JO 2022 : les rêves d'ouverture envolés, le revers de la médaille du succès olympique chinois
Si les Jeux olympiques de Pékin 2008 ont fait espérer aux Occidentaux une amélioration en matière de droits de l'homme, ils ont surtout permis à la Chine d'affirmer sa puissance par des succès sportifs. Une candeur qui n'accompagne plus l'édition 2022.
En accueillant les Jeux olympiques et paralympiques d'hiver 2022, la Chine a tapé fort. Plus que l'obtention de l'événement, Pékin a réalisé ce qu'aucune autre ville au monde n'avait jusqu'ici réussi à faire : devenir la première à accueillir les Jeux d'été et d'hiver. Et ce, à quatorze ans d'intervalle. "C'est une fierté pour les Chinois, et surtout les Pékinois", souligne Antoine Bondaz, spécialiste de la Chine, chercheur à la Fondation pour la recherche stratégique (FRS) et enseignant à Science Po.
De la consécration à la reconnaissance
Si l'accueil des deux événements olympiques est une fierté, l'organisation des Jeux de 2022 a surtout permis à Pékin de franchir une nouvelle étape. "La Chine peut se présenter comme une grande puissance dans tous les domaines. Y compris dans celui des Jeux olympiques d'hiver, complètement trustés en termes de médailles par les pays occidentaux. On n'est donc plus dans la consécration, qui a été ressentie après les JO de 2008, mais dans la reconnaissance : désormais la Chine pèse dans tous les domaines, y compris les sports d'hiver", souligne Antoine Bondaz.
Ce que confirme Carole Gomez, directrice de recherche en géopolitique du sport à l'Institut de relations internationales et stratégiques (Iris) : "Les Jeux d'hiver ont un côté 'club restreint'. Si on peut trouver des pistes d'athlétisme un peu partout, ce n'est pas le cas des remontées mécaniques, des pistes de ski à bosses ou de bobsleigh. Ces installations expriment ainsi une avancée technique et technologique en termes d'infrastructures. Et ce sont des arguments dont les Chinois se servent dans leurs discours officiels."
Un héritage géopolitique envolé
Même si les Jeux de 2022 marchent dans la trace de ceux de 2008, "il faut toutefois bien les différencier", nuance le spécialiste des questions chinoises, Antoine Bondaz. D'abord, 2022 et 2008 se distinguent par le contexte géopolitique, notamment sur la question des droits de l'homme. Si des violations des droits humains étaient déjà rapportées avant 2008, ils étaient beaucoup moins documentés qu'aujourd'hui.
Le symbole de ce changement d'époque : en décembre dernier, les Etats-Unis, suivis par le Royaume-Uni, le Canada, l'Australie et le Japon ont décidé d'un boycott diplomatique. En 2008, le président des Etats-Unis George W. Bush avait assisté en personne à la cérémonie d'ouverture. "Il s'agissait de la première fois qu'un président américain se déplaçait pour une cérémonie d'ouverture organisée hors des Etats-Unis", précise Jean-Loup Chappelet, professeur émérite à l'Université de Lausanne et spécialiste des questions olympiques.
Il y a quatorze ans, les Occidentaux, bienveillants dans un premier temps, espéraient que l'arrivée de la Chine sur la scène mondiale sportive à travers les Jeux la rapprocherait d'eux. "Beaucoup ont espéré qu'accorder les Jeux de 2008 à Pékin permettrait de, non pas démocratiser, mais de libéraliser le pays, en matière de droit de l'homme ou autre, qu'il y aurait une amélioration, rappelle Antoine Bondaz. À l'époque, on parlait peu du Xinjiang, mais surtout du Tibet, et des violations des droits de l'homme dans le reste de la Chine. Il y a eu un espoir, mais c'est un espoir qui a été déçu. Comme il l'est très souvent." L'héritage espéré des Jeux de 2008 s'est alors envolé.
"En réalité, des précédents où les JO ont permis à eux seuls de libéraliser voire même de démocratiser un pays, il n'y en a pas."
