Ce fondu de vélo de 25 ans doit se contenter "d'un sourire". Une consolation qui "ravit déjà notre cœur de fan". 

"On doit montrer l’exemple, tout le monde nous regarde, on ne peut pas foirer notre mission pour une photo souvenir !"

Florent, volontaire sur les épreuves de cyclisme sur piste

à franceinfo: sport

Des consignes ont été passées aux volontaires, dès la formation en ligne ces derniers mois, et répétées lors de briefings quotidiens. Au cyclisme, Florent a même reçu "l'ordre de ne pas parler aux athlètes", uniquement aux coachs. "L'objectif pour nous, c'est de se fondre dans le décor, d'être le plus invisible possible," résume Melvil. Voici pour la théorie.

En pratique, Auréline, Nantaise de 20 ans, a dû recadrer un volontaire lors de la cérémonie d'ouverture. Avec d'autres bénévoles, l'étudiante en STAPS devait guider des athlètes "fatigués et trempés" vers leurs bus à la fin du show. En voyant ces sportifs arriver, un volontaire de trente ans son aîné devient "fou", prêt à tout pour "avoir des photos, des drapeaux. Il allait jusqu'à taper l'épaule des athlètes pour les leur demander". "On n'est pas là pour une session de dédicaces", expose cette volontaire consciencieuse.

Les directives restent vagues et inégalement appliquées, selon les sites et le zèle des supérieurs. Luc, 61 ans, en a fait l'amère expérience. Ce salarié de la RATP est rattaché à la lutte, dont il est un ancien pratiquant à bon niveau. A l'Arena Champ-de-Mars, il n'a eu "aucun problème" à y tourner des courtes vidéos qu'il a ensuite postées sur les réseaux sociaux. "J’ai montré une vidéo à [Mijan] Lopez le champion olympique. Et un attaché de l’ambassade de Cuba a trouvé le film top, je lui ai envoyé" raconte le Parisien.

Quand samedi 3 août, Luc est envoyé, à la journée, sur un site d'entraînement d'athlétisme, il jubile : pile ce qu'il espérait en devenant volontaire, assister à ce qu'il n'aurait "jamais pu voir en tant que spectateur". Il se met alors à filmer jusqu'à ce qu'un chef s'interpose : "Il m’a dit que c'était interdit, que personne n'avait osé, que je devais arrêter tout de suite". Si l'affaire remonte, Luc n'écopera d'aucune sanction, tout comme ces bénévoles croisés par Florent au Vélodrome, "totalement happés par l'évènement, qui prenaient des photos à chaque passage de coureurs".

"C'est surtout une question de timing"

Il paraît difficile pour Paris 2024 de sanctionner ces volontaires, sur lesquels l'organisation compte tant. Si le retrait de l'accréditation plane au-dessus des têtes, des rappels au règlement ont suffi à calmer les plus fougueux, qui prennent, depuis, leur mal en patience.

Car une phrase revient en boucle : "C'est une question de timing". "Il faut sentir à quel moment on peut demander une photo", disent-ils. Eviter de le faire avant une entrée en lice, après une blessure ou une élimination. Ne jamais demander surtout, mais attendre que les athlètes proposent d'eux-mêmes, ce qu'ils finissent souvent par faire : Auréline et Melvil ont ainsi reçu des drapeaux et des pin's. Anatole, 22 ans, a même carrément été invité par l'équipe de basket américaine à participer à leur échauffement, avant le quart contre le Brésil. 

"Il faut refouler et revenir en tant que fan plus tard" conclut, en souriant Florent. D'ailleurs, il s'excuse de mettre fin à la conversation : ce n'est pas tant qu'il doit retourner à sa mission, mais il voudrait profiter d'être au Vélodrome pour assister à une finale, qui va commencer.

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