JO 2024 : cinq kilomètres de nage par match, apnée forcée, coups dans les parties intimes... Le water-polo, le sport le plus difficile du monde

La première demi-finale du tournoi masculin, remportée vendredi par la Serbie contre les Etats-Unis à l'Arena Paris La Défense (10-6), a permis de constater de visu ce que l'on pressentait : le water-polo est un sport de mutants.
Article rédigé par Julien Lamotte
France Télévisions - Rédaction Sport
Publié
Temps de lecture : 4 min
Le Serbe Nemanja Ubovic à la lutte avec l'Américain Hannes Daube, lors de la demi-finale du tournoi olympique de water-polo, à l'Arena de Paris La Défense, le 9 août 2024. (ANDREAS SOLARO / AFP)

D'abord, l'impression visuelle à l'entrée des joueurs dans le bassin : des golgoths. Comptez entre 1,90 et deux mètres. Des blocs de granit. Les poloïstes serbes et américains, par leur carrure, pourraient jouer dans un péplum. Sauf, qu'ici, en demi-finales des Jeux olympiques, vendredi 9 août, ils ne se battent pas avec des lances ou des tridents, mais autour d'un ballon. L'eau y a certes remplacé le sable de l'arène mais il s'agit pourtant bien d'un combat. Certainement, dans le monde du sport, le plus exigeant de tous. 

Pour schématiser, si on veut exceller au water-polo, il faut être mi Léon Marchand, mi Mikkel Hansen. Savoir nager comme le Poséidon français et tirer au but comme le Thor danois. Le tout pendant quatre périodes de huit minutes durant lesquelles les sept guerriers d'une équipe ne disposent que de 30 secondes pour tenter de marquer, sans jamais être autorisés à prendre pied au sol, ni sur les rebords. Bref, une torture. 

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"C'est un sport hyper complet", nous éclaire Lou Counil, ancienne internationale tricolore et consultante pour franceinfo: sport. "Il faut de l'endurance pour pouvoir répéter les efforts et parcourir cinq kilomètres de nage par match, de la vitesse pour sprinter et de la force pour passer son vis-à-vis en un contre un." Mais la discipline n'est pas que physique. Ce serait presque trop facile.

Essayez de vous maintenir en position statique en pratiquant un battement de jambes en rétropédalage pour ne pas couler, avant d'attraper un ballon à une main avec généralement une gerbe d'eau ou un coude adverse qui vous arrive dans les yeux. Puis tentez d'effectuer un ciseau pour propulser la partie haute de votre corps hors de l'eau et déclencher un tir à travers une forêt de mains. Essayez. Hormis la noyade, vous ne risquez rien. 

Vous ne serez donc pas surpris d'apprendre, peut-être, que le très sérieux Bleacher Report a classé le water-polo comme "sport le plus difficile du monde" en 2011 [article en anglais]. Pour établir son classement, le site américain s'est basé sur plusieurs critères, notés sur 10 : vitesse, endurance, force, agilité, technique et coups reçus. Avec 44 points sur 60, le water-polo devançait les Australian Rules (sorte de rugby en plus barbare), la boxe, le rugby justement et le hockey sur glace. Le leader de ce classement pourrait écraser davantage la concurrence si cette discipline, créée en Inde par des officiers britanniques au milieu du 19e siècle, avait gardé ses règles initiales. A cette époque, on pouvait en effet couler son adversaire. On y était même encouragé.

A "la pointe" du combat

Dans les faits, aujourd'hui, on n'en est pourtant pas si loin. Il suffit de regarder l'énorme bouillon à "la pointe" (ce lieu de fixation devant les buts où la prise de position préférentielle est primordiale) pour constater que, comme le rappelle Lou Counin, "le water polo est avant tout un sport de combat". Avec, pour seule armure, un simple casque pour se protéger les oreilles et ne pas se faire percer les tympans... 

Malgré une salle aussi remplie que lors d'une finale de 100 m nage libre, les cris des poloïstes déchirent l'Arena. Soit pour signifier qu'ils sont démarqués, soit pour exprimer des cris de douleur. Dans la zone de pointe, on voit ainsi des têtes disparaître sous l'eau pendant plusieurs secondes, et des corps de plus de 100 kilos être balancés. Spectacle impressionnant où le spectateur souffre avec le nageur, où il craint même pour la santé de ce dernier. Pourtant, Ema Vernoux, internationale française, assure "n'avoir jamais vraiment eu peur de se noyer. On s'entraîne pour ça, on a l'habitude". 

Tandis que le ballet des remplacements, pour suppléer un joueur aux muscles tétanisés ou au cardio dans le rouge, rythme le match, les arbitres, véritables lilliputiens au pays de ces Gulliver, tentent comme ils peuvent de repérer les fautes. Ce n'est pas ce qui manque et le pugilat aquatique ne fait que le confirmer. "C'est un peu comme au judo où il faut attraper le kimono de son adversaire. Sauf qu'ici on s'agrippe par le maillot", avance Lou Counin. 

"Tant que l'arbitre ne voit pas, on peut tout faire"

Ema Vernoux, internationale française de water polo

à franceinfo: sport

Affleure ici la partie immergée de l'iceberg. Celle qui fait, aussi, la réputation du water-polo. Celle des coups invisibles mais pourtant bien réels. Celle des coups bas surtout. Chez les filles comme chez les garçons, où viser les parties intimes de l'opposant(e) fait partie intégrante du jeu. "Si on ne supporte pas de prendre des beignes, on ne fait pas ce sport", affirme en préambule Ema Vernoux. Bravache, elle poursuit : "On se tire le maillot, on se donne des coups de pieds, des coups de poings, des coups de genoux. Il ne faut avoir aucune hésitation". 

Sans que cela ne tourne au tristement célèbre "bain de sang" ayant opposé l'URSS et la Hongrie en 1956, il n'est pas rare que les poloïstes sortent du bassin avec une arcade ouverte ou une lèvre fendue. "J'ai eu le nez dévié récemment", se souvient Ema Vernoux. Sa devancière chez les Bleus, Lou Counin, rappelle, elle, que "la VAR, sur certaines compétitions, sert désormais à traquer les brutalités". Avec, jusqu'ici, un effet relatif. Au water-polo, ce qui se passe sous l'eau, reste sous l'eau. 

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