Les opposants au mariage des homos, une famille éclatée
Eglise catholique, mouvement traditionaliste, associations familiales... Chacun souhaite se faire entendre du gouvernement, mais leurs méthodes diffèrent.
MARIAGE ET HOMOPARENTALITE - En coulisses, chacun fourbit ses armes en vue de la bataille sur l'ouverture du mariage et de l'adoption aux personnes du même sexe. C'était l'une des promesses de campagne de François Hollande, l'engagement 31 du candidat. Dominique Bertinotti, ministre déléguée à la Famille, a répété jeudi 2 août sur Europe 1 que le texte portant sur ces mesures "devrait être voté dans le premier semestre 2013".
Et déjà les opposants au mariage et à l'adoption pour les couples homosexuels s'organisent. Ils marchent des œufs : comment protester sans apparaître caricatural ? De quelle façon intervenir dans le débat ? Les stratégies pour aborder le sujet divergent.
Les traditionalistes promettent une lutte "crescendo"
L'Institut Civitas, mouvement catholique traditionaliste, a déjà frappé fort en lançant des affiches ouvertement hostiles aux homosexuels fin mai. Mais ce n'était qu'un début, promet Alain Escada, secrétaire général de Civitas. Interrogé par FTVi, il explique la mobilisation de son mouvement "ira crescendo". Pour lui, l'accès au mariage et à l'adoption pour les couples homosexuels constituerait une "dénaturation du mariage et une remise en cause de la famille telle qu'on la connaît depuis des siècles, c'est quelque chose d'inacceptable". "Si l'on remet en cause l'une des conditions du mariage, l'union d'un homme et une femme, pourquoi ne pas remettre en cause la seconde condition, à savoir l'union de deux personnes ? Pourquoi ne pas légaliser la polygamie ?", ironise le secrétaire général de Civitas.
Alain Escada prévoit donc de lancer une "mobilisation méthodique" dès septembre. Organisations de débats, communication sur les réseaux sociaux, tractages, manifestations, mais aussi "lobbying auprès des députés, des sénateurs et de l'ensemble des élus", une campagne "tous azimuts" pour faire en sorte que "semaine après semaine, des opérations soient lancées partout en France", affirme-t-il.
Les modérés veulent "débattre et argumenter"
Mais cette communication choc dérange nombre d'opposants. A l'image de Xavier Lacroix, théologien catholique et membre du Comité consultatif national d'éthique, qui dit à FTVi "redouter des actions coup de poing". Selon lui, le discours tranché et provocateur de Civitas "attire le regard des médias". "C'est totalement contre-productif. On pointera l'intégrisme et l'extrême droite... " Ce professeur de théologie morale aimerait pouvoir "débattre et argumenter" en mettant en avant "l'intérêt de l'enfant, qui est de grandir avec un père et une mère". Pour Xavier Lacroix, "le mariage n'est pas que la consécration d'un amour, c'est aussi une institution qui fonde une famille". "Il faut aussi faire valoir les manuels de psychologie, remplis de dizaines de milliers de pages qui montrent tout ce qu'un enfant doit au fait de grandir avec un homme et une femme", explique-t-il.
Prendre la parole ou se taire ? "Dès que l’on exprime un questionnement, on est assimilé à des ringards ou à des intégristes", regrettait, début juillet, François Fondard, président de l’Union nationale des associations familiales (Unaf), interrogé par La Croix (article payant). L'Unaf a prévu de participer au débat, mais refuse pour le moment de s'exprimer, preuve que le sujet est sensible. En juin, la ministre de la Famille, Dominique Bertinotti, s'est fait huer lors de l'assemblée générale de l'Unaf à Toulon : elle s'y était prononcée en faveur de "l’adoption et du mariage pour tous les couples", comme le rapporte Var Matin.
L'Eglise catholique "appelle à la prière"
Jusque-là plutôt discrète sur le sujet, l'Eglise commence aussi à se mobiliser. Le cardinal André Vingt-Trois, président de la Conférence des évêques de France, a lancé le 30 juillet un appel national à la prière pour mobiliser les catholiques contre le projet du gouvernement d'ouvrir le mariage et l'adoption aux homosexuels. La lettre du cardinal doit être lue dans toutes les paroisses le 15 août, jour de la fête catholique de l'Assomption. Une démarche exceptionnelle de la part de l'Eglise, qui entend ainsi ne pas laisser le monopole de la parole aux intégristes.
Cette prière s'adresse "à celles et ceux qui ont été récemment élus pour légiférer et gouverner". "Que leur sens du bien commun de la société l’emporte sur les requêtes particulières et qu’ils aient la force de suivre les indications de leur conscience", dit la prière, qui souhaite aussi que les enfants "cessent d’être les objets des désirs et des conflits des adultes pour bénéficier pleinement de l’amour d’un père et d’une mère".
La pasionaria Christine Boutin souhaite un référendum
Chef de file de la lutte contre le Pacs en 1998, Christine Boutin, ancienne ministre de Nicolas Sarkozy, compte également faire entendre sa voix. "C'est une question extrêmement grave qui nous est posée, il s'agit d'une affaire de civilisation et d'organisation de la société", répond-elle à FTVi. La présidente du Parti chrétien-démocrate souhaite une "débat pacifié" : "Il ne faut pas jouer la passion, il faut être dans la réflexion et la raison car les conséquences sur l'avenir seraient trop importantes, notamment pour les enfants."
Christine Boutin réclame donc la tenue d'un référendum sur la question pour que "la société s'empare du débat". "J'en ferai la demande solennellement à la rentrée au Premier ministre, poursuit l'ex-ministre. Un débat à l'Assemblée nationale serait confiné, avec des combats et des joutes oratoires violentes et les Français ne seraient pas au courant des tenants et des aboutissants." Si le gouvernement n'accède pas à sa demande, Christine Boutin prévient qu'elle est "prête à aller jusqu'à l'incivilité citoyenne". Et elle ne redoute pas d'être caricaturée par les partisans de l'ouverture du mariage et de l'adoption aux homosexuels. "Mon destin et mon image m'importent peu, cette question me dépasse totalement", nous confie-t-elle.
Et face à eux, le gouvernement "tient le cap"
Le gouvernement, lui, fait le dos rond. Pas question d'organiser un référendum, il s'agit de respecter un engagement de la campagne présidentielle. "On tient le cap fixé par François Hollande, c'est notre objectif", explique une source proche du gouvernement à FTVi, rappelant toutefois qu'un dialogue avec les associations sera organisé.
Nicolas Gougain, porte-parole de l'Inter-LGBT (lesbiennes, gays, bi et trans), se montre confiant. "Il faudra bien sûr déconstruire les faux arguments réactionnaires, mais le gouvernement, la majorité parlementaire et les Français, dans leur grande majorité, sont favorables à l'ouverture du mariage aux couples homosexuels", estime-t-il. Pour lui, les partisans de cette réforme doivent "éviter la confrontation". "On a tout intérêt à prendre de la hauteur face à certains arguments ridicules."
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