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Luka Magnotta, un meurtrier sadique en quête de célébrité

Le "dépeceur de Montréal", accusé d'avoir tué et démembré un étudiant chinois, a été arrêté en Allemagne. FTVi revient sur l'affaire et tente de dresser le profil de ce criminel hors du commun.

Article rédigé par Ariane Nicolas
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6 min
Photo non datée de Luka Rocco Magnotta, publiée par la police canadienne le 29 mai 2012. (MONTREAL POLICE DEPARTMENT / AFP)

"Canadian Psycho", "dépeceur canadien", "tueur sadique de Montréal"... Quel que soit le surnom donné à Luka Magnotta, les informations concernant cet homme de 29 ans, arrêté lundi 4 juin pour le meurtre barbare d'un étudiant chinois à Montréal fin mai, témoignent d'une personnalité trouble, narcissique et en quête de visibilité depuis des années. 

Sur internet notamment, le meurtrier avait ouvert divers blogs ou comptes Facebook et diffusé à tout-va des photos de lui plus ou moins dénudé. Tantôt acteur porno, prostitué ou simple exhibitionniste, ce bisexuel né à Scarborough (Ontario, Canada) est obsédé par son apparence. Que nous révèle sa présence sur internet ?

Attention, cet article contient des détails qui peuvent choquer.

• Il multiplie les identités

Rocco Luka Magnotta est né sous le nom d'Eric Clinton Newman en juillet 1982. Selon la Gazette officielle de l'Ontario, c'est en 2006 qu'il devient légalement Luka Rocco Magnotta. Son avis de recherche international, diffusé par Interpol, le présentait comme un homme brun d'1,78 m, aux yeux bleus, pesant 61 kg. Mais il pouvait se cacher derrière d'autres noms ou d'autres apparences.

Magnotta serait devenu strip-teaseur à l'âge de 18 ans dans un bar gay de Toronto, le Remington’s, officiant sous le nom d'"Ange", selon l'artiste transsexuelle canadienne Nina Arsenault, qui affirme avoir eu une liaison avec lui. Interviewée par la chaîne CBC, Nina Arsenault le décrit comme "manipulateur, menteur, irascible et souvent autodestructeur".

Sur le net, Luka Magnotta s'est manifesté sous le nom d'Eric Clinton Kirk Newman, Vladimir Romanov ou Catherine Tramell, du nom de l'héroïne de Basic Instinct, un film dont il se serait inspiré pour commettre le meurtre de l'étudiant chinois, selon le National Post. Dans une interview vidéo au site Naked News en 2007, au cours de laquelle il raconte son expérience en tant que prostitué, il se présente sous un autre nom encore, "Jimmy". Mais c'est bien sous le nom de Luka Magnotta qu'il a fondé son site officiel

Magnotta concède alors, au sujet des clients avec qui il a des relations sexuelles tarifées : "J'ai parfois du mal à faire la différence entre ma vie personnelle et ma vie professionnelle." Une identité trouble qu'il semble appliquer au reste de sa vie. Sur son site internet, par exemple, il affirme à plusieurs reprises : "Une histoire a toujours DEUX facettes. Ne l'oubliez jamais."

Le Canadien joue également les caméléons physiquement. Ses cheveux passent du brun au blond peroxydé, du court au plus long ; le jeune homme aime se mettre du rouge à lèvres et porte parfois des perruques. Les photos prises à l'aéroport de Montréal, samedi 2 juin, le montrent brun avec des cheveux coupés au bol, mais les enquêteurs ont également diffusé une image de lui le présentant avec de faux cheveux longs.

• Il salue ses "fans" comme une star

Même s'il n'a jamais percé dans l'industrie porno ni dans une émission de téléréalité, malgré de nombreuses tentatives, Luka Magnotta aime bien se mettre en valeur comme s'il était une star. Sur internet, il se prend en photo, mime les poses ténébreuses, souvent torse nu. 

Portrait de Luka Magnotta, Canadien soupçonné d'un meurtre barbare à Montréal le 24 mai 2012, diffusé sur son site internet. (NEWSCOM / SIPA)

Sur cette vidéo postée au moment de sa cavale, il dit même "salut" à ses "fans", fumant une dédaigneuse cigarette. 