Antoine Bondaz, chercheur à la Fondation pour la recherche stratégiqueà franceinfo: sport
En effet, deux ans après les Jeux de 2008, la Chine devenait la deuxième puissance économique mondiale, et Xi Jinping arrivait au pouvoir en développant un régime très autoritaire. "Finalement, analyse Carole Gomez, on se rend compte que cette vision des Occidentaux sur la Chine a été naïve, et que les Chinois ont profité de cette exposition pour s'affirmer sur la scène internationale et ensuite développer leur pays à leur manière", loin des modèles occidentaux.
Le sport "outil" pour montrer sa puissance
Les JO de 2008 ont consacré une politique menée de longue date par la Chine, utilisant le sport à des fins diplomatiques. "Ils ont été vécus comme une consécration. La Chine devenait une grande puissance, désormais capable d'organiser des événements comme les JO. La cérémonie d'ouverture a d'ailleurs été particulièrement grandiose, et a impressionné, peut-être même plus que les JO eux-mêmes et a eu un effet considérable en termes d'image", relève Antoine Bondaz.
Cette "consécration" pour Pékin venait ainsi récompenser plusieurs années de développement. "Depuis 1970, la Chine a beaucoup investi dans le sport, ce qui lui a permis d'arriver au sommet, notamment à travers les sports d'été, et d'organiser des événements comme les JO, les Jeux asiatiques, des championnats du monde, des coupes de monde de ski", poursuit Jean-Loup Chappelet. Des investissements qui ont surtout été motivés par "une vraie volonté de la Chine de faire du sport un levier et un outil de rayonnement pour montrer sa puissance", appuie Carole Gomez, directrice de recherche en géopolitique du sport à l'Institut de relations internationales et stratégiques (Iris).
L'arrivée dans la cour des grands
En 2001, trente ans après le lancement de sa politique sportive, la Chine remporte deux succès majeurs : Pékin est désigné ville hôte des Jeux olympiques et paralympiques de 2008, et le pays entre à l'Organisation mondiale du commerce (OMC). Sa croissance fulgurante impressionne au-delà de ses frontières. "On lui a ouvert la cour des grands par le prisme de l'OMC, avec une approche très commerciale et économique, et par celui du CIO", souligne Carole Gomez.
"Le discours de célébration pour l'obtention des Jeux donnait le sentiment que la Chine était désormais entrée dans le monde occidental avec les Jeux et l'OMC, car c'était la première fois que la Chine accueillait les Jeux sur son sol."
Carole Gomez, directrice de recherche en géopolitique du sportà franceinfo: sport
Ces Jeux de 2008 ont aussi fait changer la Chine de dimension sportive. Le sport s'est professionnalisé, des plans de préparation ont été mis en place, et de nombreuses structures sont sorties de terre. Un pari gagnant : en 2008, la Chine était, pour la première fois, la nation la plus titrée avec 51 médailles d'or, et un total de 100 médailles. "Elle a beaucoup investi dans les disciplines olympiques et paralympiques. Cette volonté politique d'investir dans le sport est aussi un héritage, y compris pour des raisons politiques. En effet, en termes d'image, la Chine, qui veut être une grande puissance, doit l'être dans tous les domaines, y compris dans le sport", remarque le spécialiste de la Chine, Antoine Bondaz.
Les Chinois ont repris la même logique pour 2022. "Ils ont beaucoup investi dans la préparation des équipes, comme le fait d'ailleurs la France par exemple avec Claude Onesta et l'Agence nationale du sport pour briller à Paris 2024. Ce n'est pas le tout d'organiser les Jeux, il faut avoir des médailles aussi. Et alors qu'ils ont terminé au 16e rang des nations à Pyeongchang, ils vont sans doute passer dans le Top 10 à Pékin", prédit Jean-Loup Chappelet, spécialiste des questions olympiques.
Le Grand chelem sportif dans le collimateur
Le plan sportif chinois, en action depuis les années 1970, vise aujourd'hui un but bien précis. "La Chine est dans la course au Grand chelem sportif, qui est pour un pays d'accueillir les Jeux d'été et d'hiver, les championnats du monde d'athlétisme et la coupe du monde de football, remarque Jean-Loup Chappelet. Il y a très peu de pays qui sont arrivés à le réaliser, car tout le monde ne peut pas organiser les Jeux d'hiver." Après les Jeux de 2022, il ne restera à la Chine qu'une seule case à cocher, celle de l'organsation de la coupe du monde de football, sa prochaine ambition.
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