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US Open : pourquoi un Grand Chelem de Novak Djokovic pourrait faire de lui le "plus grand joueur de l'histoire" du tennis

Vainqueur des trois premiers Majeurs cette saison, le n°1 mondial peut réaliser une passe de quatre inédite depuis 52 ans chez les hommes, s'il remporte le tournoi new-yorkais qui débute lundi à Flushing Meadows.

Article rédigé par franceinfo: sport - Sami Sadik
France Télévisions - Rédaction Sport
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6 min
Novak Djokovic s'est qualifié en finale de Wimbledon en dominant Denis Shapovalov en trois sets, vendredi 9 juillet. (GLYN KIRK / AFP)

La bataille fait rage depuis plus de quinze ans. Sur dur, sur gazon, sur terre battue, Roger Federer, Rafael Nadal et Novak Djokovic ont porté leur rivalité jusqu'à engranger chacun 20 titres du Grand Chelem et se disputer le titre honorifique – et ô combien débattu – de "meilleur joueur de l'histoire". Mais en cet été 2021, le Serbe tient peut-être l'occasion d'asséner le coup de grâce.

Vorace comme jamais cette saison, le "Djoker", incontestable numéro un mondial, est aux portes d'un incroyable Grand Chelem calendaire. Vainqueur de l'Open d'Australie, de Roland-Garros et de Wimbledon, il peut rafler l'ensemble des Majeurs cette année en cas de victoire à l'US Open, qui commence lundi 30 août. Du jamais-vu depuis 1969 chez les hommes.

À l'époque, Neil Armstrong et Buzz Aldrin viennent tout juste de planter le drapeau américain sur la Lune, mais sur leur sol natal, c'est un Australien qui se propulse dans une autre dimension. Rodney George Laver, dit "Rod", enlève l'US Open sur un court new-yorkais rincé par la pluie avant le match. Ce n'est que la troisième fois qu'un joueur remporte les quatre titres du Grand Chelem lors de la même saison après Don Budge en 1938 et... Rod Laver himself en 1962. Sauf qu'en 1969, "Rocket" (le surnom de Laver) réalise ce carton plein alors que les tournois du Grand Chelem accueillent enfin tous les meilleurs joueurs, qu'ils soient amateurs ou professionnels.

Sur les traces de la légende Laver

"Des joueurs ont déjà gagné trois titres du Grand Chelem en une saison, mais voir quelqu'un arriver à l'US Open en ayant remporté les trois premiers, ce n'est pas arrivé depuis très longtemps et ça paraît fou vu la concurrence aujourd'hui", rappelle l'ex-joueur Arnaud Clément à franceinfo: sport. Cette concurrence, Djokovic est pourtant en train de l'assommer à mesure qu'il s'approche du mythique exploit de Laver.

Raquette en bois à la main, "Rocket" n'a pas tout de suite réalisé la portée de son exploit en 1962 puis 1969. "C'était excitant de sortir du court en sachant que j'avais gagné les quatre Majeurs en une année. Mais je n'ai jamais senti que j'étais le meilleur, je n'ai jamais pensé comme ça. C'était juste une bonne année", racontait-il après son premier Grand Chelem calendaire. Près de 60 ans plus tard, ses exploits ont pris une tout autre dimension et le gaucher australien est l'un des monstres sacrés du tennis. L'un des visages qui figurerait sur l'hypothétique mont Rushmore de la balle jaune.

Le court central de l'Open d'Australie, la deuxième maison de Novak Djokovic (neuf victoires à Melbourne), a d'ailleurs été rebaptisé Rod Laver Arena en 2000. Roger Federer a aussi puisé dans l'héritage de l'Australien en 2017 pour lancer une compétition opposant les meilleurs Européens au reste du monde : la Laver Cup. Même l'Australien a enfin pris conscience de l'exploit réalisé en 1969 : "C'est incroyable quand je regarde les joueurs qui ont joué ces 50 dernières années, que ce soit Connors, McEnroe, Becker, Sampras, ou Federer, Nadal et Djokovic actuellement", reconnaissait l'Australien en 2019 sur le site de l'ATP, au moment de souffler les 50 bougies de son "Calendar Slam".

