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Les valeurs du rugby bien cachées derrière la "sodomie arbitrale"

Après l'affaire du père d'Imanol Harinordoquy, la triple sortie du président de Toulon jette un peu plus le doute sur les valeurs de ce sport.

Article rédigé par Pierre Godon
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
Mourad Boudjellal, le président du club de rugby de Toulon, le 2 avril 2011. (GERARD JULIEN / AFP)

Canal+ diffusait récemment le Bienvenue chez les Ch'tis du Sud-Ouest, Le Fils à Jo, un film sur le rugby, ses valeurs, son terroir. Convivialité, fraternité, respect de l'adversaire, de l'arbitre... Des valeurs du rugby, façon image d'Epinal, pulvérisées dimanche 8 janvier par Mourad Boudjellal, le président du RC Toulon, battu assez logiquement à Clermont. 

Sodomie, vulgarité et racisme

Première sortie, à chaud après la rencontre, du président toulonnais : "J’ai connu ma première sodomie arbitrale contre Clermont en demi-finale en 2009. Je viens de connaître ma deuxième ce soir. On pourra revoir les images non pas sur YouTube mais sur YouPorn." Il s'est ensuite excusé auprès de l'arbitre... avant d'apprendre sa convocation par la commission de discipline de la Ligue nationale de rugby. 

 

Deuxième acte mardi 10 janvier dans l'hebdo spécialisé Midi Olympiqu: "On me taxe de vulgarité mais la vraie vulgarité, c'est d'exposer dans son bureau le bouclier de Brennus gagné en 1993 mais entaché d'erreurs, quand on voit comment Castres avait été arbitré." Une attaque frontale contre le président de la Ligue nationale de rugby, Pierre-Yves Revol, ancien président de Castres...

Troisième sortie en guise de bouquet final : "Je crois que le dernier président à avoir été sanctionné doit être Serge Blanco en 96. Après un Noir, un Arabe."

Pour avoir critiqué le professionnalisme des arbitres dans une interview, Sébastien Chabal avait écopé de trente jours de suspension en mai 2011. Mais autant la sortie de Chabal attaquait le jeu, autant la sortie de Boudjellal dézingue les arbitres, les pontes du rugby français et dénonce du favoritisme et du racisme. Les sacro-saintes valeurs du rugby, véhiculées à longueur de spot publicitaire, seraient-elles de moins en moins présentes sur le terrain ? 

"Le fonds de commerce du rugby, ce sont ses valeurs"

C'est la crainte de nombreux blogs spécialisés, comme Nice Rugby : "Pourquoi vouloir singer les dérives verbales d’un Loulou Nicollin dans le football quand il sait parfaitement que le rugby surfe aujourd’hui sur une vague médiatique très positive ? Le fonds de commerce du rugby repose sur les valeurs de respect que ce sport véhicule."

Ce qui est reproché à Boudjellal, c'est son côté "buzz permanent", avec une petite phrase chaque semaine (le blog Mêlée Relevée du Figaro en a réalisé un best-of), et son côté bling-bling, dans son recrutement de stars pas toujours aussi étincelantes que Jonny Wilkinson sur le terrain. Mais jusque-là, sa truculence avait fait l'unanimité chez les amateurs, lassés du discours de plus en plus policé des acteurs du championnat. 

L'arbitre de ce fameux Clermont-Toulon, Christophe Berdos, a reconnu sur Infosport+ avoir été sévère pour les deux équipes. Avant de poser cette question : "Après, est-ce que les propos du président de Toulon sont dans l’état d’esprit du rugby ?" 

"Le foot, on y va tout droit"

Ajoutez à cela la propension du rugby à limoger de plus en plus d'entraîneurs (les cas sont plus fréquents en Top 14 qu'en L1), les bagarres générales avec des parents-supporters qui défendent leur progéniture sur le terrain (hein Lucien Harinordoquy ?), et ce sont toutes les "valeurs de l'ovalie" qui prennent du plomb dans l'aile.

Sur le forum des supporters toulonnais de Rugbyrama.fr, Stico63 résume : "En l’occurrence Berdos est un arbitre pro, un des seuls de notre championnat avec Poite et Garcès (...). Ça les a empêché de se faire dénigrer ? Non. Au foot, les arbitres sont également des pros. Pourtant pas une journée sans polémiques arbitrales. Le foot... on y va tout droit, les gars."

Le débat foot vs rugby a été relancé ce week-end par un arbitre gallois qui arbitrait un match de la province irlandaise du Munster contre l'équipe italienne de Trévise. Alors qu'une de ses décisions était contestée par les joueurs italiens, l'arbitre Nigel Owens a brandi cette menace : "Si je vous entends contester une fois de plus, je vous pénaliserai... On n'est pas au foot ! Est-ce bien clair ?"

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