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Canicule : pourquoi sommes-nous physiquement inégaux face à la chaleur ?

Quand le mercure grimpe, certaines personnes suent abondamment alors que d'autres semblent moins affectées. Cela s'explique par le fait que chacun a un "thermostat" différent.
Article rédigé par franceinfo
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Un serveur transpire en pleine vague de chaleur à Marseille, le 19 août 2023. (DAVID ROSSI / LA PROVENCE / MAXPPP)

Transpirer quand il fait chaud, c'est plutôt un bon signe. Cela veut dire notre corps est en bon état de fonctionnement : la sueur produite va éviter à l'organisme de trop se réchauffer, et ainsi participer à notre thermorégulation. Mais comment expliquer qu'en cas de fortes températures, certaines personnes se retrouvent en nage en l'absence de climatisation, tandis que d'autres n'affichent aucune goutte de sueur ?

Que l'on soit un homme ou une femme, en bas âge ou senior, d'une aire géographique ou d'une autre, notre corps réagira différemment aux coups de chaud. Alors que la France est frappée par une intense vague de chaleur, lundi 21 août, franceinfo vous explique pourquoi nous sommes physiquement inégaux face aux fortes températures.

Des avantages liés à la génétique

"Grâce à l'évolution darwinienne et à la sélection des espèces, certains sont génétiquement façonnés pour vivre dans les pays chauds, et d'autres plutôt dans les pays froids", expliquait en 2015 à franceinfo Dominique Dupagne, médecin généraliste et créateur du site médical Atoute.org. Ainsi, une personne à la peau blanche, héritière des pays du Nord, évacuera moins facilement la chaleur qu'une personne à la peau foncée, venue du continent africain. La pigmentation de la peau peut donc constituer un avantage.

Toutefois, l'être humain possède une petite marge d'adaptation à son environnement, qui peut changer sa perception de la chaleur : une personne d'origine asiatique, née dans un climat tempéré comme la France, aura tendance à se couvrir plus qu'une personne ayant toujours vécu en Asie, avec des températures supérieures à 25°C toute l'année. Mais "le ressenti évolue finalement peu par rapport à la part génétique", jugeait Dominique Dupagne. 

Un "thermostat" corporel différent

La température moyenne de notre corps est de 36,59°C, selon une étude américaine publiée en 2019. "Il faut garder à l'esprit qu'il n'y a pas un unique chiffre qui définit la normothermie [situation où le corps humain est à température normale]", précise l'étude. "En revanche, il y a une échelle de températures normales", cette échelle allant de "36,16 à 37,02°C".

Chaque personne va donc avoir son propre "thermostat", et aura besoin de se maintenir à une température parfois différente de celle de son voisin. Par ailleurs, selon diverses recherches scientifiques, le confort thermique varie selon le genre. La température ambiante idéale serait de 22°C à 24°C chez les hommes, contre 24,5°C à 26°C chez les femmes, soit deux degrés de différence entre les deux sexes. 

Nouveaux-nés et personnes âgées, des populations vulnérables

En cas de canicules fréquentes, liées au dérèglement climatique, il n'est pas dit que l'être humain puisse s'adapter suffisamment vite. Surtout quand il se situe aux extrémités de la pyramide des âges. "Quand on monte d'un seul coup en deux jours à 38°C, on perd un grand nombre de capacités d'adaptation. Ceux qui vont en pâtir au début, ce sont les jeunes enfants et les plus âgés", expliquait en 2015 à franceinfo le professeur Jean-François Toussaint, directeur de l'Institut de recherche biomédicale et d'épidémiologie du sport. Pendant la canicule de 2003, 80% des 15 000 personnes mortes avaient ainsi plus de 75 ans.

Chez le nouveau-né, le système de thermorégulation n'est pas mature, sa chaleur corporelle va donc varier au gré de la température extérieure, et le rendre vulnérable. Ensuite, le nombre de glandes sudoripares (qui sécrètent la sueur) diminuant avec l'âge, celles-ci seront excessivement sollicitées chez les personnes âgées en cas de canicule. La production de sueur sera donc moindre.

Pour compenser ce système de sudation défaillant, "il faut générer de la sueur artificielle", selon Jean-Louis San Marco, professeur de médecine à l'université de Marseille. "Déposer sur la peau de ses avant-bras, face antérieure et face postérieure, des gouttelettes d'eau avec un vaporisateur ou un brumisateur. Ensuite, on va les faire s'évaporer avec un petit courant d'air, à l'aide de la main ou d'un journal plié. Quand la peau de l'avant-bras redevient sèche, on recommence", détaillait le médecin à franceinfo en 2019.

Les femmes, plus sensibles que les hommes aux températures élevées

Le risque sanitaire semble plus important pour les femmes âgées lors de canicules, rapporte le quotidien britannique The Guardian. Des chercheurs néerlandais ont ainsi constaté dans une étude de 2018 que pendant l'épisode caniculaire de 2003 en France, "le taux de mortalité chez les femmes était en moyenne 15 % plus élevé que chez les hommes", sans pour autant parvenir à expliquer cet écart.

Une autre étude de 2021, menée aux Pays-Bas, montre que la "mortalité liée à la chaleur est plus élevée chez les femmes que chez les hommes, en particulier dans le groupe d'âge le plus âgé (≥ 80 ans) sous la chaleur extrême, tandis que dans le froid, aucune différence entre les sexes n'a été trouvée".

Pour Hein Daanen, auteur de l'étude et professeur de physiologie de l'exercice à l'Université libre d'Amsterdam (Pays-Bas), ce phénomène pourrait être lié à une production de sueur insuffisante. "Les personnes âgées transpirent grosso modo moitié moins que les jeunes et les femmes moitié moins que les hommes", détaille-t-il auprès du Guardian. La capacité des femmes âgées à réduire leur chaleur corporelle est donc particulièrement faible. Le fait que la tension cardiovasculaire est plus élevée chez les femmes peut aussi expliquer ce risque de mortalité plus élevé, selon l'étude.

Mike Tipton, chercheur en physiologie à l'université de Portsmouth, évoque un autre facteur possible auprès du quotidien britannique : les femmes ayant une température centrale plus élevée après l'ovulation et un corps plus petit que celui des hommes, elles se "réchauffent" donc plus rapidement. 

Le gouvernement britannique considère en tout cas les femmes âgées comme une population à risque dans son plan national contre la canicule (document PDF), au même titre que les plus de 75 ans, les jeunes enfants, et les personnes souffrant de maladie physiques ou mentales graves. "Les données [scientifiques] pointent très sérieusement vers une corrélation entre le sexe et le risque de décès pendant les canicules", constate Simon Cork, spécialiste de physiologie à l'université d'Anglia Ruskin de la ville de Cambridge, dans une interview pour le site d'informations Archyde.


Les épisodes de fortes chaleurs peuvent être dangereux pour la santé, en particulier pour les personnes âgées, handicapées ou isolées, qui sont plus vulnérables. Afin de limiter les risques, pensez à boire de l'eau régulièrement, à éviter les sorties et les efforts physiques aux heures les plus chaudes de la journée, ainsi qu'à fermer les volets et les rideaux des fenêtres exposées au soleil. Si des symptômes inhabituels surviennent (crampes, fatigue soudaine, nausées, vomissements, maux de tête…), n'hésitez pas à contacter le 15. Pensez enfin à prendre des nouvelles de vos proches les plus fragiles durant ces fortes chaleurs.

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