JO de Paris 2024 : comment la technologie a permis au taekwondo de faire taire les critiques sur sa subjectivité
Il est dix heures du matin passées quand Cyrian Ravet réalise l'enchaînement parfait. Un coup de pied à la tête puis au plastron font s'allumer les diodes qui encadrent l'octogone placé sous la nef du Grand Palais. Le Tricolore de 21 ans, éliminé en quarts de finale, a fini la journée médaillé de bronze. Ces flashs rouges ne sont pas nouveaux, mais ont été témoin de l'évolution rapide du taekwondo, un sport secoué par des polémiques sur l'arbitrage au début du siècle.
Elles prennent racine dès l'arrivée du sport au programme des Jeux olympiques, en 2000 à Sydney. Le matériel n'est pas encore électronique. Le taekwondo est alors un sport "jugé" : comme à la boxe, ce sont des juges qui estiment si un coup a bien été mis ou pas. Pour marquer un point, il faut que trois juges sur quatre a minima le valident dans un intervalle de deux secondes. De ce fait, ce "sport était vraiment soumis au jugement humain et à l'arbitrage", admet Gwladys Epangue, médaillée de bronze en moins de 67 kilos en 2008 et consultante pour franceinfo: sport.
Réclamations à gogo
A Pékin, en 2008, le vase déborde. Le tournoi olympique est quotidiennement marqué par des critiques très virulentes sur des décisions prises par les juges estimées incompréhensibles. Sébastien Michaud, canadien, combattait dans la catégorie des moins de 80 kilos. A l’issue d'une rencontre en quarts face à l'Azerbaïdjanais Rashad Ahmadov, achevée sur le score de 0 à 0, les juges ont donné la victoire à son adversaire. Le clan canadien a déposé une réclamation, sans succès.
"Ils nous ont dit de ne rien dire contre les arbitres ici. Qu'ils allaient être vraiment corrects. Mais ils sont aussi pourris que d'habitude. Ils rendent toujours la mauvaise décision", déballait-il à la presse après sa défaite. Les Canadiens ne sont pas les seuls à déposer réclamation à cause de l'arbitrage. Les Américains et les Britanniques l'ont aussi fait pendant la compétition. L'édition finit même sur l'agression d'un arbitre par le Cubain Angel Valodia Matos. L’image du sport est abîmée auprès du public, mais aussi du CIO.
La Fédération internationale de taekwondo, qui "a toujours été un bon élève et a toujours réagi aux remontrances du CIO", affirme Epangue, notamment sur l'équité, prend rapidement le problème à bras-le-corps. Les plastrons connectés, testés aux championnats d’Europe de Rome en 2008, sont généralisés à partir de 2010 et utilisés aux Jeux de Londres en 2012. Une innovation déjà à l'étude depuis 2006, Gwladys Epangue ayant été, à l'époque, "sollicitée pour aller en Suisse essayer du matériel électronique".
Capteurs et arbitrage vidéo
Ces plastrons, bleus ou rouges, permettent de savoir si le coup a bien été porté (une intensité minimale est requise pour que ledit coup soit validé). A partir de 2016, c'est le casque qui devient lui aussi connecté, à l'instar des pitaines (des mitaines pour les pieds utilisées par les taekwondoïstes). "C'est vraiment une avancée pour notre sport, insiste la médaillée de bronze de 2008. Ça laisse aussi plus de place au combattant pour décider lui-même de son destin, parce que l'électronique ne fait pas de politique." Les combats bénéficient également de l'arbitrage vidéo. Si un coach ou un combattant estime qu'un point n'a pas été accordé alors qu'il aurait dû l'être, il leur est possible de le réclamer, comme le challenge avec le hawk-eye au tennis.
Le taekwondo avait également besoin de rendre plus compréhensible ses règles pour le grand public. "On avait besoin d'en faire un sport que tout le monde peut comprendre rapidement, ça le rend populaire", insiste notre consultante. Les juges n'ont cependant pas totalement disparu de l'octogone. Il en reste deux, avec l'arbitre central. Ils permettent de mettre des points en plus si un mouvement est effectué avec un retourné (une technique particulière) ou si un taekwondoïste met un coup de poing au plastron, car les gants ne sont pas équipés de capteurs. C'est peut-être la prochaine évolution, puisqu'en sept éditions aux Jeux olympiques, le sport a continuellement évolué et aucune n'a été identique à la précédente.
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