JO 2022 : des sportives contraintes de lancer des cagnottes pour viser les Jeux olympiques de Pékin
Avec le report des Jeux olympiques d'été de Tokyo d'un an, les athlètes qui pratiquent des sports d'hiver ont du mal à trouver des financements pour les Jeux d'hiver de Pékin 2022.
Seule Française à pratiquer le skeleton à haut niveau, Agathe Bessard, 22 ans, rêve de devenir la première tricolore à représenter la France dans sa discipline aux Jeux olympiques d’hiver. Dans un sport très coûteux, elle a lancé une campagne de financement participatif afin de l’aider à se qualifier. Avant elle, d’autres sportives ont également eu recours à des cagnottes pour financer leur saison pré-olympique, dans des sports non-professionnels et peu médiatisés mais très onéreux en termes de préparation et de matériel.
Pour préparer au mieux les manches qualificatives aux Jeux de Pékin 2022, Agathe Bessard a fait le choix de s’attacher les services d’une entraîneuse lettone, Lelde Prideluna, qui avait participé aux derniers JO d’hiver. Un choix sportif mais coûteux pour la jeune Savoyarde, avec un budget pour une saison qui s’élève à environ 85 000€ : "Le soutien de mon club est très important, mes sponsors aussi, et mes parents en financent près de la moitié", explique-t-elle. La Fédération française des sports de glace (FFSG) l’aide également, mais a des moyens très limités pour le skeleton. L’Agence Nationale du Sport (ANS) ne lui verse pas de subventions pour cette discipline car la jeune sportive n’a pas encore obtenu de résultats ou de médailles en compétitions internationales. "C’est à nous de prouver à la fédération qu’elle doit investir sur nous", relativise Agathe Bessard.
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Comme la skeletoneuse, Tifany Huot-Marchand, patineuse de vitesse, a lancé une cagnotte, fin 2020. Une saison de short-track lui coûte environ 15 000€ : "Les bottines, moulées à nos pieds, coûtent environ 2000€ la paire. On ne les refait pas tous les ans, mais en revanche les lames des patins coûtent 500€ la paire et on en change environ quatre fois par ans". Depuis un an, elle a obtenu un poste à l'INSEP qui lui permet de se concentrer sur son sport, mais contrairement à Agathe Bessard, elle n’a pas trouvé de sponsors : "Je n’ai pas de partenariats financiers mais je suis aidée par la ville de Belfort. Sans elle, ça fait bien longtemps que j’aurais arrêté de patiner. On intéresse du monde seulement pendant les Jeux, mais en dehors de ça, on n’est pas beaucoup médiatisées", regrette-t-elle. Et le report des Jeux d’été de Tokyo en 2021 a été préjudiciable aux athlètes qui pratiquent des sports d’hiver, puisque les sponsors ne se sont intéressés à eux qu’après l’évènement estival, avec un an de retard.
Le lancement d'une cagnotte, un pas difficile à franchir
Face à ses frais compliqués à assumer pour des sportives non-professionnelles, qui ne peuvent pas travailler à temps plein, Agathe Bessard et Tifany Huot-Marchand ont décidé de lancer une cagnotte. Tout comme Camille Cabrol, qui pratique le ski de bosses. Mais pour cette dernière, étudiante en licence de management de la relation commerciale et monitrice de ski sur son temps libre, le lancement de cette campagne de financement participatif n’a pas été facile : "On a quand même une belle vie, on fait ce qu’on aime, on voyage. Je n’avais pas envie que les gens pensent que je voulais de l’argent facile. Mon entourage comprend que le sport de haut niveau représente des sacrifices, que ça coûte cher, mais pour d’autres, cela peut paraître malvenu".
Comme Tifany Huot-Marchand, Camille Cabrol a bénéficié du soutien du Collectif des Sportives, qui promeut le sport féminin. "On pratique déjà un sport peu connu, et en plus on est des filles, c’est un peu la double peine pour nous. C’est difficile de se dire qu’on est une femme, dans une petite discipline, et le fait qu’on doive lancer une cagnotte pour atteindre nos objectifs, c’est un signe fort", souligne la patineuse de vitesse.
Des fonds réinvestis immédiatement pour performer
Si la cagnotte lancée par Agathe Bessard est toujours en ligne jusqu'au 23 novembre, celles lancées par Tifany Huot-Marchand et Camille Cabrol en 2020 ont dépassé leurs attentes. La bosseuse a réussi à récolter un peu plus de 6000€, une fois les frais de la plateforme déduits. "J’ai aussi réussi à toucher des gens et des entreprises qui ne se seraient pas intéressés à moi autrement et qui sont devenus des sponsors", se réjouit-elle. Cette somme lui a notamment permis de régler sa cotisation à la Fédération française de ski, qui s’élève à 4000€ par an, en échange de la prise en charge de tous les frais de déplacements et de la mise à disposition d’un entraîneur. "Ça m’a aussi permis de financer mon préparateur mental, une diététicienne, des compléments alimentaires, du matériel de préparation physique et de récupération", ajoute-t-elle.
Ce sont des petits détails qui, accumulés, représentent un gros budget mais peuvent faire la différence en compétition
Camille Cabrolà franceinfo:sport
De son côté, Tifany Huot-Marchand a récolté environ 3000€, qu’elle a investis dans du matériel de patinage, dans son alimentation et dans sa préparation mentale : "Je suis suivie par une préparatrice mentale depuis quatre ans, une fois pas semaine. C’est un coût, mais c’est clairement indispensable. Sans ça, j’aurais du mal à garder la tête hors de l’eau", assure-t-elle.
Un soutien certes financier mais aussi moral
Outre la tranquillité financière, les cagnottes ont également apporté de la sérénité à ces athlètes. "Ça m’a permis de me sentir moins dépendante de mes parents, qui finançaient la moitié de ma saison, et ça m’a soulagée dans le sens où, si j’avais besoin de quelque chose pour ma performance, je disposais de suffisamment d’argent pour l’acheter, sans faire de compromis sur autre chose. Ça permet aussi de se concentrer davantage sur l’aspect sportif", témoigne Camille Cabrol.
La bosseuse s’est également sentie soutenue par des inconnus qui ont accepté de participer au financement de sa saison : "Il y a eu beaucoup de partages et je le prends vraiment dans un sens positif, sans me rajouter de pression, mais ça donne envie de bien faire pour montrer qu’ils ne m’ont pas aidée pour rien". Tifany Huot-Marchand la rejoint : "Se dire que des gens nous soutiennent, ça fait une grosse différence. Ça donne une force supplémentaire". Une force qui leur servira certainement dans les dernières manches qualificatives pour les Jeux d’hiver à Pékin, qui se déroulent jusqu’à décembre pour le short-track et jusqu’à mi-janvier en ski de bosses et en skeleton.
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