Dans une note de blog ancienne, retrouvée par Radio Canada, le jeune homme écrit même : "Je ne suis pas homosexuel, mais si je l'étais, je m'épouserais et serais obsédé par moi."

Les enquêteurs le soupçonnent désormais d'avoir diffusé une vidéo à la gloire de son crime. Un compte YouTube ouvert vendredi 1er juin - juste avant son arrivée en Europe - a publié une vidéo intitulée "Le tueur qui ressemble à James Dean. Un homme, une icône", dans laquelle des photos intimes de Magnotta accompagnent un message de soutien admiratif.

 

• Il tue des chatons pour faire parler de lui

Pour les internautes assidus, Luka Magnotta n'est pas un inconnu. Il avait fait parler de lui en 2010, après avoir publié une vidéo dans laquelle il asphyxiait deux chatons en les emprisonnant dans un sac plastique dont il chassait l'air avec un aspirateur. Le "vacuum kitten killer" avait révolté des utilisateurs du forum 4chan. Une communauté s'était formée spontanément, réclamant son arrestation. Certains internautes avaient même promis de mettre plusieurs milliers d'euros sur la table pour le retrouver, comme le rappelle cet article du Daily Mail.

Luka Magnotta est l'auteur d'une autre vidéo sadique, elle aussi postée sur internet, montrant cette fois-ci un chaton englouti vivant par un python. Un journaliste du quotidien The Sun, qui l'avait rencontré à cette occasion, se dit toujours "perturbé" par cette interview, même si Magnotta avait nié être l'auteur des vidéos. "Mais derrière ce déni, il semblait avoir un plaisir étrange à capter l'attention. A mon sens, ce plaisir était sexuel", affirme le journaliste, six mois plus tard.

• Il filme son meurtre et diffuse la vidéo sur internet

C'est sûrement la marque la plus terrible de son narcissisme. Luka Magnotta n'a pas seulement tué, démembré et violé la dépouille de sa victime, il a également filmé consciencieusement tous ces faits. Ces images, d'une violence inouïe, ont été supprimées du premier site internet où elles ont été diffusées mais ont ressurgi sur d'autres sites, malgré les demandes répétées des enquêteurs.

Luka Magnotta y paraît calme, jamais dégoûté par ses propres agissements. En fond sonore, la chanson True Faith du groupe New Order retentit, comme dans le film American Psycho, autre histoire de meurtre et de personnalité troublée. Les paroles d'intro semblent tristement adaptées à la scène : "Je me sens si extraordinaire / Quelque chose s'est emparé de moi / J'ai le sentiment d'être en mouvement / Une impression soudaine de liberté."

On sait par ailleurs qu'il a envoyé des morceaux du corps de sa victime (une main et un pied) à des partis politiques canadiens, preuve supplémentaire qu'il voulait à tout prix qu'on parle de lui.
 

• "S'il a pris du plaisir, il peut recommencer"

Quelle est la vraie nature psychologique du dépeceur de Montréal ? Pour l'instant, les experts psychiatres contactés par les médias assurent qu'il s'agit d'un "pervers sadique". Selon le Pr Michel Bénézech, expert en psychiatrie criminelle cité par Metro, Luka Magnotta fait preuve d'un "narcissisme effréné". Cette photo prise après le meurtre, dans l'appartement du meurtrier, montre bien son obsession pour l'apparence. Luka Magnotta semble y parler à une cible imaginaire.

"Si vous n'aimez pas votre reflet dans le miroir, ne le regardez pas. Je n'en ai rien à faire". Intérieur de l'appartement de Luka Magnotta, à Montréal (Canada), le 31 mai 2012. (ROBERT J. GALBRAITH / REUTERS)

Pour autant, "son meurtre ne ressemble pas au schéma classique d'un acte de psychotique" car il a organisé son passage à l'acte, assure Michel Bénézech. "En tant que pervers, il a certainement ressenti beaucoup de plaisir, et il doit en prendre encore aujourd'hui, en voyant que l'horreur est médiatisée (...). S'il a trouvé un grand plaisir à commettre son premier meurtre, il peut avoir envie de recommencer." Le futur procès de Luka Magnotta dira si, oui ou non, il planifiait un nouveau crime.

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