Djokovic, le maître des surfaces

Difficile, pourtant, de contester qu'un carton plein de Djokovic cette saison aurait une tout autre portée. "Regardez la concurrence, le talent et les surfaces, confiait Laver en 2012 à ESPN. Ce n'était pas aussi dur pour moi." Lors de l'US Open 1969, "Rocket" avait disputé sa finale devant 4 000 personnes et pour un prize-money de 16 000 dollars. Loin, très loin des 2,5 millions de dollars qui récompenseront le vainqueur cette année. Mais s'il distribuait moins de billets verts, le tennis de l'époque était pourtant plus vert qu'aujourd'hui. Littéralement.

"Trois des quatre Grands Chelem se jouaient sur gazon, Wimbledon mais aussi l'Open d'Australie et l'US Open. Il n'y avait donc que deux surfaces (avec la terre battue de Roland-Garros)", rappelle Arnaud Clément. Les courts en dur ne sont arrivés qu'en 1978 à Flushing Meadows et en 1988 à Melbourne. Cette même année, Steffi Graf avait réalisé le premier Grand Chelem sur ces trois surfaces, y ajoutant même l'or olympique à Séoul.

Quatrième à Tokyo, Novak Djokovic n'égalera pas ce Grand Chelem doré mais peut tout de même écrire une nouvelle page de l'histoire du tennis, et affirmer encore un peu plus son image de joueur le plus complet de tous les temps. "C'est le cas, simplement en regardant son palmarès et ses résultats. C'est le seul qui a gagné deux fois chaque Grand Chelem, il a aussi gagné tous les Masters 1000, dont ceux sur terre battue", confirme Arnaud Clément. Capable de terrasser Federer sur le gazon de Wimbledon et Nadal sur l'ocre de Roland-Garros, le "Djoker" peut réaliser un exploit qui semble déjà hors d'atteinte pour ses deux rivaux, aux corps de plus en plus fatigués et d'ailleurs absents à New York pour contrecarrer les plans du Serbe.

La fin du débat sur le "GOAT" ?

De là à en faire le meilleur joueur de tous les temps (le "GOAT", "Greatest Of All Time" en anglais) en cas de victoire à Flushing Meadows ? C'est un pas que franchit Goran Ivanisevic, ex-colosse du circuit et consultant auprès du Serbe. "S'il gagne l'US Open, je pense que (le débat) est terminé", tranchait le Croate sur Eurosport après Wimbledon. "Je suis assez d'accord avec Ivanisevic, par rapport à son palmarès, au-delà d'un 21e titre en Grand Chelem s'il gagne l'US Open. Ce Grand Chelem calendaire, c'est quelque chose d'incroyable, que personne n'a fait dans l'ère moderne", abonde Arnaud Clément.

Plus prudent, Novak Djokovic avait écarté la question telle une vulgaire balle de break, après son titre sur le gazon londonien : "Je me considère comme le meilleur et je pense que je suis le meilleur, sinon je ne serais pas aussi confiant au moment de remporter des Grands Chelems et d'écrire l'histoire. Mais si je suis le meilleur de tous les temps ou non, je laisse ce débat à d'autres."

Le Serbe a sans doute en tête sa mésaventure lors du dernier US Open, quand une balle expédiée sur une juge de ligne avait provoqué sa disqualification. Et les JO de Tokyo ont montré que le patron du circuit pouvait toujours craquer mentalement, à l'image de cette raquette balancée en tribunes face à Pablo Carreno Busta. Maîtriser ses nerfs en plus de ses adversaires à New York, voilà la mission de Djokovic. Le titre de "GOAT" est peut-être à ce prix.

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