Le corps peut-il s'adapter au réchauffement climatique ?
Sur nos visages, on peut lire les effets du temps. Celui qui passe bien sûr. Mais aussi, celui qu’il fait depuis que notre espèce existe. Le climat conditionne notre physionomie, à commencer par notre couleur de peau. Il y a 7.000 ans, nous avions tous le teint mat.
"Au départ, nous sommes un animal de climat chaud, bombardé par des ultraviolets. Il nous faut une couche protectrice qui s’appelle la mélanine et qui nous donne une couleur foncée. Plus on va vers le Nord, moins on a d’ultraviolets contre lesquels se protéger, plus on s’éclaircit parce que ces ultraviolets ont aussi un rôle physiologique important, notamment pour fabriquer de la vitamine D. Et donc, on peut considérer que les Européens sont des Africains qui ont blanchi", explique le Dr Alain Froment, médecin et anthropologue au Musée de l'Homme à Paris.
Certains, comme les Inuits, ont conservé cette peau sombre parce qu’ils consomment des abats riches en vitamine D. Il y a 15.000 ans, quand leurs ancêtres ont migré vers le Nord, leur morphologie a dû évoluer pour maintenir leur température corporelle à 37°C. Selon le Dr Alain Froment, "quand il fait très chaud, le mécanisme thermorégulateur c'est la sueur. Il faut donc avoir une surface de peau grande, donc de longues jambes, de longs bras… Quand on prend les Esquimaux au contraire dans un pays froid, ils sont trapus et ce sont les membres qui raccourcissent".
Un nez plus étroit dans les pays du Nord
Rayonnement solaire, température, humidité... Le climat nous façonne, jusqu’au milieu de la figure. Plus on va le Nord, plus les hommes ont des nez étroits. Pour le Dr Alain Froment, "tant qu’on respire un air chaud, il n’est pas nuisible pour les poumons. Mais, dès qu’on va dans des contrées où l’air est plus sec et plus froid pour les poumons, cela fait sécréter du mucus qui s’infecte et on meurt plus facilement de bronchite, de pneumonie... Les gens, qui sont venus en Europe, issus de l’Afrique des grandes migrations préhistoriques et qui avaient déjà un nez un peu plus étroit, étaient avantagés. Et, donc à chaque génération, ils étaient un peu plus avantagés".
Le corps s'adapte, en partie, aux changements climatiques
Les fluctuations climatiques ont modelé notre espèce. Mais avec la hausse des températures, l'être humain devra s’adapter beaucoup plus vite. Ce changement s’annonce donc plus périlleux, comme le montre certaines expériences. Pour préparer les Jeux olympiques de Rio de Janeiro en 2016, Anaël Aubry s’entraîne dans une salle chauffée à plus de 40°C.
"On se sent oppressé, comme si on était une cocotte-minute, comme si la transpiration ne sortait pas. On sent que cela devient limitant passé 20-30 minutes. On ne peut pas maintenir l’intensité qu’on tenait d’habitude", explique le sportif. Pour rester dans la course, même par 38°C, Anaël s’acclimate à raison de plusieurs séances par semaine. Cyril Schmit, doctorant en psychophysiologie à l’Institut national du sport, de l'expertise et de la performance (INSEP), estime que l’athlète "va apprendre à évacuer la chaleur qu’il produit, ce qui lui permettra de soutenir son intensité. Après quelques jours d’acclimatation à la chaleur, il arrive dans une deuxième partie d’épreuve à maintenir l’intensité qu’il avait initialement. Par contre, il y aura un effet plafond au-delà duquel le corps ne va pas pouvoir s’adapter".
Premières victimes des canicules : les personnes âgées et les jeunes enfants
S’adapter oui, mais encore faut-il en avoir le temps… En cas de canicules fréquentes, c’est impossible. Pour le Pr Jean-François Toussaint, directeur de l'Institut de Recherche Biomédicale et d'Epidémiologie du Sport (IRMES), "quand on monte d’un seul coup en deux jours à 38°C, on perd un grand nombre de capacités d’adaptation. Ceux qui vont en pâtir au début, ce sont les jeunes enfants, les plus âgés, et entre eux tous ceux qui ont un organe défaillant : une insuffisance cardiaque, respiratoire ou un malade d’Alzheimer… Tous ces aspects-là vont limiter les fonctions adaptatives au départ. Si une vague de chaleur intervient, ce sont eux qui vont payer le plus lourd tribut."
C’est d’ailleurs déjà le cas. En 2003, les quinze jours de fortes chaleurs ont entrainé la mort de 15.000 personnes, essentiellement des personnes âgées.
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